Anthologie de l humour belge
294 pages
Français

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Anthologie de l'humour belge , livre ebook

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Description

Existe-t-il une spécificité dans la manière d’appréhender l’humour chez les quatre millions de francophones que compte la Belgique ?
La réponse est positive. De Tyl Ulenspiegel au Chat de Philippe Geluck, de Beulemans à Toine Culot, des Surréalistes à Benoît Poelvoorde, le comique belge se nourrit d’un cocktail riche en autodérision, en absurde et en déraison, épicé parfois d’accents savoureux et de tournures insolites.

Ce recueil propose les textes les plus significatifs, anciens et récents, des Belges qui font rire.

A PROPOS DE L'AUTEUR :

Bernard Marlière a enseigné le français, de l’Afrique centrale à la Sibérie, privilégiant l’accès à la littérature de Belgique. Directeur de l’Os à Moelle, le café-théâtre mythique niché sous la maison natale de Jacques Brel, il a présenté sur sa scène le gratin des humoristes de son pays, et leur a déjà consacré deux recueils.

EXTRAIT : 
L'humour belge existe bel et bien : les francophones septentrionaux, séparés de l'Hexagone au motif que Bonaparte et Grouchy n'utilisaient pas de téléphones portables à Waterloo, se sont façonné une manière d'être, de penser et de rire qui n'appartient qu'a eux.

Le Belge vit en Absurdie, dans un Etat linguistiquement, administrativement et politiquement bricolé, que des négociateurs atrabilaires retapent régulièrement à coups de rustines législatives, qui évoquent les machines assemblées par Gaston Lagaffe au moyen de rouages, de poulies et de bouts de ficelles. Son goût pour le surréalisme n'y est pas étranger. Le bizarre lui sied à merveille, lui qui irritait tant Baudelaire, à l'attrait de la laideur, à l'égoïsme des nantis, à cette vulgarité de pets, de rots, de panses, de bière et de frites qu'illustrèrent Bruegel, Ensor et Brel.

Paradoxalement, cette nation précaire demeure un vivier de créateurs, d'avant-gardistes, qui s'abreuvent dans le génie de ce confluent de l'histoire, nourris par les cultures française, germanique, anglo-saxonne, espagnole. L'ironie, dans ce pays longtemps occupé, n'est autre qu'une arme de défense et de subversion. 

Informations

Publié par
Date de parution 20 novembre 2014
Nombre de lectures 4
EAN13 9782390090199
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0040€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Introduction
L’humour belge existe bel et bien : les francophones septentrionaux, séparés de l’Hexagone au motif que Bonaparte et Grouchy n’utilisaient pas de téléphones portables à Waterloo, se sont façonné une manière d’être, de penser et de rire qui n’appartient qu’à eux.
Le Belge vit en Absurdie, dans un Etat linguistiquement, administrativement et politiquement bricolé, que des négociateurs atrabilaires retapent régulièrement à coups de rustines législatives, qui évoquent les machines assemblées par Gaston Lagaffe au moyen de rouages, de poulies et de bouts de ficelles. Son goût pour le surréalisme n’y est pas étranger. Le bizarre lui sied à merveille, lui qui résiste tant bien que mal à cette médiocrité petite-bourgeoise qui irritait tant Baudelaire, à l’attrait de la laideur, à l’égoïsme des nantis, à cette vulgarité de pets, de rots, de panses, de bière et de frites qu’illustrèrent Bruegel, Ensor et Brel.
Paradoxalement, cette nation précaire demeure un vivier de créateurs, d’avant-gardistes, qui s’abreuvent dans le génie de ce confluent de l’histoire, nourris par les cultures française, germanique, anglo-saxonne, espagnole. L’ironie, dans ce pays longtemps occupé, n’est autre qu’une arme de défense et de subversion.
Cette bâtardise a engendré un goût pour l’autodérision et une horreur farouche du sérieux, qui ont valu quelques entartages à de pompeux infatués de Lutèce et d’ailleurs. Dans un univers aussi ambigu, le sarcasme et la facétie passent par un travail sur le langage, remodelé par un lexique métissé (les belgicismes) et de délectables accents locaux.
La présente anthologie n’a d’autre ambition, au travers des textes les plus savoureux des meilleurs humoristes de la Belgique francophone, que de cerner mieux l’art de rire d’un petit peuple attachant.
Les classiques

Le prince de Ligne
Charles-Joseph Lamoral (Bruxelles 1735 Vienne 1814)

Officier, diplomate et homme de lettres belge, colonel de l’armée autrichienne, nommé feld-maréchal de l’armée russe par Catherine II, il est considéré comme l’un des grands mémorialistes du dix-huitième siècle. Parmi ses trente-quatre œuvres répertoriées, on épingle des correspondances, des comédies en musique, des contes immoraux, des essais … Ce franc-maçon était surnommé « le prince rose » en raison de son penchant pour cette couleur.
Promu « maître des plaisirs » au Congrès de Vienne, il confie à son ami Talleyrand que « le Congrès danse beaucoup, mais ne marche pas… »
Pressentant sa mort, il déclare : « Il manque encore une chose ici : l’enterrement d’un feldmarschall. Je vais m’en occuper. » Elégante pirouette finale d’un viveur raffiné, grand ami de Casanova, qui lui avait rendu hommage en ces termes : « Votre esprit est d’une espèce qui donne de l’élan à celui d’un autre. »
A l’instar de ses contemporains Chamfort et Voltaire, ce soldat racé et séducteur a donné aux Lettres françaises quelques-unes des plus élégantes maximes, pensées et citations du siècle des Lumières. Ces petits bijoux de dix mots, drôles, surprenants, provocateurs, qui sertissent dans leurs paradoxes bien des vérités cachées, ne furent plus, grâce à lui, l’apanage des Anglo-Saxons, les Oscar Wilde, Swift, Joyce ou Samuel Johnson. En ce sens, Charles-Joseph de Ligne est bien le père spirituel des Aurélien Scholl, Tristan Bernard, Jules Romains, Guitry, Allais et, plus près de nous, des deux Pierre, Dac et Desproges.
Chez les Belges, nos surréalistes, puis Léo Campion et Philippe Geluck, pour ne citer qu’eux, ont apporté leurs piments à ces savoureux entremets.
- Maximes et pensées -
Si vertueuse que soit une femme, c’est sur sa vertu qu’un compliment lui fait le moins plaisir.
*
Mon père ne m’aimait pas. Je ne sais pas pourquoi, car nous ne nous connaissions pas. Ce n’était pas la mode d’être alors bon père et bon mari.
*
Il y a deux espèces de sots : ceux qui ne doutent de rien et ceux qui doutent de tout.
*
Mon étonnement est qu’on survive à une bataille, quel qu’en soit l’évènement. Comment ne pas mourir de chagrin si on la perd, et de joie si on la gagne ?
*
J’aime les gens distraits ; c’est une marque qu’ils ont des idées et qu’ils sont bons : car les méchants ont toujours de la présence d’esprit.
*
Il y a des Administrations qui coûtent plus cher que si on y volait.
*
Il vaut bien mieux avoir de l’imagination que de la mémoire. Les hommes font les lois ; les femmes font les mœurs.
*
La meilleure séduction est de n’en employer aucune.
*
Je connais des gens qui n’ont d’esprit que ce qui leur faut pour être des sots.
*
Malheur aux gens qui n’ont jamais tort ; ils n’ont jamais raison.
*
En amour, il n’y a que les commencements qui soient charmants. Il n’est pas étonnant qu’on trouve du plaisir à recommencer souvent.
*
Ceux qui ne savent pas rester chez eux sont toujours des ennuyés et, par conséquent, des ennuyeux.
*
L’enthousiasme est le plus beau des défauts.
*
L’amour-propre d’un sot est aussi dangereux que celui d’un homme d’esprit est utile.
*
J’avance dans l’hiver à force de printemps.
*
Charles de Coster
(Munich 1827- Bruxelles 1879)

Né d’un père flamand et d’une mère wallonne, ce pamphlétaire, admirateur de Garibaldi, publie en 1867 « La légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et d’ailleurs. »
Ce chef-d’œuvre inclassable, hymne à la liberté, chante les exploits d’un farceur légendaire aux prises avec l’oppresseur espagnol aux Pays-Bas du seizième siècle.
Rédigé dans un français archaïque, l’ouvrage, aussi touffu que son titre, resta longtemps boudé du grand public.
La résistance acharnée des Belges au cours de la première guerre mondiale a sans doute contribué à élever Tyl Ulenspiegel, personnage savoureux, à la fois gai et dramatique, insouciant, fantasque, mais désintéressé et épris de liberté, au rang de héros de légende.
Ce Panurge gothique, émule de Robin des Bois, de Don Quichotte et de Guillaume Tell, personnifie un peuple opprimé dans son existence matérielle et ses croyances, qui puise le courage de lutter, par le rire et par les armes, contre l’usurpateur. Malédiction ? « Till l’Espiègle », le seul film réalisé par Gérard Philippe, qui en interprétait le rôle-titre en 1956, connut le même échec commercial que l’œuvre dont il s’était librement inspiré.
- Le rucher -
Une nuit, Ulenspiegel, pour fuir la fraîcheur, s’était réfugié dans une ruche et, tout recroquevillé, regardait à travers les ouvertures. Il y en avait deux en haut.
Comme il allait s’endormir, il entendit craquer les arbustes de la haie et entendit la voix de deux hommes qu’il prit pour des larrons. Il regarda par l’une des ouvertures de la ruche et vit qu’ils avaient tous deux une longue chevelure et une barbe longue, quoique la barbe fût un signe de noblesse.
Ils allèrent de ruche en ruche, puis ils vinrent à la sienne, et, la soulevant, ils dirent :
- Prenons celle-ci : c’est la plus lourde.
Puis, se servant de leurs bâtons, ils l’emportèrent.
Ulenspiegel n’avait nul plaisir d’être voituré ainsi en ruche. La nuit était claire et les larrons marchaient sans sonner mot. A chaque cinquante pas ils s’arrêtaient, épuisés de souffle, pour se remettre ensuite en route. Celui de devant grommelait furieusement d’avoir un si lourd poids à transporter, et celui de derrière geignait mélancoliquement. Car il est en ce monde deux sortes de couards fainéants, ceux qui se fâchent contre le labeur, et ceux qui geignent quand il faut ouvrer.
Ulenspiegel, n’ayant que faire, tirait par les cheveux le larron qui marchait devant, et par la barbe celui qui cheminait derrière, si bien que, lassé du jeu, le furieux dit au pleurard :
- Cesse de me tirer par les cheveux, ou je te baille un tel coup de poing sur la tête qu’elle te rentrera dans la poitrine et que tu regarderas à travers tes côtes comme un voleur à travers les grilles de sa prison.
- Je ne l’oserais, mon ami, disait le pleurard ; c’est toi plutôt qui me tires par la barbe.
Le furieux répondit :
- Je ne chasse point la vermine dans le poil des ladres.
- Monsieur, dit le pleurard, ne faites pas sauter la ruche si fort ; mes pauvres bras n’y tiennent plus.
- Je vais les détacher tout à fait, répondit le furieux.
Puis se débarrassant de son cuir, il déposa la ruche à terre, et sauta sur son compagnon. Et ils s’entrebattirent, l’un blasphémant, l’autre criant miséricorde.
Ulenspiegel, entendant les coups pleuvoir, sortit de la ruche, la traîna avec lui jusqu’au prochain bo

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