Papa est en bas
51 pages
Français

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Papa est en bas , livre ebook

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Description

Mon papa a la tartiflette. C'est pas le vrai nom de sa maladie,mais on a décidé de l'appeler comme ça, car dans la famille on adore manger ! Résumé : Ça s'est fait petit à petit. A présent, voilà, le papa d'Olivia est en bas, sans trop d'espoir que ça s'arrange. Atteint d'une maladie qu'il surnomme " la tartiflette ", il ne peut plus monter l'escalier de la maison. Le quotidien de toute la famille se réorganise autour de lui à mesure que son état s'aggrave. Pourtant, la vie doit continuer pour Olivia, entre fou-rires et larmes, auprès de sa maman, de son chat et surtout de son papa.Un sujet difficile (la fin de vie d'un parent) abordé sans pathos à hauteur d'enfant : on rit et on pleure avec Olivia, en suivant son quotidien et celui de sa famille.Dès 10 ans.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 septembre 2018
Nombre de lectures 15
EAN13 9782092577080
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© 2018 Éditions Nathan, SEJER, 25, avenue Pierre-de-Coubertin, 75013 Paris, France
Loi n o 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n o 2011-525 du 17 mai 2011.
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »
ISBN : 978-2-09-257708-0
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
En souvenir de Jean-Paul
1
Ça a commencé comme ça

Ça a commencé par le foot. Papa s’est mis à ne plus vouloir faire que le gardien, alors qu’il m’avait répété pendant des semaines que les buts, c’était pour les fillettes, et que c’est pour ça qu’il fallait qu’on occupe le poste d’attaquant à tour de rôle. Quand on a la chance d’être le père de la seule fille des environs qui aime le foot, est-ce qu’on choisit d’être statique dans une cage ? « On restera dans la cage le jour où on verra un oiseau marquer un but », avait l’habitude de dire papa.
Puis il y a eu la course. Il me laissait gagner chaque fois, et je n’avais même plus besoin de faire d’efforts. Ça perdait tout intérêt.
Ce qui m’a mis pour de bon la puce à l’oreille, c’est quand il n’a plus voulu marcher. Lui, toujours partant d’ordinaire, rechignait d’un coup à faire la moindre balade. Avec des excuses ridicules comme « il y a trop de vent », « la terre est gorgée d’eau sur les chemins » et même « il faut que j’aide maman à préparer le dîner » (alors que tout le monde sait que le dîner est bien meilleur quand papa ne s’approche pas de la cuisine).
Une fois, sa parade a été d’inventer qu’il ne trouvait plus ses chaussures. Manque de bol, je l’avais vu les planquer dans la buanderie, derrière le panier à linge sale. J’ai compris qu’il ne voulait plus aller marcher. J’ai cherché : avait-il mal aux genoux ? La flemme de se couper les ongles de pieds ? Est-ce que ça ne l’amusait plus d’imaginer la vie des gens dans les maisons à côté desquelles on passait ? Et alors que j’envisageais ces explications rationnelles, il m’est venu l’idée que peut-être papa ne pouvait plus aller marcher.
L’idée s’est transformée en révélation. De celles qui vous frappent et qui vous laissent à terre. Car c’est exactement ce qui s’est produit ce jour-là : cette révélation était si forte, si intense, si écrasante que j’ai senti mes jambes flageoler et que j’ai dû m’asseoir au sol. J’ai senti flageoler mes jambes à moi . Mais ce que je venais de réaliser concernait les jambes de papa.
J’ai alors repassé le film des dernières semaines comme si j’étais au cinéma. Le foot, la course, les balades et les excuses bidon. Mais pas seulement. Depuis quelque temps, papa se tenait à la rampe pour grimper l’escalier qui mène aux chambres. Il le montait plus lentement, aussi. Et puis, il se déplaçait moins. Il trouvait toujours un prétexte pour ne pas se lever de table. Il était toujours en train de faire quelque chose quand on sonnait à la porte. Il avait toujours une raison de ne pas monter tout de suite quand on l’appelait à l’étage. Il ne se penchait même plus pour attraper Cyrano et le câliner. J’avais cru que mon papa préféré, comme j’aime l’appeler, avait attrapé la maladie de la paresse ; il avait attrapé la maladie tout court.
À partir de ce moment-là, j’ai surveillé ses gestes et tout, mais alors vraiment tout sans exception, a confirmé mon intuition. Ce que j’ai remarqué aussi, et que je n’avais pas prévu, c’est que maman était complice. Elle savait. Obligé : sinon, elle aurait fini par râler que papa ne débarrasse plus la table, qu’il ne vienne plus ouvrir la porte ou qu’il ne monte pas plus rapidement à l’étage quand elle a besoin de lui. Alors c’est à maman que j’en ai parlé. Au foot, on appelle ça dribbler, contourner l’obstacle pour mieux atteindre son but. Et mon but dans ce cas précis, c’était la vérité.
Un mois environ après le début des excuses ridicules, je suis allée trouver maman, je l’ai regardée droit dans les yeux et je lui ai dit :
– Papa a un problème et je veux savoir ce que c’est.
Et ce n’était pas une question.
Maman m’a regardée à son tour, dans l’œil droit, dans l’œil gauche, puis dans ce point situé pile entre les deux yeux, et elle a déclaré :
– Conseil de guerre.
2
Une famille d’Indiens

Nous sommes des Indiens. C’est ce que papa a décrété le jour où il a rapporté d’une brocante cette sorte de totem qu’il avait trouvé joli (ce qui est largement discutable) et qui trône depuis près de la baie vitrée du salon. Et les Indiens, quand ça a des choses importantes à se dire, ça se réunit en conseil de guerre. Mais quand je dis des « choses importantes », que ce soit clair : on n’organise pas un conseil de guerre pour décorer le sapin ou déterminer le menu du soir. Des conseils de guerre, c’est bien simple, j’en ai connu trois :
– quand on a mis mamy, la maman de maman, en maison de retraite ;
– lorsqu’il a été question que je redouble ma grande section de maternelle (il faut savoir que j’étais entrée à la petite école à seulement deux ans) ;
– et pour baptiser Cyrano.
Si on en organisait un quatrième, c’est que la situation devait être grave.
Elle l’était.
Papa était allé voir un médecin, qui avait confirmé la maladie. Ou plutôt, il l’avait annoncée. Ce qu’il avait confirmé, c’était les difficultés à se mouvoir et à se déplacer.
– Alors il t’a donné un traitement ? Des médicaments ? Tu seras guéri quand ? l’ai-je pressé.
Après tout, le rôle d’un docteur, c’est de faire en sorte que ça aille mieux. C’est maman qui a répondu :
– Ton père a une maladie orpheline.
– « Orpheline » ? ai-je répété.
Comme mémé Marat, la dame qui tient l’épicerie-café à l’entrée du village ? Ou comme Jean, le meilleur copain que papa avait quand il était enfant, et qui est parti vivre aux îles Fidji, à l’autre bout du monde ? J’ai hésité à faire une blague sur ces maladies abandonnées comme de pauvres chaussettes dépareillées restées au fond de la machine à laver, mais j’ai bien senti que ce n’était pas le moment.
– Oui, orpheline. On ne sait pas d’où elle vient, on ne sait pas pourquoi ton père l’a. Et on ne sait pas comment la guérir non plus, a précisé maman.
– On ne sait rien, alors !
– Si, est intervenu mon père. On sait que la progression est inévitable. Après les jambes, ça va gagner les muscles des bras et de tout le corps. Le visage en dernier. Il n’y a que les yeux qui ne sont pas atteints.
– On peut vivre avec juste les yeux qui fonctionnent ? ai-je demandé, affolée.
J’ai imaginé papa, le corps recouvert de bandelettes comme les momies de mon livre sur les Égyptiens, immobile, me faisant un clin d’œil. Le film d’horreur !
– Donc quand tu seras vieux, tu ne pourras plus bouger ? l’ai-je encore questionné, en tentant désespérément de chasser de mon esprit cette vision de sarcophage.
Papa a regardé maman longuement.
– On lui dit ? l’a-t-il interrogée.
J’ai soudain eu très peur. Maman a hoché la tête.
– Ce sera sans doute avant que je sois vieux, a déclaré papa. La progression est rapide. Je ne sais pas où je serai d’ici deux ans.
J’étais assise. Heureusement, parce que le sol venait de s’effondrer sous mes pieds.

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