Le passeur
94 pages
Français

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Description

Dans le monde où vit Jonas, la guerre, la pauvreté, le chômage, le divorce n'existent pas. Les inégalités n'existent pas. la désobéissance et la révolte n'existent pas. L'harmonie règne dans les cellules familiales constituées avec soin par le comité des sages. Les personnes trop âgées, ainsi que les nouveaux-nés inaptes sont élargis, personne ne sait exactement ce que cela veut dire. Dans la communauté, une seule personne détient véritablement le savoir : c'est le dépositaire de la mémoire. Lui seul sait comment était le monde, des générations plus tôt, quand il y avait encore des animaux, quand l'oeil humain pouvait encore voir les couleurs, quand les gens tombaient amoureux. Dans quelques jours, Jonas aura douze ans. Au cours d'une grande cérémonie, il se verra attribuer, comme tous les enfants de son âge, sa future fonction dans la communauté. Jonas ne sait pas encore qu'il est unique. Un destin extraordinaire l'attend. Un destin qui peut le détruire.
Ce livre a fait l'objet d'une adaptation cinéma, sortie le 29 octobre 2014 en France. Il a aussi reçu le Prix « Tam Tam » décerné par le salon du Livre de Jeunesse de Montreuil en 1994, le Prix « Lecture Jeunesse » en 1995, le Prix des Jeunes Lecteurs organisé par la bibliothèque Municipale de Thorigny 1996 et le Prix Farniente 2001 (Belgique).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 octobre 2014
Nombre de lectures 48
EAN13 9782211222402
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le livre
Dans le monde où vit Jonas, la guerre, la pauvreté, le chômage, le divorce n’existent pas. Les inégalités n’existent pas.La désobéissance et la révolte n’existent pas. L’harmonierègne dans les cellules familiales constituées avec soin par leComité des sages. Les personnes trop âgées, ainsi que lesnouveau-nés inaptes sont « élargis », personne ne sait exactement ce que cela veut dire.
Dans la communauté, une seule personne détient véritablement le savoir : c’est le dépositaire de la mémoire. Luiseul sait comment était le monde, des générations plus tôt,quand il y avait encore des animaux, quand l’œil humainpouvait encore voir les couleurs, quand les gens tombaientamoureux.
Dans quelques jours, Jonas aura douze ans. Au coursd’une grande cérémonie, il se verra attribuer, comme tousles enfants de son âge, sa future fonction dans la communauté. Jonas ne sait pas encore qu’il est unique.
Un destin extraordinaire l’attend. Un destin qui peutle détruire.
 

L’auteur
Lois Lowry est née en 1937 à Honolulu, dans l’îled’Hawaï. Elle vit entre Boston et une vieille ferme à lacampagne. Avant de se consacrer entièrement à son métierd’écrivain, elle a travaillé comme journaliste indépendanteet photographe. Son amour pour les enfants l’a pousséetout naturellement à écrire pour eux.
Elle a signé plus de trente livres pour la jeunesse etnombreux sont ceux qui ont été récompensés et traduitsdans plusieurs langues. Certains ont même donné lieu a desadaptations cinématographiques : c’est le cas du Passeur . Lelivre, publié en 1993, a connu un immense succès et a ététransposé au cinéma en 2014.
 

Lois Lowry
 
 

Le passeur
 
 

Traduit de l’anglais (États-Unis)
par Frédérique Pressmann
 
 

l’école des loisirs
11, rue de Sèvres, Paris 6 e
 

Pour tous les enfants,
à qui nous confions l’avenir.
1
 
On était presque en décembre et Jonas commençait àavoir peur. Non, ce n’est pas le bon mot , pensa Jonas. La peur,c’était ce sentiment de nausée profonde quand on pressentait que quelque chose de terrible allait arriver. C’estce qu’il avait ressenti un an auparavant lorsqu’un avionnon identifié avait survolé la communauté à deuxreprises. Il l’avait vu les deux fois. Jetant un coup d’œilvers le ciel, il avait vu passer l’appareil effilé – presque flouà la vitesse à laquelle il volait – et une seconde après ilavait entendu la déflagration qui avait suivi. Et puis denouveau le même avion, un instant plus tard, mais dansl’autre sens.
Au début, il avait été fasciné. Il n’avait jamais vud’avion de si près car le règlement interdisait aux pilotesde survoler la communauté. De temps en temps, quandun avion de marchandises venait se poser sur la pisted’atterrissage de l’autre côté de la rivière, les enfants prenaient leurs vélos et allaient sur la berge assister, intrigués,au déchargement puis au décollage, qui se faisait toujoursvers l’ouest, à l’opposé de la communauté.
Mais l’avion de l’an dernier était différent. Ce n’étaitpas un de ces avions de marchandises trapus, au ventrerenflé, mais un monoplace au nez pointu. Jetant un regardinquiet autour de lui, Jonas avait vu les autres – les adultescomme les enfants – interrompre ce qu’ils étaient en trainde faire et attendre, perplexes, qu’on leur explique cetévénement effrayant.
Et puis on avait ordonné à tous les citoyens de se rendredans le bâtiment le plus proche et d’y rester. « IMMÉDIATEMENT », avait dit la voix qui grinçait dans les haut-parleurs. « LAISSEZ VOS VÉLOS LÀ OÙ ILS SONT. »
Jonas avait aussitôt obéi et il avait laissé tomber sonvélo sur le chemin qui se trouvait derrière son habitationfamiliale. Il était rentré à la maison en courant et étaitresté là tout seul. Ses parents étaient tous les deux au travail et sa petite sœur, Lily, au Centre des enfants où elleallait tous les jours après l’école.
En regardant par la fenêtre, il n’avait vu personne : niles agents de nettoyage, ni les jardiniers, ni les équipes delivraison des aliments, rien de la foule affairée qui d’ordinaire peuplait les rues à cette heure-ci de la journée. Il nevoyait que les vélos abandonnés çà et là sur le côté ; uneroue tournait encore lentement sur elle-même.
Là, il avait eu peur. Sentir sa communauté plongéedans le silence et l’expectative lui retournait l’estomac. Ilavait tremblé.
Mais ce n’était rien. Quelques minutes plus tard, leshaut-parleurs avaient recommencé à grésiller et la voix avait expliqué, sur un ton rassurant et moins pressant cettefois, qu’un pilote-en-formation avait mal lu ses instructions de vol et avait opéré un virage au mauvais moment.Le pilote avait ensuite désespérément essayé de fairedemi-tour avant qu’on ne remarque son erreur.
« IL VA SANS DIRE QU’IL SERA ÉLARGI », avait ditla voix, suivie d’un silence. Il y avait quelque chose d’ironique dans l’intonation de ce dernier message, comme sil’annonceur trouvait cela amusant ; et Jonas avait esquisséun sourire, bien qu’il sût de quoi il s’agissait. Pour uncitoyen, être élargi par la communauté constituait unedécision définitive, une punition terrible, un constatd’échec insurmontable.
Même les enfants étaient grondés s’ils utilisaient ceterme à la légère pour se moquer d’un camarade qui avaitraté la balle ou qui s’était emmêlé les pinceaux en courant. Jonas l’avait fait une fois. Il avait crié à son meilleurami : « Ça y est, Asher, tu es élargi ! » un jour où une maladresse de ce dernier avait fait perdre un match à leuréquipe. Jonas avait été pris à part par l’entraîneur pour unentretien court mais sérieux, avait baissé la tête de honte etd’embarras et s’était excusé auprès d’Asher à la fin du jeu.
Maintenant, repensant au sentiment de peur tandisqu’il pédalait sur le chemin qui longeait la rivière pourrentrer chez lui, il revoyait cet instant où la frayeur, palpable, lui avait fait comme un trou dans l’estomac quandl’avion avait strié le ciel au-dessus de sa tête. Ce n’étaitpas ce qu’il ressentait à présent à l’approche du mois de décembre. Il se mit en quête du mot exact pour décrirece qu’il ressentait.
Jonas faisait attention aux mots qu’il utilisait. Pascomme son ami Asher, qui parlait trop vite et embrouillaittout, mélangeant les mots et les expressions jusqu’à cequ’elles deviennent à peine reconnaissables et souvent trèsdrôles.
Jonas sourit en se rappelant le jour où Asher étaitarrivé en classe hors d’haleine, en retard comme d’habitude, au beau milieu du chant du matin. Quand la classes’assit à la fin de l’hymne patriotique, Asher resta deboutpour présenter des excuses publiques comme il était derigueur.
– Je demande pardon à ma communauté d’études del’avoir dérangée.
Asher débita à toute vitesse l’expression consacrée,cherchant toujours à reprendre son souffle. L’instructeuret toute la classe attendaient patiemment qu’il fournisseune explication. Les élèves souriaient déjà car ils avaiententendu ses explications si souvent !
– Je suis parti de chez moi à l’heure correcte, maisen passant près du vivier j’ai vu une équipe qui séparaitdes saumons. Je pense que je me suis laissé abstraire. Jedemande pardon à mes camarades de classe, conclut Asher.
Il lissa sa tunique froissée et s’assit.
– Nous acceptons tes excuses, Asher.
La classe récita d’une seule voix la réponse consacrée.Plusieurs élèves se mordaient les lèvres pour ne pas rire.
– J’accepte tes excuses, Asher, dit l’instructeur.
Il souriait.
– Et je te remercie car une fois de plus tu nous fournis l’occasion de faire un petit point de vocabulaire. « Abstraire » est un mot trop fort pour décrire la contemplationde saumons.
Il se retourna et écrivit « abstraire » sur le tableau d’instruction. À côté il écrivit « distraire ».
Jonas, qui était presque arrivé chez lui, sourit enrepensant à la scène. Réfléchissant toujours, tandis qu’ilgarait sa bicyclette à l’emplacement qui lui était réservéprès de la porte d’entrée, il décida que « peur » n’étaitvraiment pas le bon mot pour décrire ce qu’il ressentaitmaintenant que décembre était presque là. C’était un mottrop fort.
Il avait attendu longtemps ce mois de décembreexceptionnel. Maintenant qu’il était tout proche, il n’avaitpas peur, mais… il avait hâte. Voilà, il avait hâte que celaarrive. Et il était excité, bien sûr. Tous les onze-ans étaientexcités à la perspective de cet événement qui arrivait àgrands pas.
Pourtant il sentait en lui comme une vague angoissequand il y pensait, quand il cherchait à imaginer ce quiallait se passer.
De l’appréhension , décida Jonas. Voilà ce que je ressens.
 
– Qui veut passer en premier ce soir ? demanda lepère de Jonas à la fin du repas.
Parler le soir des émotions qu’on avait ressenties aucours de la journée constituait un des rituels. Parfois,Jonas et sa sœur Lily se chamaillaient pour passer en premier. Leurs parents aussi, bien sûr, suivaient ce rituel eteux aussi chaque soir décrivaient ce qu’ils avaient ressenti.Mais comme tous les parents – comme tous les adultes –ils ne se chamaillaient jamais pour passer en premier.
Ce soir, Jonas non plus n’avait pas envie de se chamailler. Ses sentiments étaient trop compliqués. Il souhaitaitles partager mais il n’était pas pressé de commencer à trierparmi les émotions complexes qui l’habitaient, mêmeavec l’aide que ses parents pouvaient lui apporter.
– Vas-y Lily, dit-il en voyant sa sœur, qui était beaucoup plus jeune que lui, une sept-ans seulement, s’agitersur sa chaise avec impatience.
– J’ai été très en colère aujourd’hui, annonça Lily. Onétait au terrain de jeu avec mon groupe d’âge du Centredes enfants, et on a reçu la visite d’un groupe de sept-ans,et ils ne respectaient pas du tout les règles. Il y en avaitun – un individu masculin, je ne connais pas son nom –qui doublait toujours tout le monde dans la queue dutoboggan, alors qu’on était tous en train d’attendre. J’étaistrès fâchée contre lui. J’ai serré mon poing, comme ça.
Elle brandit son poing et le reste de la famille souritdevant ce petit geste de défi.
– Pourquoi est-ce que les visiteurs ne respectaient pasl

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