La citadelle de glace
39 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

La citadelle de glace , livre ebook

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39 pages
Français

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Description

Mathis est invité à passer une semaine sans ses parents dans le chalet du sculpteur Luis Gero, célèbre pour ses vertigineux châteaux de glace à taille humaine. Au collège, Mathis ne se sent pas à sa place, on dit de lui qu’il est dans la lune. Aussi est-il à la fois impatient et inquiet de rencontrer ce grand artiste qui a la même passion que lui. Mais le soir de son arrivée, alors que s’annonce une tempête de neige, Luis Gero sort du chalet et disparaît.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 janvier 2017
Nombre de lectures 6
EAN13 9782748523270
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

R OLAND F UENTÈS
La Citadelle de glace
Syros



Collection « Tempo »

© Istock - Smitt et Shutterstock - Ostill, pour le photomontage de la couverture
© 2017 Éditions SYROS, Sejer,
25, avenue Pierre-de-Coubertin, 75013 Paris
Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011.
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »
ISBN : 978-2-74-852327-0

Pour Nico, sculpteur de citadelles sur la plage des Sablettes
Sommaire
Copyright
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
L’auteur
1

Après la dernière ville, la route s’élève de façon vertigineuse. Les toits se tassent, les boulevards deviennent de simples rayures, comme des traces de patins sur un lac gelé.
– Adieu la civilisation ! s’écrie papa en tapotant joyeusement le volant. Mon petit Mathis, te voilà parti pour le Royaume du Blanc ! Une semaine en pleine nature, avec pour seul bruit le crissement de tes pas sur la neige.
Maman s’est tournée vers Mathis. Elle lui sourit, deux fossettes se creusent aux coins de ses lèvres.
– Et puis, tu apprendras peut-être à sculpter des citadelles…
Le « maître des citadelles »…
Luis Gero, l’homme chez lequel Mathis est invité pour la semaine, est un artiste exceptionnel. Selon papa, il est réputé dans le monde entier, mais il expose peu, vend très peu, il préfère sculpter pour lui-même.
Des citadelles de glace. Des citadelles de sable.
Mathis a vu les photos prises par ses parents l’été dernier, au bord de la mer. Une imitation de la citadelle de Sisteron : perchée sur son éperon rocheux, avec ses murailles coiffées de créneaux finement ciselés, son chemin de ronde et ses tours de guet. Il regrette de ne pas les avoir accompagnés. S’il avait su qu’ils feraient la connaissance du sculpteur, il aurait décalé son séjour chez les cousins.
– La fille de Luis sera là, indique papa. Il va la chercher de l’autre côté de la montagne, chez sa mère.
Mathis sait que l’homme a une petite fille. Huit ans. Trois ans de moins que lui. Elle apparaît sur certains clichés que les parents ont ramenés des vacances. Comment s’appelle-t-elle, déjà ? Armelle ? Cornelia ? Il a demandé plusieurs fois, mais les prénoms, avec lui, ça entre et ça sort. On le lui fait remarquer fréquemment : son cerveau n’est pas étanche. Au collège, il lui arrive d’oublier instantanément ce que vient de dire le prof de maths, ou de français. L’un et l’autre n’ont « jamais connu d’aussi petite tête ! ». On lui répète qu’il est dans la lune, expression banale mais correspondant tellement à la vérité. La lune, n’est-ce pas ce monde lointain qui apparaît la nuit, à l’heure des rêves ? Voilà : Mathis est ailleurs, souvent, comme si son esprit parcourait d’autres territoires.
Quand il est de bonne humeur, ses pensées lui concoctent des impressions agréables, des paysages lumineux au milieu desquels il a l’impression de voler, ou de glisser comme sur des skis gigantesques… Quand il est mécontent, ou anxieux, il voyage le long de parcours effrayants, arpente des corridors peuplés de visages grimaçants et d’ombres mystérieuses. Mathis n’aime pas ses pensées dans ces moments-là. Il n’a plus guère de prise sur elles, c’est comme un train fantôme qui s’enfoncerait dans les entrailles de l’enfer. Toutes ses peurs d’enfant viennent danser autour de lui, des loups feulent au creux de son oreille, des assassins aux ongles sales posent leurs mains sur ses épaules, et d’autres créatures plus folles, plus évanescentes l’environnent en produisant des sons inquiétants.
Son seul moyen d’agir, c’est de sculpter : Mathis sculpte ce qu’il trouve avec ce qu’il a sous la main (parfois c’est un vieux canif, parfois un cutter). Il sculpte comme un naufragé s’accroche à une planche. À certains moments, il a l’impression que ses mains décident toutes seules. Son esprit vagabonde tandis qu’elles s’activent devant lui. Lorsqu’il pose ses instruments, il lui semble émerger d’un long sommeil très agréable. Il découvre alors ce que ses mains ont façonné. Ce sont souvent des visages. Des visages souriants qui le rassurent. Parfois ce sont des gens qu’il connaît, maman s’exclame qu’ils sont « très ressemblants, et tellement vivants ! ». D’autres fois, ce sont des faces un peu caricaturales, avec des gros nez, des joues bien rondes, et un éclat de rire balaie ses pensées mauvaises.
Mathis redoute un peu le séjour dans le chalet de l’artiste. Bien sûr, il a envie d’apprendre mais il craint le jugement du sculpteur. Peut-être que Luis Gero le trouvera très médiocre. Peut-être qu’avant la fin de la semaine, il le renverra chez ses parents…
La relation qui s’est instaurée entre eux depuis quelques mois, par échange de mails, pourrait souffrir de la confrontation avec la réalité. Le sculpteur trouve que Mathis « pose les bonnes questions ». C’est peut-être la première fois qu’un maître lui adresse un compliment, lui à qui on reproche habituellement de donner les mauvaises réponses… Les clichés que lui a envoyés Mathis, représentant ses modestes créations (têtes sculptées dans des bûches ou personnages modelés dans l’argile), ont suscité des commentaires élogieux de l’artiste. Maman, surtout, les a trouvés élogieux… Mathis, lui, se méfie de l’enthousiasme. Il conserve toujours au fond de lui une petite lueur anxieuse. Cette lueur peut habiller même les moments agréables d’une couleur négative. C’est pourquoi il a peur du séjour à venir. Il a peur de ses pensées noires. En un mot, Mathis a peur d’avoir peur.
Le jour de son anniversaire, il a reçu de la part du sculpteur un paquet assez volumineux. C’était un coffret contenant douze gouges, de tailles différentes. Désormais, il pouvait ranger dans le tiroir de la cuisine le couteau que maman lui reprochait gentiment d’accaparer. Il allait maintenant utiliser du matériel de pro, des outils adaptés à la taille du bois, avec un tranchant capable de couper un doigt d’une seule pression.
Les premiers temps, Mathis a un peu tâtonné. La crainte de se blesser retenait son bras. Puis, l’assurance gagnant, il s’est familiarisé avec les outils. Et ses visages sont devenus encore plus éloquents. Surtout, le grain de leur peau s’est affiné. Luis Gero n’a pas manqué de le lui dire dans un mail : On dirait que tes visages respirent. Oui, par tous les pores de leur peau, ils respirent.
Cela revenait à constater, comme le faisait maman, qu’ils étaient vivants. Mais venant de Luis Gero, le compliment valait double.
 
Les lacets poursuivent leur montée vertigineuse. De l’autre côté de la vallée se dresse une montagne, ombre de géant pointillée de flocons qui tourbillonnent. Une montagne semblable à celle qui apparaît parfois dans les rêves de Mathis, et qu’il perçoit non comme une construction minérale, mais comme un être vivant.
– On est encore loin ? demande-t-il.
Papa ne répond pas tout de suite. Penché vers l’avant, il scrute la chaussée avec beaucoup d’attention.
– Environ quatre kilomètres, finit-il par indiquer. Mais on roule de moins en moins bien.
Mathis observe le ballet hypnotique des flocons. Sur la route se dépose une couche blanche, de plus en plus épaisse.
Un carillon de clochettes, ponctué d’un meuglement, le tire de sa léthargie. Le portable de maman.
2

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