Léonardo les pieds dans l eau
29 pages
Français

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Léonardo les pieds dans l'eau , livre ebook

29 pages
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Description

Il est suisse. Il s'appelle Léonardo. Il a un chien qui s'appelle Bichette, un camping-car qui s'appelle Bichette et il avait une femme qui s'appelait Bichette. Il est très déprimé, très déprimant, et surtout, il est poursuivi par une malchance phénoménale. Les accidents les plus invraisemblables fondent sur lui comme une nuée de mouettes sur un reste d'anchois. Grâce à lui, Martin et ses parents vont passer des vacances inoubliables. Tout commence un beau jour d'été, sur le bateau qui relie Marseille à Calvi.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 décembre 2015
Nombre de lectures 25
EAN13 9782211226462
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0016€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le livre
Il est suisse. Il s’appelle Léonardo. Il a un chien qui s’appelle Bichette, un camping-car qui s’appelle Bichette etil avait une femme qui s’appelait Bichette. Il est très déprimé, très déprimant, et surtout, il est poursuivi par unemalchance phénoménale. Les accidents les plus invraisemblables fondent sur lui comme une nuée de mouettes surun reste d’anchois.
Grâce à lui, Martin et ses parents vont passer des vacances inoubliables. Tout commence un beau jour d’été,sur le bateau qui relie Marseille à Calvi.
 

L’auteure
Après des études de lettres de langues, Marie-Hélène Sabard traduit de nombreux ouvrages de l’allemand et de l’américain.
Femme de plume aux multiples talents, elle travailledans l’édition où ses compétences linguistiques et rédactionnelles trouvent une grande variété d’emplois.
 

Marie-Hélène Sabard
 
 

Léonardo
les pieds dans l’eau
 
 

Neuf
l’école des loisirs
11, rue de Sèvres, Paris 6 e
I
 
I ls ont longtemps hésité, et puis ils ontdécidé que ce serait la Corse.
D’habitude, l’Italie passait très bienla sélection de mai, mais cette année,elle a été recalée pour cause de régime.Parce que, quand on revient d’Italie,immanquablement Maman a pris quatrekilos. Elle nous en parle avant, pendant,et surtout beaucoup après. Et après,c’est régime clinique – bouillon-jambon-œuf dur – pour tout le mondependant trois mois.
Et puis il faut bien dire que l’Italie,tous les étés, on en a fait une lettre : il ya eu l’été Pompéi-Padoue, et puis l’étéRome-Rimini, et puis l’été Viareggio-Vérone-Venise. Il ne reste plus queTurin pour boucler les T. Et Turin n’al’air d’emballer personne.
Si on va en Italie comme ça, tout letemps, c’est parce que Maman n’a paseu de voyage de noces et que, pour elle,le voyage de noces, c’est l’Italie ou rien.
Moi, j’aime bien l’Italie, à cause despâtes et des pizzas, bien sûr, mais aussi àcause des musées : ils ouvrent rarementle jour où on veut les visiter, ou alorsjusqu’à midi, pas plus tard ; or midi,c’est pile l’heure où Maman commenceà maquiller le deuxième œil. Et l’après-midi, couvre-feu : les musées sont fer més. Donc, côté culture, contrairementà ce qu’on pourrait croire, l’Italie estfinalement un pays plutôt tranquille.
Pour remplacer l’Italie, Papa essaiede suggérer la Bretagne, mais Maman ahorreur des bottes en caoutchouc, desépuisettes et des chapeaux en toilecirée. Et puis, ajoute-t-elle, la pluieaurait un effet désastreux sur sa permanente – on voit bien que Papa neconnaît pas le prix du coiffeur. EtWilly ? (Willy, c’est le chien.) Papa y apensé à Willy ? Il a des rhumatismes,Willy, et il serait aussi malheureux enBretagne qu’une mise en plis sous labruine. Tandis que si on allait enCorse...
– En quoi ?
Papa vient de s’extraire brusque ment de la page économie du Figaro. J’ai l’impression que Maman a dû direune énormité, un peu comme quandj’essaie de nouveaux gros mots pourvoir s’ils font vraiment de l’effet.
– En Corse, répète Maman avecassurance.
– Ce pays de sauvages ?
– Oh ! je vois bien à quoi tupenses ! Les cagoules, les attentats, lacancoillotte, tout ça...
– Cuncolta, rectifie Papa. La Cuncolta, pas la cancoillotte.
Je lis dans ses yeux une crainte terrible : il voit déjà Maman en traind’aborder un Corse pour lui parler dela redoutable Cancoillotte, et il se ditqu’il n’a pas fini, soit de passer pourun imbécile, soit de payer la rançon.
Pour ma part, et bien qu’on ne medemande jamais mon avis, je ne voispas pourquoi il y aurait soudain debonnes et de mauvaises cagoules : onm’a encore obligé à en porter unetout l’hiver, sous prétexte que j’étaistoujours en sixième, comme si redoubler sa sixième obligeait aussi à redoubler la cagoule qui va avec. J’endéduis que la Corse est un pays deredoublants.
De toute façon, moi je m’en fiche,Corse, Italie ou Pas-de-Calais, je suispuni. Interdiction d’emmener uncopain en vacances cette année, parceque le passage en cinquième, une foisde plus, c’était pas gagné. Je suis passé,certes, mais ric-rac : Maman a dû merepêcher auprès de chaque prof avec des arguments très émouvants, sinon jerempilais pour une troisième sixième etun nouvel hiver avec cagoule. Enfin, sije m’ennuie en Corse, je pourrai toujours colorier la carte des attentats de lanuit dans le journal local.
Papa doit se dire la même chose, caril n’a pas l’air chaud du tout pour laCorse. Il se lève de son fauteuil et vachercher la carte de France dans letiroir de la commode du salon – lacommode qui est sous le vase très trèsfragile –, et là tout y passe :
– Romorantin-Lanthenay, il paraîtqu’on mange bien à Romorantin-Lanthenay, hasarde-t-il bêtement (parceque si c’est pour retrouver l’œuf dur auretour, autant aller en Italie), avantd’enchaîner tout de suite sur les hau teurs : Et la Savoie, c’est beau, laSavoie ! l’herbe, les vaches, le grand air,le bruit des cloches, l’écho...
– Les bouses, complète Maman quivient d’acheter son quarante-deuxièmeravissant tailleur rose et qui n’a pasenvie de l’étrenner parmi les ruminants.Et puis tous les ans la montagne tue,assène-t-elle sur un ton définitif.
Je tenterais bien une ou deux suggestions, mais question géographie, jene suis pas très au point. Jusqu’au trimestre dernier, je croyais dur commefer que la Suisse était une île. Moi, montruc, c’est tout sauf l’histoire-géo, lesmaths, la grammaire, la dictée, les travaux manuels et le dessin. Il restequand même la gymnastique, la piscine,le saut en hauteur et la corde à nœuds... Mais, croyez-moi, être excellent en corde à nœuds, ça ne suffit paspour faire autorité.
Papa qui, lui, est bon en géo et quia la carte sous les yeux, fait une ultimetentative du côté du Périgord, mais ilapprend que Mme Clément en revientet qu’elle a trouvé ça très décevant. Etcomme il est très occupé, qu’il a encoreles cours de la Bourse à éplucher, unmatch de tennis à regarder à la télé, etque, de toute façon, c’est toujoursMaman qui a le dernier mot, ce sera laCorse.
Fin du suspens.
II
 
I l fait chaud. Très chaud.
Les voitures attendent, rangées surle quai. Des centaines de voitures qui sepressent, tôle contre tôle, pour pénétrerdans un bateau invisible. On n’a jamaisvu un port avec si peu de bateaux.
– Martin, fais taire le chien...
Dans la voiture, je suis toujours préposé à l’entretien du chien : « Martin,donne de l’eau au chien... Martin, faistaire le chien... Martin, empêche lechien de baver sur les fauteuils... » Unvrai plein-temps. Enfin, je ne peux pas me plaindre, encore heureux qu’il est làle chien, sinon je me demande bienavec qui je m’amuserais. Cela dit, lechien n’est pas toujours un joyeuxdrille. Il a, comme tout le monde, descôtés très mélancoliques.
Entre deux réflexions sur la psychologie du chien, je me dis qu’on auraitpu prendre l’avion, mais Papa tientautant à sa voiture que Maman à samise en plis. Sur ce point-là, il n’a pascédé. On a beaucoup roulé, et on est làdepuis six heures et demie du matin. Ilest bientôt neuf heures.
Un employé de la compagnie desbateaux déambule lentement entre lesvoitures pour réclamer les billets.
Quand il se trouve à notre niveau,Papa lui demande un billet pour Willy. Raté, les billets de chien, c’est là-bas,de l’autre côté de la marée des voitures.Loin. Très loin. Et de toute façon, lesguichets sont fermés. Papa abandonnela question du chien et demande quandarrive le bateau :
– Ehhhhh, le bateau il arrive quandil siffle, lui répond l’homme avec undrôle d’accent, avant de s’éloigner d’unpas traînant.
Cette fois, Papa bouillonne. D’abord,il a horreur d’être hors la loi, et s’il n’apas son billet de chien, il est hors la loi.Papa est tout à fait du genre à faire demi-tour sur la route pour rendre cinquantecentimes à un pompiste qui ne les lui apas demandés. En plus il a faim.
Les autres, dans les autres voitures, ilsdevaient savoir, avoir l’

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