L’eau verte
68 pages
Français

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Description

C'est un marécage, dans un coin de montagne, pas très loin de la ferme de Greta Sebek et de sa fille Anja. Il ne sent pas mauvais. On n'y trouve pas d'insectes. Pourtant, il est dangereux. Des bêtes s'y sont perdues. À cause de lui, un jour, Anja désobéit pour la première fois à sa mère qui lui avait fait promettre de ne jamais y aller seule. Elle s'est sentie attirée, irrésistiblement, vers ce lieu qu'elle appelle l'eau verte. Ce qu'elle y aperçoit l'effraie, la fascine, l'ensorcelle. Il faut qu'elle y retourne. Elle résiste longtemps. Mais le jour où elle cède, c'est pour voir sortir des eaux un garçon de son âge, aux yeux verts comme le marais. Aussitôt Anja le baptise « le dénoyé » et entreprend de le sauver. Est-ce qu'un garçon si beau, perdu et silencieux, peut faire du mal à deux femmes courageuses et débrouillardes ? Oui.

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Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2018
Nombre de lectures 7
EAN13 9782211301121
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le livre
C’est un marécage, dans un coin de montagne, pas très loinde la ferme de Greta Sebek et de sa fille Anja. Il ne sentpas mauvais. On n’y trouve pas d’insectes. Pourtant, il estdangereux. Des bêtes s’y sont perdues. À cause de lui, unjour, Anja désobéit pour la première fois à sa mère qui luiavait fait promettre de ne jamais y aller seule. Elle s’est sentieattirée, irrésistiblement, vers ce lieu qu’elle appelle l’eauverte. Ce qu’elle y aperçoit l’effraie, la fascine, l’ensorcelle.Il faut qu’elle y retourne. Elle résiste longtemps. Mais lejour où elle cède, c’est pour voir sortir des eaux un garçonde son âge, aux yeux verts comme le marais. Aussitôt Anjale baptise « le dénoyé » et entreprend de le sauver. Est-cequ’un garçon si beau, perdu et silencieux, peut faire dumal à deux femmes courageuses et débrouillardes ? Oui.
 
L’auteur
Jean-François Chabas est né en région parisienne en1967 et vit aujourd’hui en Provence. Il a exercé plusieursmétiers avant de se consacrer exclusivement à l’écriture.
 
Depuis Une moitié de wasicun paru en 1995 chezCasterman, il a écrit plus de soixante livres chez différentséditeurs dont une trentaine à l’école des loisirs .
Nombreux d’entre eux ont remporté des prix.
Outre ses romans pour la jeunesse, il a égalementsigné des albums avec Hervé Blondon, David Sala, JoannaConcejo chez Casterman et publié, pour les adultes, LesViolettes et Les Ivresses chez Calmann-Lévy.
 
Plusieurs de ses livres figurent sur les listes de titresrecommandés par l’Education nationale.
 


 
 

l’école des loisirs
11, rue de Sèvres, Paris 6 e
Pour Evelyne que j’embrasse,
et pour son fils Vincent.

1
 
– Maman, qu’est-ce qu’il y a dans l’eauverte ?
– Rien, ma chérie. De l’eau, des herbes,et voilà. Mais promets-moi de ne pas venir tepromener ici toute seule. Jamais, jamais. C’estdangereux.
– Parce qu’il y a quelque chose dans l’eauverte ?
– Mais non. Je t’ai dit que non. Tu risquesde te noyer, c’est tout. Allons-nous-en, la nuitva tomber.
 
C’est le tout premier souvenir de ma vie.Celui que j’ai gardé. Ma mère et moi, sur lesentier entouré par les marais. Ces marais, je les appelais l’eau verte. On les trouvait à une heurede marche de chez nous, en montagne, à presquemille mètres d’altitude. L’hiver venu, ils gelaientet n’étaient plus verts, mais gris. En revanche,dès le printemps ils reprenaient leurs couleurs,et si on n’y regardait pas de près, on pouvaits’imaginer qu’il s’agissait d’une prairie. Pourtantil y avait bien de l’eau là-dessous, et même lesanimaux s’y retrouvaient pris au piège, engluésdans les longues herbes. Les marais les avalaient.
Le chemin était comme un pont traversantces eaux, qui s’étendaient de chaque côté, surplusieurs centaines de mètres. Ma mère avait raison. L’eau verte était dangereuse. Je crois qu’onpeut dire qu’elle était encore plus redoutableque cela, parce que c’était le rendez-vous desmaléfices.
2
 
Je vivais seule avec Maman, dans notre petitchalet au cœur dww’une clairière, à une époqueoù on ne trouvait pas de station de ski, dans nosmontagnes. Il y a longtemps. Papa avait disparu,emporté par une coulée de neige quand j’étaisencore bébé. Si dans son esprit il a emmenémon visage, je peux dire, moi, que je ne l’aipas connu. Il n’a même pas été photographié.Maman et moi nous aimions énormément.Oui, un amour tout à fait gigantesque, quinous gonflait le cœur. C’est que ma mère était une femme remarquable, très courageuse. Nousavions quelques vaches dont nous vendions lelait, mais afin que je ne manque de rien, ellelouait aussi ses bras pour les travaux des champs,aux temps chauds. Quand j’étais trop petitepour rester seule, elle m’emmenait avec elle, oubien me confiait à des amis du village.
 
Plus tard, elle m’a envoyée à l’école. Je détestais ça. Les habitudes que j’avais prises étaientcelles d’une bête sauvage, et bien malin celuiqui m’aurait fait me tenir tranquille sur les bancsd’une classe.
– Anja Sebek, me disait l’institutrice, j’enseigne depuis plus de trente ans, mais je n’aijamais vu un monstre comme toi. Tu as du sangde chèvre dans les veines.
J’imagine que j’aurais dû me sentir offensée, mais j’étais plutôt contente. Les chèvresétaient de bonnes grimpeuses, infatigables, etelles pouvaient manger n’importe quoi, mêmedes chardons. Le soir de la tirade de la maîtresse,je suis allée au pré, et j’ai essayé de mâcher un chardon. Rien que d’y repenser, j’ai encore malaux joues.
Malgré tout, j’ai réussi à apprendre à lire età compter. Dissipée et têtue, je veux bien. Maisje n’étais pas non plus complètement idiote. Mamère ne savait pas lire. Elle n’était jamais alléeà l’école. Eh bien, c’est moi qui lui ai appris,quand à l’hiver les grandes chutes de neige nousempêchaient de sortir. Le premier texte qu’ellea lu, en dehors de mon livre de classe, a étéla notice d’emploi d’une lampe à pétrole quenous venions d’acheter. Elle en a été heureuse,comme une enfant.

3
 
Ma grande passion, c’était les animaux. Nosvaches, mais surtout les bêtes sauvages, et il yen avait beaucoup, autour de nous. Au coucher du soleil, les chevreuils mâles, qui sont devrais peureux, envoyaient les femelles dans notreclairière, pour voir s’il n’y avait pas de danger.Ensuite, ils sortaient eux aussi de l’ombre et toutle monde se mettait à brouter l’herbe tendre.Parfois on voyait un cerf, autrement impressionnant avec ses grands bois. Et puis il y avaitles écureuils, qui tournaient autour des troncsdes mélèzes et des sapins comme on grimperaitles marches d’un escalier en colimaçon, et lesrenards, et les loirs, les minuscules musaraignesde montagne, un vieux blaireau tout gras qui s’enfuyait en soufflant et crachant quand on lesurprenait sur le chemin.
En dehors de l’école, j’étais presque toujoursseule, et j’avais dû expliquer à Maman queje me trouvais très bien ainsi. Je me parlais àmoi-même, comme le font beaucoup d’enfantsuniques qui s’inventent des compagnons imaginaires, mais je n’ai pas le souvenir de m’êtrejamais sentie triste.
– Tu finiras comme ces vieux mabouls quimarmonnent tout bas dans leur barbe, disaitMaman.
– Ça, ça m’étonnerait, parce que d’abord,j’en aurai jamais, de barbe.
Ma réponse a beaucoup fait rire ma mère,alors je suis allée dans le bois pour ramasser cettemousse sèche qui ressemble à des poils, j’en aicollé à mon menton avec de la résine et je suisrevenue à la maison. J’ai eu beaucoup de succès.
 
Mais, comme on peut s’y attendre de la partd’une petite chèvre butée, je n’oubliais pas l’eauverte. Et malgré la promesse que j’avais faite à ma mère, un jour où je n’avais pas école, alorsque j’étais assez grande pour être laissée seule,j’ai ramassé mes jupes et j’ai couru vers lesmarais. Je ne voulais pas désobéir à Maman, maisqu’on ne me demande pas pourquoi, c’étaitcomme si l’eau verte m’avait appelée.

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