Les cheminements de la pensée enfantine
76 pages
Français

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Les cheminements de la pensée enfantine , livre ebook

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Description

Les enfants roms présentent un intérêt tout particulier pour comprendre le cheminement qui mène à la compréhension de l'écrit. Comme ils ne sont pas sous l'influence d'une culture lettrée, on peut observer " à l'état brut " les premières représentations qu'ils élaborent lorsqu'ils sont confrontés à l'écrit. L'auteur observe l'évolution de la pensée d'enfants serbes et roumains face à ce que signifie lire, écrire, face à ce que disent les mots écrits, face à la fonction des lettres.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2014
Nombre de lectures 2
EAN13 9782336697819
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Copyright


D U MÊME AUTEUR


L’apprentissage de l’écrit chez les adulte, cheminement du savoir lire-écrire , Préface de Madelon Saada-Robert, L’Harmattan, 2000.
Un autre regard sur les « illettrés », représentations, apprentissage et formation, avec la contribution de Françoise XAMBEU, L’Harmattan, 2011.








Illustration de couverture : Enfants roms à Gardanne , Didier Bonnel


© L’Harmattan, 2014
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http ://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-69781-9
Présentation
Les enfants roms ne sont pas différents des autres enfants. Ils vivent seulement dans un environnement différent – sans écrits, sans lecteurs ni scripteurs, leurs parents étant totalement absorbés par la recherche du minimum vital, chaque jour : manger, s’abriter, se chauffer…
Les familles vivent dans une insécurité totale : peur de la police qui les harcèle, incertitude du lendemain, nécessité constante de partir ailleurs, avec leurs baluchons, lorsque leurs baraques hâtivement construites sont écrasées par les bulldozers des « forces de l’ordre ».
Errance d’un pays à l’autre : chassés de leur pays d’origine par la misère et l’ostracisme, ils viennent dans les pays de l’Ouest où ils vivotent en récoltant des miettes de l’abondance, grâce à la mendicité, la récupération, des travaux saisonniers, l’aide des associations humanitaires, parfois la petite délinquance.
Errance d’une ville à l’autre, d’un bout de terrain à un autre.
Mais les enfants, eux, comme tous les enfants, grappillent ça et là les éléments de leur apprentissage et vivent leur vie d’enfant : ils jouent dans la poussière et dans la boue, observent ces étrangers étranges que nous sommes, apprennent des langues nouvelles. Lorsqu’on leur donne la possibilité d’aller à l’école, ils en retirent le délice des repas à la cantine, le plaisir d’activités nouvelles, la découverte d’objets inconnus – crayons, papiers, images, livres… La lecture d’histoires les plonge dans un univers imaginaire qui les émerveille. Ils apprennent aussi à se soumettre aux règles scolaires et sociales qui ne sont pas les leur.
Curiosité, faculté d’adaptation : ce sont là les caractéristiques de tous les enfants, les moteurs de leur développement.
Les enfants roms sont comme tous les enfants, mais pour ceux qui, comme moi, cherchent à comprendre le cheminement qui mène à la compréhension de l’écrit, ils présentent un intérêt tout particulier. Comme ils ne sont pas sous l’influence d’une culture lettrée, contrairement à tous les autres enfants de nos pays, on peut observer « à l’état brut », pour ainsi dire, les premières représentations qu’ils élaborent lorsqu’ils sont confrontés, bien plus tard que les autres, à l’écrit.
Qu’est-ce c’est qu’un livre ? Que signifie lire, écrire ? Quel est le rôle des images, des textes ? Que « disent » les mots écrits ? Quelle est la fonction des lettres ?
Les enfants roms se posent toutes ces questions. Comme tous les enfants. Mais, généralement, on ne le voit pas aussi clairement parce que les enfants des « lettrés » se les posent beaucoup plus tôt, bien avant d’aller à l’école et d’être soumis au regard scrutateur des adultes : les écrits qui les environnent, la présence de lecteurs et de scripteurs attirent leur attention très précocement, et l’habitude de beaucoup d’adultes de lire aux enfants des histoires renforce cet intérêt, stimule leur curiosité, déclenche leur réflexion et leur recherche. Les enfants roms, de par leur environnement, sont « en retard » (ce qui ne veut nullement dire retardés !), ils découvrent sous nos yeux l’univers de l’écrit.
En observant ces enfants, dans leur diversité, on peut mieux comprendre les étapes que doivent franchir tous les enfants qui apprennent à lire, et les raisons qui expliquent pourquoi certains n’y parviennent pas.
C’est pourquoi ce livre ne concerne pas seulement ceux qui s’intéressent aux Roms, mais tous ceux qui se questionnent sur l’apprentissage de l’écrit, sur ses réussites comme sur ses échecs.
Observer l’enfant qui apprend…
J’ai été pendant des décennies formatrice auprès d’adultes analphabètes (n’ayant jamais été scolarisés) ou « illettrés » (scolarisés mais en difficulté plus ou moins grande à l’écrit). Je sais que, pour pouvoir aider les personnes à apprendre, il faut d’abord et avant tout observer ce qu’elles sont capables de faire, les questionner, analyser leurs procédures, essayer de comprendre leurs représentations de l’écrit – souvent très différentes des nôtres.
Au lieu de les regarder comme des gens qui « ne savent pas », à qui il faut tout « enseigner », c’est-à-dire apporter le savoir qu’ils n’ont pas, il est essentiel de les considérer comme des individus intelligents, qui ont réfléchi, qui ont des idées sur l’écrit et sur l’apprentissage. Le formateur doit s’appuyer sur ces représentations pour qu’ils puissent apprendre, c’est-à-dire construire leur propre apprentissage.
Lorsque je m’engage à aider des enfants roms à apprendre à lire, je suis en terrain inconnu : je n’ai jamais travaillé avec des enfants. Mais je procède de la même façon qu’avec les adultes : d’abord observer, interroger, essayer de comprendre. Et surtout, ne pas chercher à enseigner quoi que ce soit avant de savoir, ou d’entrevoir, ce que les enfants pensent et sont capables d’apprendre par eux-mêmes.
Dés le début je tâtonne, avec cependant un guide : ce qu’Emilia Ferreiro m’a appris sur les étapes que franchissent les enfants pour comprendre, ou plutôt pour découvrir la nature de notre écriture.
En effet, et contrairement à ce que l’on pense généralement, l’apprentissage de l’écrit ne commence pas à l’école, au moment où l’enfant entre au Cours Préparatoire, ni même auparavant, en Maternelle où on lui apprend déjà les lettres.
Il commence bien avant – et il est l’œuvre exclusive et spontanée de l’enfant lui-même. Ainsi, dés l’âge de 2-3 ans, l’enfant se pose la question de ce que c’est que lire. Qu’est-ce que les mots écrits « disent » ou représentent ? Il fait diverses hypothèses, qu’il remet en question au cours de son développement.
C’est Emilia Ferreiro 1 qui a révélé l’extraordinaire travail de recherche qu’effectue l’enfant pour comprendre notre système d’écriture. Piagétienne de formation, elle a appliqué à l’écrit ce que Piaget avait démontré pour la logique : l’enfant passe par différents « stades » pour construire des systèmes d’explication, qui sont constamment remis en cause à la suite de conflits cognitifs entre ces systèmes et ce qu’il perçoit du réel.
Je renvoie le lecteur à ses ouvrages, passionnants pour tous ceux qui s’intéressent aux processus d’apprentissage. Ils m’ont permis d’analyser et d’interpréter les observations que je faisais des productions des enfants, de repérer leurs hypothèses et de comprendre la logique de leurs représentations.
Un mot sur la manière dont Emilia Ferreiro a procédé elle-même pour mettre à jour la pensée des enfants au sujet de l’écrit. Loin de les considérer comme des ignorants, eux qui n’ont fait l’objet d’aucune enseignement, elle les incite à « lire », c’est-à-dire à interpréter des mots écrits sous des images ou sur des objets, et à « écrire », c’est-à-dire à produire des lettres (ou de pseudo-lettres) correspondant à un mot :
« Au lieu de dire à un enfant : “Qu’est-ce que tu as appris à écrire ? Voyons, écris-le.”, nous lui avons demandé de faire tout le contraire : d’écrire ce qu’il ne savait pas, ce que personne ne lui avait encore enseigné. » 2
Surtout, elle regarde ces productions non pas comme des créations enfantines fantaisistes dépourvues de sens, mais, au contraire, comme des constructions intelligentes, celles de « l’enfant piagétien » :
« L’enfant piagétien, c’est un enfant qui essaie de comprendre le monde qui l’entoure et qui élabore des théories provisoires sur ce monde, un enfant auquel pratiquement rien n’échappe. » 3
Le regard qu’elle pose sur les écrits des enfants, les questions qu’elle leur pose, l’analyse de leurs réponses reposent sur cette conviction que l’enfant n’est pas « un ignorant » à qui il faut tout apprendre, mais, au contraire, qu’il est un chercheur, l’acteur de son propre apprentissage et qu’il faut donc le prendre au sérieux :
« Nous essayons de parler avec l’enfant car, si je veux qu’il m’explique ses

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