Education et démocratie en Afrique et en Europe

Irma Julienne Angue Medoux

Description

La mondialisation économique produit une dépotentialisation des démocraties et de l'éducation. Les institutions d'éducation se découvrent impuissantes à forger une culture humaine. En Afrique comme en Europe, l'éducation est focalisée sur l'enseignement scientifique et technologique, elle ne peut donc pas forger une formation culturelle des citoyens à la démocratie. Seule une montée en puissance de l'éducation peut guérir les démocraties néolibérales de leur volonté de puissance en promouvant l'exercice d'un jugement critique dans ce dialogue.

Sujets

• Philosophie et théologie
• Éducation
• Philosophie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 mars 2014
• Nombre de lectures: 10
• EAN13: 9782336339955
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Sous la direction de Irma Julienne ANGUE MEDOUX

ÉDUCATION ET DÉMOCRATIE EN AFRIQUE ET EN EUROPE

PHILOSOPHER EN AFRIQUE

Éducation et démocratie en Afrique et en Europe

CollectionPhilosopher en Afrique dirigée par Jean-Rodrigue-Elisée Eyene Mba En proie à des conflits ethniques croissants, au recul des droits de l’homme et aux impasses économiques, dans un contexte où l’Europe et l’Amérique du nord redéfinissent leurs programmes univer- sitaires, politiques, économiques, sociales et stratégiques pour mieux s’affirmer dans le monde, l’Afrique a plus que jamais besoin des réflexions, positions et propositions de ses philosophes, lettrés, intellectuels et universitaires. C’est à cette fin que voudrait répondre la présente collection, « philosopher en Afrique ». En Afrique, le besoin d’une conscience critique qui ne se satisfait d’aucune vérité établie, figée et abstraite est de plus en plus nécessaire et urgent. Face à la demande accrue de la part des populations en quête de points de repères, de sens et de valeurs dans un monde hybride et soumis à l’emprise d’un capitalisme sans borne, comment ne pas nous interroger sur nous-mêmes, sur notre ouverture au monde qui nous entoure et sur le sens de cette ouverture ?  Dans ce cadre, « Philosopher en Afrique », c’est dire vers quels horizons voulons-nous, pouvons-nous et devons-nous aller. Mais, plus précisément, c’est chercher des réponses aux questions suivantes : comment les Africains lisent-ils les philosophes européens et américains ? Quelles interprétations donnent-ils des corpus de ces philosophes étudiés par des universitaires européens et américains ? Comment s’approprient-ils les dispositifs conceptuels élaborés en Europe et en Amérique pour forger leurs propres jugements sur le devenir de l’Afrique, en particulier, et sur l’évolution du monde, en général ? Comment ajustent-ils les connaissances que leur offrent ces philosophes à leur compréhension du monde où ils vivent et questionnent leur style de vie ? Comment ajustent-ils la connaissance qu’ils ont d’eux-mêmes avec les systèmes ethno-philosophiques et les mouvements philosophico-littéraires fabriqués par leurs pairs ? Comment prennent-ils part aux débats sur la consolidation de la culture démocratique et des droits de l’homme dans leurs sociétés et dans le monde ? Comment pensent-ils le positionnement politique, économique, culturel et scientifique de leurs Etats dans la mondialisation ? Réfléchir à ces questions, dans le contexte de la présente collection, c’est, au total, vouloir revitaliser la fonction de la philosophie comme lieu au sein duquel et par lequel une culture et une nation prennent conscience de leurs propres limites et parviennent à discerner quels sont leurs ressorts de progrès, mais c’est également pouvoir dévoiler les constances culturelles qui fondent l’évolution des sociétés post-traditionnelles, constantes qui ne pourront être utiles qu’en étant également reconnues et adoptées comme telles par les acteurs politiques et sociaux.

Sous la direction de Irma Julienne Angue Medoux Éducation et démocratie en Afrique et en Europe

Ouvrage publié avec le concours de l’Université Paris 8

Cet ouvrage présente les actes d’un colloque qui s’est tenu à Libreville, du 23 au 25 janvier 2013 à l’Université Omar Bongo, sur le thème : « Éducation et Démocratie dans les Sociétés Postmodernes Africaines et Européennes ». Sa publication a reçu l’appui d’une aide à la publication du Conseil scientifique de l’Université de Paris 8 et du Laboratoire d’études et de recherches sur les logiques contemporaines de la philosophie. Qu’ils en soient ici remerciés. © L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr [e-mail] ISBN : 978-2-343-02897-2 EAN : 9782343028972

ÉDUCATION ET DÉMOCRATIE DANS LES SOCIÉTÉS POSTMODERNES AFRICAINES ET EUROPÉENNES Pierre Nzinzi Recteur honoraire de l’Université Omar Bongo

L’Université Omar Bongo (UOB) s’honore d’accueillir le colloque International sur « Education et Démocratie dans les Sociétés Postmodernes Africaines et Européennes ». Au nom de l’UOB, je voudrais remercier sincèrement l’engagement de nos partenaires de l’Université de Paris 8 dont la compréhension a permis la tenue de cette rencontre. L’engagement personnel du Professeur Jacques Poulain mérite en particulier d'être salué, qui aura contribué significativement à la construction de la dimension internationale de notre rencontre, et en tout cas, à éviter de le réduire à un Colloque franco-gabonais. Je voudrais remercier également les autres collègues venus d’Afrique, d’Europe et d'Amérique pour construire l’objet de notre colloque, dans l’articulation du tryptique : Education, Démocratie et Postmodernité (en Afrique et en Europe), à la faveur du contexte politique international, marqué par l’effondrement du bloc communiste et la fin de la guerre froide qui s’en est suivie. Ce contexte laisse apparaître clairement un phénomène structurant ou mondialisant, à la fin du XXème siècle : l’universalisation de la démocratie libérale, au point que Fukuyama et d’autres hérauts de la démocratie libérale n’ont pas hésité à « prophétiser» la « fin de l’histoire ». A leurs yeux, la « fin de l’histoire » disqualifie le partage entre démocratie libérale et démocratie populaire ; elle sanctionne la fin du conflit entre Communisme et Capitalisme. Cet enthousiasme gagnerait à être raisonnablement modéré, sauf à oublier que l’homogénéisation du cours de l’histoire universelle, sous le rapport de la démocratie, s’est accompagnée d’une autre tendance doctrinale fondamentale, contradictoire, appelée postmodernité. Celle-ci peut être caractérisée en particulier par la micro-socialisation, susceptible donc de rendre compte de l’éclatement interne et externe du bloc communiste, et par le relativisme des valeurs, y compris la plus absolue de toutes, à savoir la vérité, sans laquelle la méthode poppérienne des essais et des erreurs, applicable tant en science qu'en politique, serait vaine. Selon toute vraisemblance, notre Colloque se sera constitué son objet en ce lieu critique de rencontre de ces deux tendances fondamentales et contradictoires de l’histoire mondiale : la tendance universalisante repré-

8 P IERRE N ZINZI sentée par la démocratie libérale, et la tendance postmoderniste qui justifie le repli identitaire, fait éclater les sociétés, ouvre le monde sur une foule de possibles, relativise les principes, les valeurs et les systèmes idéologiques, tels que la démocratie libérale. En effet, la postmodernité ne défend pas seulement l’idée d’une démocratie plurielle ; elle relativise dans le même mouvement l’éducation et ses méthodes. Elle nous installe donc dans le pluralisme et le relativisme, en ce qui concerne tant l’expérience démo- cratique que l’expérience pédagogique. Pourtant, on peut comprendre l’enthousiasme de ceux qui ont célébré la victoire définitive de la démocratie libérale, présentée comme l’horizon idéologique indépassable, c’est-dire comme absolu historique. En effet, la démocratie libérale progresse partout dans le monde, où tombent d’année en année les anciens et les nouveaux bastions des régimes autoritaires. Jamais les combats pour la liberté et l’élan des peuples vers la démocratie et les droits de l’homme n’ont paru aussi irrésistibles. Mais, les progrès manifestes de la démocratie libérale ne devraient pas nous faire oublier les effets négatifs, voire dévastateurs de la mondialisation néolibérale qui fait composer le libéralisme politique et le libéralisme économique, à savoir : Le renforcement de l’asymétrie sociale de l’inégalité et de la dépendance entre pays riches et pays pauvres ; Le chômage des sociétés industrielles avancées dû notamment à la délégation de la production à la main d’œuvre des pays bon marché ; L’exportation à l’étranger de l’impuissance des Etats de droit hégémoniques à juguler la spéculation financière ; La croissance de l’exclusion sociale des démunis ; Les retombées racistes et nationalistes de l’injustice et de l’exclusion ; La production considérable des famines dans les pays en voie de développement sévissant aujourd’hui à travers une spéculation financière étendue à la dérégulation des monnaies des Etats. Hors de l’Occident, « désenchanté», impuissant face à la « ruse de l’histoire », on ne semble pas se poser moins de questions. En effet, les libertés conquises lors des derniers soulèvements historiques sont rognées et les jeunes démocraties sont aujourd’hui menacées par la montée en puissance de la violence politique. Au point qu’après les événements qui ont enflammé l’Afrique du Nord et le monde oriental, on s’est désolé à Washington, de voir la dictature des peuples remplacer celle des régimes qu’ils venaient de renverser. L’Afrique, quant à elle, est actuellement confrontée au clivage quotidien entre ses traditions et l’échec de leur « adaptation » aux défis posés par l’expérimentation pragmatique de la démocratie. En Afrique, il est

Education et démocratie dans les sociétés postmodernes Africaines et Européennes9 courant de constater que le jeu démocratique se transforme en machine de guerre dramatique, au point que là où des élections libres et transparentes sont censées promouvoir la cohésion sociale et le respect de l’Etat de droit, au final, c’est paradoxalement la force des armes qui prend la place de la force du droit. A cela s’ajoutent le poids de l’ethnisme et sa fonction régulatrice du jeu politique et de la vie sociale. Face aux insuffisances relevées à la fois dans le fonctionnement de la mondialisation libérale et dans les processus démocratiques en Afrique et dans le monde arabe, n’y a-t-il pas lieu de réfléchir à une « autre» voie à emprunter ? Il s’agit de la réinvention de la démocratie et de son intériorisation par les acteurs et les sujets politiques. L’éducation ne légitime pas moins l’interrogation postmoderne. En effet, en tant que projet culturel, elle est mise en demeure de faire face au défi qui consiste à élaborer et à transmettre dans une société particulière des connaissances scientifiques dotées d’un potentiel universel. Il me semble donc que notre rencontre réponde à une invite raisonnable à comprendre les défis que la démocratie et l’éducation font à l’histoire et à la culture, dans un contexte postmoderne. Quelques questions peuvent nous y aider : Est-il possible de réaliser les principes démocratiques dans les formes de vie des peuples et des Etats tant qu’il existe un déficit d’éducation ? Plus simplement, jusqu’où peut aller l’expérimentation démocratique dans une société faiblement éduquée ? Quels moyens devons-nous mettre en œuvre pour que l’éducation contribue largement à l’entreprise de construction et de consolidation des Etats démocratiques pacifiques, de façon à réaliser l’idéal rationaliste - promu en particulier par l’Unesco - de cohabitation pacifique des peuples et des Etats dont les cultures et les styles de vie sont différents ? Je suis convaincu que votre intelligence philosophique saura trouver les réponses ainsi que d’autres questions, sans doute plus pertinentes, au cours de notre rencontre à laquelle je souhaite plein succès.