Jamais de la vie !
38 pages
Français

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Jamais de la vie ! , livre ebook

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38 pages
Français

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Description

Depuis le divorce de ses parents, Marieke, douze ans, voit peu à peu son fragile univers basculer. En cette fin d'été, plus rien ne va comme elle voudrait. Est-elle vraiment obligée de cohabiter avec les nouvelles conquêtes de ses parents, d'accepter les coups en douce de sa grand-mère et de son cousin préféré ou les obsessions amoureuses de sa meilleure amie? Jamais de la vie! Marieke est bien décidé à reprendre en main son existence malmenée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 mai 2010
Nombre de lectures 4
EAN13 9782092526668
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0224€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JAMAIS DE LA VIE !

Élisabeth Brami
Illustrations de Sibylle Delacroix
Nathan

© Éditions Nathan (Paris, France), 2009
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »
EAN 978-2-09-252666-8

Pour Lorène et Dominique

« Je me suis toujours retrouvée à la fin des étés comme une ahurie qui ne comprend pas ce qui s’est passé mais qui comprend que c’est trop tard pour le vivre. »
Marguerite Duras,
La Vie matérielle

« Celle que l’on n’entend pas sanglote en moi. »
Anne Frank, 1er août 1944.
Sommaire
Couverture
Sommaire
CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
CHAPITRE 9
CHAPITRE 10
CHAPITRE 11
CHAPITRE 12
CHAPITRE 13
Élisabeth Brami
Sibylle Delacroix
CHAPITRE 1


O stende, 29 août
 
Son chouchou de velours rouge au poignet, elle avait baissé les minces bretelles de la brassière de son maillot de bain pour mieux bronzer. Elle l’avait souvent vu faire par les grandes, à la plage.
À plat ventre sur sa serviette-éponge Wendy, elle essayait de ne pas bouger, mais tous ses muscles nerveux de fillette de douze ans avaient envie de bondir.
Son cousin tournait autour d’elle, avec le sourire rusé de celui qui mijote un mauvais coup. À l’aide de sa grande pelle, qu’il utilisait comme une canne, il s’appliquait à projeter « par hasard », au passage, de fins nuages de sable sur le corps doré de sa jeune cousine.
– Fais attention, Jules, j’me suis fait un shampooing !
– Pour quoi faire ? Faudra recommencer ce soir, quand t’auras nagé !
Elle ne daigna pas répondre à cet argument sorti d’un cerveau d’extraterrestre et s’amusa à souffler doucement au ras d’un monticule pour voir dévaler des milliards de grains scintillants.
Dans son champ de vision apparut un jeune homme qu’elle se mit à observer. Il était occupé à transformer son pantalon en bermuda par l’astuce de deux fermetures Éclair dissimulées à hauteur de genoux. Jamais elle n’avait assisté, sur la plage, à pareille métamorphose vestimentaire. À présent, le pantalon amputé de ses jambes laissait apparaître deux magnifiques mollets bruns, pas trop poilus. Elle avait horreur des poils, ça la dégoûtait. Peut-être parce que ça l’obligeait à penser à son beau-père, le nouveau « mari » de sa mère. Au moins, Jules, lui, malgré tous les défauts de ses quatorze ans, n’avait pas encore l’ombre de l’ombre d’un duvet. « Pourvu que ça dure », pensa-t-elle, sans vraiment comprendre pourquoi elle accordait, depuis peu, de l’importance à ces petits détails.
Jules continuait à tournoyer au-dessus d’elle.
– Tu ne pourrais pas arrêter de me cacher le soleil ?
– Pas exprès… marmonna-t-il.
C’était sa réponse passe-partout. Ce qu’il faisait n’était jamais sa faute. Pareil que ceux de sa classe. Est-ce que tous les gars étaient comme ça ? Est-ce que le grand type au panta-bermuda avait été comme ça quand il était petit ? Est-ce que ça leur passait en grandissant ou pas ? Elle se demanda si ce « Pas exprès » pouvait avoir compté pour quelque chose dans le divorce de ses parents, laissa cette idée dans le flou comme d’habitude, pour éviter d’écorcher sa douleur encore vive.
Elle se souvint que vers quatre ou cinq ans, du temps de la grande section de maternelle, sa mère l’avait surnommée « Miss Pourquoi ». Depuis toujours, elle se sentait submergée par des flots de questions. Ça la prenait comme ça, à n’importe quel moment et n’importe où : en classe ou avant de dormir, en lisant ou devant la télé, seule ou en groupe, en dessinant ou dans son bain. Cependant, il y avait bien longtemps qu’elle avait appris qu’il était préférable de s’en dépatouiller seule, de ses questions, de ne pas trop faire appel aux adultes. De toute façon, ces innombrables points d’interrogation restaient la plupart du temps sans réponse, et cela la ­laissait dans un vague état d’inquiétude mêlée d’une excitante curiosité. Elle ne détestait pas.
Elle joua à creuser le sable avec ses orteils. Le soleil de fin de matinée lui chauffait agréablement les épaules, le dos, les fesses, les jambes. En ces derniers jours d’été, il n’était plus indispensable de se tartiner de crème solaire. Sa mère, à force, avait capitulé, s’en remettant à Dame Nature et aux menaces faciles : « Débrouille-toi pour ne pas te choper un coup de soleil. Tu n’es plus un bébé, Marieke ! » Ce qui signifiait en clair : « J’ai autre chose à faire que m’occuper de toi. Si tu reviens rouge écrevisse, ce ne sera pas ma faute et ne compte pas sur moi, à part pour t’engueuler ! »
CHAPITRE 2


M arieke parcourut l’horizon du regard, le menton calé dans le sable. Le ferry rentrait au port après avoir promené sa cargaison de touristes jusqu’à Zeebrugge. Elle connaissait les quais comme sa poche. Jules et elle adoraient qu’on les autorise à aller y manger des frites et des rollmops au lieu de rentrer dîner. (Tout le monde était content, puisque cela permettait à sa mère et à son beau-père – beau, si on veut… – de sortir en amoureux.) Mais au bout, son quai préféré était celui où était amarré le Mercator , un trois-mâts immense qui la faisait rêver depuis des années. Depuis que sa mère, après le divorce, avait décidé de louer régulièrement le même appartement à Ostende pour les grandes vacances.
Le plus bizarre était qu’elle venait de comprendre justement ce matin-là qu’elle n’était pas la seule à ressentir le charme du grand large de la côte belge. Pendant le petit déjeuner, sa mère s’était branchée, comme tous les jours de sa vie, sur France Culture, et pour une fois, personne n’avait râlé. C’était l’interview d’une vieille dame chevrotante qui évoquait ses vacances de petite fille à Ostende au début du XX e siècle. Après s’être sauvée de chez ses parents, elle avait pris toute seule un bateau vers l’Angleterre. Elle disait avoir toujours voulu se sauver de partout ; pas étonnant qu’elle soit devenue exploratrice !
Fuguer ainsi, Marieke en était, elle, absolument incapable. Elle se savait peu courageuse, et puis de nos jours, il y avait sans doute plus de contrôles policiers, surtout avec les attentats terroristes qui cherchaient à faire exploser le monde. D’ailleurs, impossible d’échapper aux horreurs de l’actualité : sa mère lui avait permis de regarder le journal télévisé tous les soirs depuis ses sept ans : « L’âge de raison, ça ne veut pas dire que tu vas avoir, du jour au lendemain, raison pour tout. C’est plutôt comme l’âge de pierre ou l’âge de bronze, tu vois ; un âge où tu vas te forger de bons outils pour bien penser. Tu comprends, ma grande ? »
La nouvelle « grande » avait surtout compris qu’elle venait de gagner le privilège de se coucher plus tard et de dîner avec sa mère. Elle ne savait pas encore que des images d’horreur se ­graveraient si profondément dans sa mémoire, et que le pire du pire serait l’attentat du 11 septembre 2001 à New York, dont les tours éventrées allaient l’empêcher de dormir tout le ­premier trimestre de sa Sixième.
 
Pendant qu’elle se creusait les méninges et que ses doigts de pieds creusaient le sable à l’autre bout, Jules avait commencé à bâtir une sorte de tour de Babel, sa spécialité. Elle le connaissait bien et savait qu’ensuite il tenterait d’y percer un tunnel. C’était curieux : il adorait risquer de voir sa laborieuse construction s’effondrer. Pas du tout son style à elle. Marieke avait tendance à laisser faire le temps, le destin et… la marée. N’était-il pas plus palpitant d’attendre le moment où les premières vaguelettes viendraient lécher la base du château, remplir ses douves, puis l’attaquer sans relâche jusqu’à l’engloutissement final ?

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