Langues et éducation dans la Caraïbe
191 pages
Français

Langues et éducation dans la Caraïbe , livre ebook

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191 pages
Français

Description

Il est préférable de donner l'enseignement aux enfants dans une langue qu'ils connaissent plutôt que dans une langue qu'ils ne comprennent ni ne parlent. La colonisation a imposé de façon quasi inévitable la langue du colonisateur comme medium éducatif. L'accès à la langue coloniale a néanmoins favorisé l'émergence d'une classe moyenne indispensable au colonisateur pour la mise en valeur du pays.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2008
Nombre de lectures 316
EAN13 9782296209824
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

Langues et éducation danslaCaraïbe
L'Harmattan 5-7 Rue de l’École-Plytechnique 75005 Paris France
La revue des universitaires haïtiens et caribéens dans le monde
L'Harmattan Hongrie Könyvesbolt 1053 Budapest, Kossuth L. u.14-16 Hongrie
L'Harmattan Italie Via Degli Artisti 1024Torino Italie
Recherches Haïtiano-Antillaises
DIRECTEURS Fritz Calixte Edelyn Dorismond
REDACTEUR EN CHEF Fils-Lien Ely Thélot
ADMINISTRATION Marie Ensie Paul
COMITE SCIENTIFIQUE Jean-Marie Théodat Pierre-Henri Tavoillot Daniel Véronique Marcel Dorigny Marie R. Paul-Nzamba Natacha Giafferi Pierre Vernet
COLLECTIF DE REDACTION Darline Cothière James Darbouze Luc Maille Lefranc Marie Meudec Perpétue Vendredi Philomé Robert Renel Exentus Schallum Pierre Stéphane Alix Tatiana Urie Yves Lifène Roger
DIRECTEUR DE LA COMMUNICATION Jean Josué Pierre
GRAPHISME Fabrice Vatan
Couverture : “sans titre” Frankétienne © 2008 - tout droit réservé - reproduction interdite
Revue publiée par le "Centre de Recherches Normes, Echanges et Langage"
Liminaire Penser l'éducation dans la Caraïbe Par Edelyn Dorismond ..........................................................
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I- Analyses et Réflexions I.1- La question de l'éducation dans le contexte des sociétés modernes: Entretien avec le professeur Alain Renaut ............................. 15
I.2- Enseñar el Caribe para que el Caribe exista Par Yolanda Wood ..........................................................
I.3- La laïcisation de l'école publique au Brésil Par Serge Alain Nzamba ..........................................................
II- Analyses et Perspectives II.1- La problématique de l'enseignement en milieu bilingue Par Robert Chaudenson ..........................................................
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II.2- Pour une didactique revisitée du français en milieu post-colonial Par Darline Cothière-Robert ....................................................... 85
II.3- La problématique des langues d'enseignement à l'école haïtienne Par Renel Exentus .......................................................... 93
II.4- Pratiques langagières dans les Antilles françaises: le phénomène de l'alternance codique Par Stella Cambrone .......................................................... 107
II.5- La loi Taubira et l'enseignement de la traite négrière en France Par Marie Paul-Nzamba ..........................................................
III- Histoire Autrement III.1- Aimée Césaire: cet autre éducateur du genre humain! Par Josué P. Dahomey ..........................................................
IV- Art, littérature et culture… IV.1- Haïti, le dire du spiralisme: Entretiens avec Franckétienne et Jean-Claude Fignolé
............
IV.2- La poésie comme lieu de sens et de culture Par Fils-Lien Ely Thélot ..........................................................
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V- Compte Rendu de Lecture V.1- Compte rendu de lectures croisées deL'aventure ambiguë, deLa réforme de l'éducation en Allemagne au dix-huitième siècleetLe maître ignorant Par Darline Cothière et Fritz Calixte ............................. 181
V.2-Journal for Francophone Postcolonial Studies Par Kathleen Gyssels ..........................................................
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Liminaire
Penser l'éducation dans la Caraïbe
Edelyn Dorismond
La question de l'éducation dans la Caraïbe ! D'entrée de jeu, nous sommes confrontés à la question dont nous ne saurons nous détourner. Il s'agit de savoir à quoi renvoie le prétendu mot-signe, qui en tant que tel, devrait dé-signer un quelque chose extérieur dans le monde, ou de la réalité : à quoi renvoie ce que nous appelons la Caraïbe ? Faut parler de la Caraïbe ou des Caraïbes ? Hésitation qui doit être interrompue si nous devons tenter de formuler notre question, qui est celle de l'éducation dans la Caraïbe. Nous suspendons pour le moment où l'éducation doit être mise en problème, vu que le lieu où cette éducation est appelée à être mise en forme et en exécution n'est pas encore précisé. Il nous faut, au préalable, une "pensée" de la Caraïbe.
Existe-t-il quelque part dans le monde une Caraïbe, la Caraïbe ? Si tel est le cas, comment l'appréhenderions-nous géographiquement ? Culturellement ? Politiquement ? Economiquement ? Il n'existe que des caraïbes, des sociétés caraïbes qui, prises dans des problèmes économiques, politiques tentent de cheminer vers "une" Caraïbe, dont nous avons peine à trouver la concrétude dans des déterminations institutionnelles pertinentes, mais que nous voulons comprendre dans le sens d'un idéal-type, d'une idée régulatrice qui semble apporter aux îles caraïbes, dans leur fragilité entière, une consistance liée à la globalité. Dans la mesure où cette Caraïbe jouit d'une vertu globalisante rendant possible une sorte de repérage des îliens, dans la mesure où la dimension archipéliquetrouble autant qu'elle conforte dans un semblant d'unité, la Caraïbe demande à être prise au sérieux, et de ce sérieux, tenter son avènement au moyen d'une patience historique, d'une compréhension des embûches des héritages coloniaux, d'une lucidité pratique vigilante. C'est dire que nous n'entreprendrons pas un refus de la Caraïbe, en revanche, nous nous efforcerons de penser l'opportunité de son avènement, partant de cette possibilité que lui confèrent les tentatives intégrationnistes et les discours qui les structurent. Il s'agira de méditer son effectivité dans une longue durée à venir. L'éducation est pour nous le pilier qui supportera
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cette initiative. Toutefois, nous ne savons pas encore en quoi faut-il parler d'abord des Caraïbes et non de la Caraïbe qui est reléguée dans un projet que les insulaires doivent davantage construire que postuler; en quoi faut-il attendre la résolution de ce problème, si résolution il y a, avant de poser laquestion de l'éducation dans la Caraïbe ?
Il n'y a que des îles caraïbes. Les Caraïbes représentent un groupe d'îles ou des groupes d'îles. En réalité, l'invalidation d'une dénomination au singulier pour désigner ce groupe d'îles n'explique pas encore le malaise que nous avons à penser la Caraïbe. Cela ne fait pas encore sa diversité. Elle représente un groupe (ou des groupes) dont la pluralité hérite de la diversité des puissances coloniales qui ont occupé ces îles. En structurant ces îles selon leur mode propre de représentation du monde, leur mode d'organisations politiques, en imposant leurs systèmes de communication au moyen desquels les colonisés insulaires ont informé leur monde colonial, les puissances européennes ont institué une différenciation de ces îles à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui encore. Dès lors l'archipel devient l'espace des lieux marqué par la diversité linguistique, par la diversité d'organisations sociales, économiques et politiques. Vue sous cet angle, on ne saurait appréhender la Caraïbe qu'à partir des catégories de la diversité, de la pluralité; donc, la Caraïbe, au singulier, est à définir. A la multiplicité des îles s'ajoute une surdétermination coloniale. De cette surdétermination par l'histoire, il faut signaler la place des "élites" de ces sociétés caribéennes qui s'agitent entre 1 un nationalisme insulaire , une ouverture pan-insulaire où l'appartenance à une Caraïbe supposée notre lieu commun, notre chose commune est entretenue. Le problème que nous voulons formuler prend son allure selon le mouvement de balancier que nous observons chez les "élites" des sociétés insulaires. L'idée de Caraïbe a toujours été mobilisée, au fond, en vue de penser des entités plus grandes qui protégeraient les îles de leur 2 fragilité. A en croire Fred Constant qui a étudié le comportement des élites de la Caraïbe anglophone, des tentatives ont été entreprises, mais toujours pour être rejetées en fin de compte par les élites qui ont du mal à
1- Ce nationalisme est à tout le moins paradoxal: il peut prendre la forme d'un refus de toute influence du pouvoir métropolitain qui risque d'endiguer les privilèges des autorités locales. Dans ce cas ce nationalisme peut se manifester par le fait de brandir la Caraïbe comme lieu de solidarité. Mais contre l'idée de la Caraïbe, on peut rencontrer des mouvements d'attachement à la métropole, justifié par les appartenances séculaires, en reléguant au second plan l'appartenance caribéenne. 2- Constant F., "Constitution communautaire, insularité et identité politique dans la caraïbe anglophone", inRevue française de science politique, vol. 42, n° 4-6, 1992, p. 618-635. A nous en tenir à certaines réserves liées à la spécificité des sociétés anglophones caribéennes, les analyses de Fred Constant rejoignent dans ses grandes lignes une étude que Justin Daniel a réalisée sur la question de l'identité et de la politique dans les Antilles françaises, nous y rencontrons le même mouvement de pendule entre le pôle identitaire qui consiste à s'affirmer dans une identité spécifique sans lien avec la France et l'appartenance à la Métropole que les longs temps d'histoire ont cimentée. Daniel Justin, “L'espace politique aux Antilles”, inEthnologie française, 2002/2, tome XXXVII, p. 589-600.
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souffrir la réduction en peau de chagrin de leur autorité interne, alors qu'elles s'inclinent à proposer la formation de structurespan-insulairesou trans-insulaires, supportées difficilement, dès que de leur propre sécurité interne est menacée par leur connivence aux anciennes Métropoles. Alors la question de la Caraïbe advient au moment où les sociétés caribéennes se trouvent dans des moments historiques inconfortables. C'est en ce sens que la Caraïbe devient une idée-promesse. La Caraïbe est l'avenir des sociétés insulaires. C'est dans cette perspective que nous comprenons les tentatives d'intégration, la "régionalisation" par laquelle les pays s'arc-boutent sur un projet de commercer ensemble, de faire rencontrer les cultures, néanmoins, au moyen d'orientations politiques frileuses. Donc, il est possible de parler de la Caraïbe; il s'agit d'un projet de faire advenir une globalité des îles caribéennes, dans laquelle elles se donneront un projet commun et "sécurisant". Revenons, à présent, à notre question inaugurale: en quoi l'éducation est-elle en question dans la Caraïbe ? Nous répondrions en faisant ce constat: "le nouvel ordre mondial fondé sur des échanges plus libres se présente comme une menace pour les petits pays 3 moins développés de l'hémisphère américaine" . Les sociétés insulaires ne se suffisent pas, elles doivent se regrouper. Ce n'est pas tout: en tant que les intégrations engendrent une compétitivité entre les sociétés insulaires, en tant que leurs économies sont soutenues par des statuts préférentiels des Etats-Unis, de l'Europe, elles se trouvent forcément en déphasage par rapport au changement des productions, elles risquent de se voir engoncées dans une marginalité handicapante. Les auteurs, cités ci-après, suggèrent que "la possibilité pour les économies de la Caraïbe semble résider dans la poursuite d'une stratégie de croissance économique basée 4 sur l'exportation de services" . Pour eux, il s'agit de la "tendance du futur" des économies qui ne possèdent pas les grandes industries de production. L'intérêt de cette analyse économique pour notre problématisation est qu'elle nous permet de penser la question de l'éducation dans la perspective économique de l'intégration, pour l'orienter en dernier lieu vers la question de la créativité caribéenne par laquelle nous pourrons réinventer notre place dans lesystème-mondesans être à la remorque des 5 économies "humanitaires" . "La question est alors de savoir dans quelle mesure les pays de la Caraïbe pourraient forger avec succès des alliances pour protéger leurs intérêts et améliorer le niveau de vie de leurs citoyens dans le nouvel environnement où les intérêts organisés règnent en maîtres
3- Pantojas-Garcia E. et Dietz J. T. L, "L'ALENE, restructurations économiques et industrialisation centrée sur l'exportation dans la Caraïbe", inPouvoirs dans la Caraïbe, 1996-1997, n° 8-9, p. 87. 4-Op. cit, p. 95. 5- Nous utilisons cette expression pour désigner le mode d'assistance pratiqué dans l'économie mondiale qui prend bien l'allure des aides humanitaires. Or ces stratégies économiques ne résolvent en rien le problème que pose le système global qui se structure sur le déséquilibre économique et financier. Alors les économies humanitaires sont des espérances illusoires au bien-être.
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et sont capables de résister aux pressions gouvernementales en jouant un 6 pays contre un autre" . En d'autres termes, comment penser l'autonomie de la Caraïbe ?
L'éducation est en question dans la Caraïbe quand il revient de savoir comment penser notre intégration dans la mondialisation, quand cette intégration exige une réalité, une "sensibilité" caribéenne.
Au passage, nous tenons à déplorer le peu d'attention qui est accordé à ce problème. Notre objectif, en pensant à ce numéro, était de regrouper autant que possible des travaux en éducation comparée qui nous permettraient déjà de dresser un inventaire de ce qui a été déjà fait, le mode de traitement que la question a reçu chez les spécialistes. La surprise a été grande, lorsque nous avons constaté que peu de chercheurs explorent ce champ qui devient indispensable pour introduire la Caraïbe dans ce qui se fait actuellement par la nécessité de l'intégration régionale ou la marginalisation. Nous avons pensé qu'une tentative de concevoir l'éducation dans ce contexte de régionalisation offrirait des pistes de réflexion, des éléments de réponse qui stimuleraient ou éclaireraient les orientations politiques, économiques et culturelles. Peu d'articles se consacrant à des études transversales des systèmes éducatifs des sociétés caribéennes ont été, en fin de compte, collectés; dans le cadre de ce numéro, peu d'études de synthèse ont été proposées. Faut-il y voir le signe d'un retard des sciences humaines et sociales dans la compréhension transversale de la Caraïbe ?
Par éducation, nous entendons l'activité par laquelle on transmet aux individus le mode de structuration de l'ordre social ou mondial, en explicitant les règles qui régissent les mécanismes de fonctionnement de ces ordres. Elle est aussi l'activité d'élaboration de capacité critique et créatrice qui permet de répondre à l'ensemble des enjeux et des crises que suscite l'entrave des structures vétustes dans leur confrontation avec le "nouveau" qui représente une dimension fondamentale de notre condition temporelle et historique. Dans ce cas, l'éducation dans la Caraïbe, doit proposer des outils qui nous aideront à surmonter plusieurs difficultés. D'abord, il y a lieu de reprendre pour notre compte à la fois le problème des élites et leur rapport au pouvoir dans la Caraïbe, pouvoir qui prend l'allure générale de luttes ethniques ou raciales. Ensuite, il faut bien repenser le mode d'être des pouvoirs centraux avec le "peuple" ou la "masse", en tout cas avec la société "civile" qui, en générale, est mobilisée au profit des partis politiques, des syndicats et leurs partisans. Il 6-Op. cit, p. 97.
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