Le cri
131 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Le cri , livre ebook

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Description

Une adolescente confrontée à l'indifférence.

Charlotte, une adolescente, crie. Elle a beau crier, personne ne l'entend ni ne la voit. Elle a le sentiment de ne pas exister tant l'indifférence de ses parents est grande. Elle entreprend de fuir les autres et réussit si bien qu'elle devient invisible pour de bon.

Plongez dans ce roman touchant et découvrez l'histoire de Charlotte qui finit par devenir invisible...

EXTRAIT

Il n’y a pas que maman. Personne ne doit me toucher. Ni Julie, ni mon père. Mais mon père n’essaye pas. C’est le seul qui ne s’évertue pas à me voir depuis que je suis invisible.
Maman recherche un spécialiste. Elle veut prendre le plus grand. Elle cherche et recherche sur le bottin. Entre « Endocrinologue » et « gastroentérologue ». Rien à faire. Pas de « Fille-invisibologue ». C’est comme si ça n’existait pas puisque ça ne figure pas sur le bottin.
Maman a aussi prévenu la police. Pour expliquer ma « disparition ». En fait, je ne suis pas « disparue ». Je n’apparais plus : plus embêtant encore ! Les policiers viennent constater. J’ai passé des vêtements. Mais je refuse qu’ils me palpent. Que le médecin légiste.
Lui seul a le droit de sentir battre mon cœur volant. Là, je suis gentille. Je pourrais leur faire avoir bien des ennuis, à mes parents. « Disparition » de leur fille : Fugue ? Enlèvement ? Assassinat ? Mais je ne cherche pas à faire du mal à mes parents. Aujourd’hui pas plus qu’avant. Je ne veux pas inverser les rôles. Surtout pas.
Même Julie qui s’y est mise. « Je n’ai pas été assez gentille avec Mademoiselle Charlotte. » « Je voudrais tant revoir Mademoiselle Charlotte. » Tu parles ! Tu peux toujours courir ! Et même t’acheter des lunettes ! Encore que… Il paraît qu’à l’armée, ils ont des jumelles pour voir dans la nuit complète. Pour voir quand personne ne voit. Heureusement, il n’y a jamais eu de jumelles à la maison. Il n’y a jamais eu qu’une sœur et un frère qui s’adorent. Et c’est tout.

À PROPOS DE L'AUTEUR

François David est né en 1950. Il vit dans le Cotentin et enseigne la littérature et le théâtre. Créateur de la revue littéraire sur cassette "Voix", il est aussi le directeur littéraire des éditions Motus depuis 1988, il écrit également pour la jeunesse et on lui doit enfin plusieurs recueils de poèmes et de nouvelles.

Informations

Publié par
Date de parution 25 juillet 2018
Nombre de lectures 5
EAN13 9782352845256
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
COLLECTION
ROMAN JEUNESSE

1. Un loup dans la vitre Philippe de Boissy 2. Cloche Clotilde Bernos 3. Le cri François David
















Illustration de la couverture : Philippe de Boissy
Copyright




DU MÊME AUTEUR

Comptines pour donner sa langue au chat, Actes Sud
Jazaban et le tyran, Albin-Michel
Une petite flamme dans la nuit , Bayard
Edgar n’aime pas les épinards, Rageot-Editeur « Cascade »
Chut ! Chut ! Petit doigt , Flammarion
Le fils de l’ogre , Hoëbeke-Møtus
Le calumet de la paix, Lo Païs
Je ne fais jamais de bêtises , Lito
Les comptines qui chatouillent , Milan
Ami, ou es-tu ? Møtus
Est-elle estelle ? Møtus
Il et elle, Møtus
Josette, l’animatrice vedette… Møtus
La tête dans les nuages , Møtus
La véridique et lamentable histoire du ponza bleu, Møtus
Les Enfants de la lune et du soleil, Illust. d’Henri Galeron, Møtus Prix Octogones 2002
Un grain de sel dans les étoiles, Møtus





Tous droits de reproduction, de traduction
et d’adaptation réservés pour tous pays.
© 2002 É ditions du J asmin
4, rue Valiton 92110 Clichy
ISBN 978-2-35284-571-3

Avec le soutien du
Titre
Le cri
















Je n’écris pas : je crie.
Longtemps j’ai pensé à tenir un journal. Mais j’y ai renoncé. Trop ridicule de m’écrire à moi-même. Et puis, s’il est découvert, ce n’est plus un journal intime. Donc crier.
Je crie dans le vent. Si mes paroles parviennent à des oreilles, c’est que le vent les aura portées dans cette direction. Un bon vent. Ou un vent mauvais. C’est selon. Selon celle qui crie… Selon ceux qui entendront ces cris… Selon la direction du vent.
Je n’ai pas toujours été invisible.
À ma naissance, la sage-femme m’a prise dans ses bras : « Oh ! Quel beau bébé ! » Elle a ouvert la porte et elle a appelé mon père. « Venez voir. Vous avez une jolie petite fille. » Quand il est entré, mon père ne m’a pas regardée. Il a dit à ma mère : « Si ce n’est pas malheureux ! » Puis il a claqué la porte. La sage-femme est revenue aussitôt, elle a demandé ce qui se passait. « Rien, a dit ma mère. Rien. »
Quand nous nous sommes retrouvées seules, ma mère m’a confié : « Oh ! Ce que tu as pu me faire mal ! » Elle l’a répété longtemps. Jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Je m’en souviens. Pas « comme si c’était hier ». Comme si c’était aujourd’hui.
Il paraît qu’il n’est pas possible de se souvenir du jour de sa naissance. Pour moi, si. Je ne dois pas ressembler aux autres.
Un premier jour, et tous les autres en enfilade : 5 570 jours, en comptant les années bissextiles. Soit 133 680 heures. Soit 8 020 800 minutes. Soit 481 248 000 secondes. Mais il faut au moins 5 secondes pour crier les secondes. Et quand j’ai fini de les crier, ce n’est déjà plus vrai. Je me suis menti. Il aurait fallu crier : 481 248 005 secondes. Mais je ne pouvais pas savoir, avant, le temps que je mettrais à le crier. Et du coup, maintenant, je n’ai déjà plus le même âge. Quel âge ? Quatre cent quatre-vingt un millions deux cent quarante-huit mille cinquante-deux secondes. Ça me fait un drôle d’effet de le crier de cette manière. Comme si je remontais à la préhistoire. Ma vie de fille préhistorique. Dans une caverne. Et dans le froid.
Quand les journées sont trop longues, je compte et recompte les secondes. Je recalcule. J’ai l’impression que je vieillis à vue d’heure. D’ailleurs j’ai l’impression de n’avoir jamais été jeune. Ni enfant. Ni bébé. Jamais. Sauf la première minute, peut-être. J’ai l’impression de n’avoir jamais été.
Quand ça n’allait pas entre mes parents, mon père faisait des réussites. Je ne connais rien de pire que les réussites. Pour mon père, je ne sais pas. Parfois oui, il retrouvait son calme devant les cartes. Mais parfois ça l’énervait encore plus. Soit qu’il ne réussissait pas à oublier. Soit qu’il ne réussissait pas à réussir. C’était ça peut-être qui rendait si terrible de le regarder. Ses doigts. Ses doigts crispés. Ses doigts rapides. Et le temps si lent à côté.
J’entre dans la pièce où se trouve mon père. Il ne lève pas les yeux. Il regarde ses cartes. Rien d’autre ne semble le concerner. Je n’ose pas bouger pour ne pas le déranger. J’ai envie de tousser. Je m’en veux. Pourquoi ai-je envie de tousser quand je ne dois pas déranger mon père ? Alors je lutte contre la toux. Au moment même où je crois remporter la victoire, je tousse malgré moi. Mon père crispe les épaules. Pour tenter de détourner son mécontentement, je lui demande : « Comment fait-on des réussites ? » Mon père retourne une carte. Une autre. Je suis sûre qu’il ne va pas me répondre. Finalement il me dit : « Cela ne te regarde pas. »
Lorsque mon frère est né…
Quoi ? Qu’est-ce que j’ai crié ? Je crie, mais je ne crie pas ce que je veux crier. « …mon frère aîné. » Celui que je n’ai pas eu. Celui que je n’ai pas su être. C’est moi l’aînée !
Depuis que mon frère pas aîné est né, tout est transformé. Mes parents ont cessé de se disputer. Il y a des fêtes. Et même, rien que des fêtes. À part les fêtes, comme du temps inutile. Ou du temps pour se remettre de la fête. Et du temps pour se remettre à la fête. La fête pour sa première dent. La fête pour son premier Noël. La fête pour sa première communion. Et pour ses anniversaires.
– Charlotte, est-ce que tu as pensé à un cadeau pour ton frère ?
– Oui, maman.
– Qu’est-ce que tu comptes lui offrir ?
– Le dessin d’un chat.
– Ah ! Eh bien, tu lui offriras aussi ce joli navire miniature. Ça lui fera plaisir, j’espère. Tiens. Prends le paquet. Marque : « De la part de ta sœur. » Attends, non. Marque : « De la part de ta sœur qui t’adore. » Et tu signes. Ça y est ? Tu as fini ?
Je me dépêche. Je ne voudrais pas gâcher la fête.
Depuis que mon frère pas aîné est né, ma mère est devenue plus gaie. Et mon père n’a plus raté ses réussites.
Je ne peux pas crier quand j’ai commencé à ne pas être là. Puisque je n’ai jamais été là. Je peux seulement crier que, depuis la naissance de mon frère, je suis encore moins là. En même temps, je sens bien que cela ne peut pas se crier. Comment crier que je suis encore plus moins que rien ?
Avant je pensais que je n’étais pas là puisqu’on ne souhaitait pas que j’y sois. J’étais venue par hasard. Par erreur. On attendait quelqu’un d’autre et c’était moi qui étais arrivée avec ma petite robe à carreaux dans le ventre de ma mère. Mais depuis que mon frère pas aîné est né, tout est rentré dans l’ordre. Il est arrivé enfin. Avec un peu de retard. Simple erreur d’aiguillage.
Maintenant que je ne gêne plus personne, je suis encore plus gênée d’être ici. Même si je n’existe pas. Alors je fais comme toute la famille. Je me consacre au bonheur de mon frère. Sans répit. Comme l’ouvrière d’une ruche dont la Reine serait un Roi.
Je prends
une craie
et je me dessine
sur le trottoir.
Ça me fait bizarre de voir
ma silhouette
sur le bitume
alors que
je n’en ai
aucune.
Et puis
vite vite
je m’efface.
Je crie pour aujourd’hui. Et je crie pour hier. Je mélange mes temps. Mes cris. Pas perdre d’occasion. Cris soldés ! Sur le passé mort. L’avenir bancroche. Le présent absent. Obstinément. Qu’il ne soit pas dit que ce soit avec mon consentement. Au contraire. Qu’il soit crié le contraire. Jusqu’à mon moindre souffle.
Ma mère quelquefois, par hasard, m’entend : Qu’est-ce que tu baragouines encore ? Faut que tu ressasses, hein ! Eh bien, vas-y s’il n’y a que ça qui te plaît !
Oui, je ressasse. Pas grand chose à me mettre sous la dent. Alors… Quand il y a quoi que ce soit, j’en profite. Même si c’est amer. Je le garde en bouche. Je le mâche. Je le remâche. Et quand j’ai peur d’en perdre le goût, comme un chewing-gum trop mordillé, je le fais sortir. Je l’étends. C’est un cri que j’étire longtemps.
Crier ! Crier !
Tant pis si ça crisse.
Les mains crispées sur mes oreilles.
Crier !
Ce n’est pas vrai tout ce que je crie. Tout ce que j’ai crié. Menteuse. Il y a quelqu’un. Qui me regarde. Depuis le début. Quelqu’un. Quelqu’une.
– Émilienne, vous la gâtez trop. Si vous croyez lui rendre service ! Les fruits gâtés et les enfants gâtés,

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