La guerre des mercredis
141 pages
Français

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Description

S’il y a un élève du collège que Mme Baker, la prof d’anglais, ne peut pas voir en peinture, c’est bien lui, Holling Hoodhood. Chaque mercredi, alors que la moitié de la classe de cinquième est dispensée de cours pour se rendre à la synagogue, et que l’autre moitié va au cathéchisme à l’église de la paroisse, Holling Hoodhood, qui n’est ni juif ni catholique, est le seul et unique élève à rester en cours avec Mme Baker. Elle le lui fait payer. Cela fait plusieurs mercredis qu’il nettoie les tableaux, dépoussière les effaceurs, retire les toiles d’araignée, décrasse les fenêtres. Et voilà que Mme Baker s’est mis en tête de lui faire lire du Shakespeare ! Encore un stratagème pour le faire périr d’ennui.
Pendant que Holling Hoodhood découvre La tempête et s’aperçoit que Mme Baker est moins mauvaise qu’elle n’en a l’air, l’histoire des États-Unis suit son cours. Robert Kennedy se porte candidat à la présidence, la lutte pour les droits civiques prend de l’ampleur, la guerre du Vietnam fait rage… Nous sommes en 1968, et l’Amérique s’apprête à vivre l’une des années les plus violentes de son histoire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2019
Nombre de lectures 10
EAN13 9782211303705
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le livre
S’il y a un élève du collège que Mme Baker, la prof d’anglais,ne peut pas voir en peinture, c’est bien Holling Hoodhood.Chaque mercredi, alors que la classe de cinquième estdispensée de cours pour se rendre à la synagogue ouau catéchisme, Holling Hoodhood, qui n’est ni juif nicatholique, est condamné à rester avec Mme Baker. Elle lelui fait payer. Cela fait plusieurs mercredis qu’il nettoie lestableaux, dépoussière les effaceurs, décrasse les fenêtres. Etvoilà que Mme Baker s’est mis en tête de lui faire lire duShakespeare ! Pendant que Holling Hoodhood découvre La Tempête , l’histoire des États-Unis suit son cours. Noussommes en 1968, et l’Amérique s’apprête à vivre l’une desannées les plus violentes de son histoire…
L’auteur
Gary D. Schmidt est professeur d’anglais dans le Michiganet père de six enfants. Il a écrit une dizaine de livres pourla jeunesse, récompensés outre-Atlantique et en France parde nombreux prix. Dans La guerre des mercredis , il a voulumêler les genres, faire de son histoire de collégien dansles années soixante un roman initiatique et une fresquehistorique des États-Unis en 1968.
 

Gary D. Schmidt
 
 


 

Traduit de l’anglais (États-Unis)

par Caroline Guilleminot
 
 

l’école des loisirs
11, rue de Sèvres, Paris 6 e
 
À Sally Bulthuis et Camille De Boer
 
À toutes les nobles âmes de Pooh’s Cornerqui rapprochent les enfants et les livresavec grâce, sagesse et amour
Septembre
De tous les élèves qui fréquentaient la classe de cinquième du collège Camillo, Mme Baker en détestaitun par-dessus tout.
Moi.
Entre nous, je n’avais rien fait pour mériter ça.
Si Mme Baker avait détesté Doug Swieteck, onaurait pu trouver ça normal.
Un jour, Doug Swieteck s’est ingénié à répertorier 410 façons de se faire détester par un professeur.La liste commençait par « Vaporiser du désodorisantdans les tiroirs de son bureau » et ça devenait pire aufur et à mesure. Véridique. Je crois qu’on frôlait ledélit à partir du n o  167. Vous ne voulez pas savoir àquoi correspondait le n o  400, et vous voulez encoremoins savoir à quoi correspondait le n o  410. Maisvoilà ce que je peux vous dire : c’était le genre de choses à conduire les élèves tout droit en maison decorrection pour mineurs tout au nord de l’État deNew York, tellement loin qu’on n’entendrait plusjamais parler d’eux.
L’année dernière, Doug Swieteck testa le n o  6sur Mme Sidman. Il était question de chewing-gumWrigley, de fontaine à eau (située à l’extérieur de lasalle des profs) et de teinture pour cheveux « Fruitsde Polynésie » qu’elle utilisait. L’opération marchacomme sur des roulettes, et le visage de Mme Sidman se retrouva constellé de dégoulinures couleurmangue durant le reste de la journée, le jour d’aprèset encore le jour suivant jusqu’au – j’imagine –renouvellement de ses cellules cutanées.
Doug Swieteck fut renvoyé deux semainesentières. Juste avant son exclusion, il annonça qu’ilessaierait le n o  166 l’année prochaine, histoire devoir combien de temps ça lui vaudrait.
La veille de son retour, le principal du collège déclara durant le rituel 1 du matin queMme Sidman avait accepté une « réaffectation volontaire au sein du bureau administratif ». Nousétions tous censés la féliciter pour son nouveauposte. Mais nous eûmes du mal à le faire, car elle nepointa pratiquement jamais le bout de son nez horsdu bureau administratif. La plupart du temps, elle setenait à la bonne distance de nous, même quand elledevait surveiller la récréation. Dès que nous nousapprochions, elle dégainait un chapeau de pluie enplastique qu’elle se vissait sur la tête.
C’est dur de féliciter quelqu’un qui dissimuleses cheveux couleur « Fruits de Polynésie » sous unchapeau de pluie en plastique.
Vous voyez ? C’est ça le genre de trucs qui fontque les professeurs vous détestent.
Mais une chose est sûre, je ne me suis jamaisrendu coupable d’aucun de ces trucs. Jamais. Je mesuis même tenu le plus possible à l’écart de DougSwieteck. Ainsi, s’il lui venait l’envie de tester len o  166 sur quelqu’un, personne ne pouvait m’accuser d’avoir été à ses côtés.
Mais ça ne faisait rien. Mme Baker me détestait. Elle me détestait bien plus que Mme Sidman nedétestait Doug Swieteck.
Je l’ai su dès le lundi, jour de la rentrée en cinquième, quand Mme Baker a fait l’appel – ce qui permettait non seulement de connaître la liste desélèves de votre classe, mais aussi de savoir où chacun habitait. Si votre nom de famille se terminaitpar « berg », « zog » ou « stein », vous résidiez au nord.S’il s’achevait par « elli », « ini » ou « o », vous habitiez au sud. Lee Avenue était juste au milieu, alorsil suffisait de sortir du collège Camillo, de suivreLee Avenue, de traverser Main Street, de dépasserle drugstore MacClean’s, le Paradis de la boulangerie Goldman et le magasin Five & Ten-Cent, puisde traverser un autre pâté de maisons, de longer labibliothèque municipale et de parcourir encore unbloc d’habitations, pour arriver pile chez moi. Selonmon père, notre maison était en plein milieu de laville. Ni dans le quartier nord ni dans le quartiersud. Juste entre les deux. « C’est la Maison parfaite »,disait-il.
Mais, parfaite ou pas, c’était compliqué de vivreau milieu. Le samedi matin, tous les gens qui habitaient au nord se rendaient à la synagogue Beth-El.En fin d’après-midi, tous les gens qui habitaient ausud se rassemblaient devant Saint-Adelbert – cetteéglise moderne avait décidé qu’il était inutile dedemander aux paroissiens de se lever aux aurores.Mais le dimanche – de bon matin –, ma famille allait, pour sa part, à l’office de l’église presbytérienne Saint-Andrew écouter le pasteur McClellan,qui était assez vieux pour avoir connu Moïse. Ce quivoulait dire que le dimanche après-midi était le seulmoment du week-end pour jouer au base-ball avecdes équipes au complet.
Jusque-là, j’avais pourtant échappé au pire. Maisl’été dernier, Ben Cummings avait déménagé dans leConnecticut pour que son père puisse travailler dansla ville de Groton –, tandis que Ian MacAlister s’étaitinstallé à Biloxi pour que son père puisse deveniraumônier au lieu d’être pasteur de l’église Saint-Andrew. C’est comme ça que l’on s’est retrouvésavec le pasteur McClellan qui aurait pu égalementfaire passer le prophète Isaïe pour un ami proche.
Ma condition de presbytérien m’a alors valu lepire. Notamment le mercredi après-midi quand,à 13 h 45 précises, la moitié de la classe allait àl’école hébraïque de la synagogue Beth-El et que,à 13 h 55, l’autre moitié se rendait au catéchismede l’église Saint-Adelbert. Tout cela laissait en planles membres de l’église presbytérienne qui, de trois,passèrent à un.
Moi.
Mme Baker devait s’en douter lorsqu’elle a prononcé mon nom pendant l’appel. Sa voix vibrait,comme s’il y avait un code secret caché derrière lessons.
– Holling Hoodhood, a-t-elle dit.
– Présent ! ai-je répondu en levant la main.
– Hoodhood.
– Oui.
Mme Baker s’est assise sur un coin de son bureau.Une telle posture aurait dû me mettre la puce àl’oreille, car les professeurs ne sont pas censéss’asseoir sur le coin de leurs bureaux, le jour de larentrée des classes. C’est la règle.
– Hoodhood, a-t-elle répété calmement.
Elle a marqué un temps de réflexion.
– Est-ce que votre famille va à la synagogueBeth-El ? a-t-elle demandé.
J’ai fait non de la tête.
– Alors vous allez à Saint-Adelbert, hein ? a-t-elleajouté avec une lueur d’espoir.
J’ai continué à faire non de la tête.
– Donc, le mercredi après-midi, vous ne fréquentez ni l’école hébraïque ni le catéchisme ?
J’ai hoché la tête.
– Vous êtes donc avec moi.
– J’imagine, j’ai répondu.
Mme Baker m’a regardé, l’air concentré. Je croisbien qu’elle a roulé les yeux.
– Puisque l’usage tronqué d’« imaginer » sanscomplément est un crime contre le langage, voussouhaiteriez peut-être utiliser une phrase complètepour éviter toute forme de poursuites. Quelque chosedu genre : « J’imagine que les mercredis après-midiseront occupés après tout. »
C’est à cet instant précis que j’ai su qu’elle medétestait. Son visage a pris une drôle d’expression,comme si le soleil s’était éteint et qu’il ne fallait pass’attendre à le voir réapparaître avant juin prochain.
J’ai dû avoir la même expression, vu que je mesentais dans l’état que l’on éprouve juste avant devomir : quand on transpire et qu’on a froid en mêmetemps, avec l’estomac qui fait des trucs qu’il n’est passupposé faire, et l’espoir – oh, le secret espoir ! – quel’omelette jambon-fromage-brocoli que votre mèrea préparée pour votre premier jour de classe soitdes céréales Cheerios – votre souhait le plus cher –parce que c’est beaucoup plus facile à dégobiller etpas jaune.
Si Mme Baker a eu comme moi une envie devomir, elle s’est bien gardée de l’exprimer. Elle aparcouru la liste des élèves.
– Mai Thi Huong, a-t-elle dit.
Elle a levé les yeux pour repérer la main levée deMai Thi et a hoché la tête. Mais avant de continuerl’appel, elle m’a lancé un regard, et cette fois elle avraiment roulé les yeux. Elle s’est replongée dans saliste.
– Daniel Hupfer, a-t-elle dit.
Elle a levé les yeux en direction de la main levéede Danny, puis s’est tournée pour me regarder denouveau.
– Meryl Lee Kowalski, a-t-elle dit.
Elle a localisé la main de Meryl Lee et m’a regardéde nouveau. Elle a répété son manège chaque foisqu’elle redressait la tête pour voir la main de lapersonne qu’elle nommait. Elle me surveillait parcequ’elle ne pouvait pas m’encadrer.
 
Cet après-midi-là, je suis rentré sans me presserdans ma « Maison parfaite ». Sans même lever le nez,j’arrivais à identifier le moment où je me rapprochais de mon domicile, car le trottoir n’offrait pasle même aspect. D’un seul coup, le dallage étaitd’une blancheur parfaite, sans présenter la moindreéraflure. Véridique. C’était la même chose avec lesdalles de l’allée qui menait à la Maison parfaite, les quelles étaient bordées de massifs d’azalées parfaitement assortis, taillés à la même hauteur et ponctuésde fleurs alternativement rose

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