La terre de l impiété
65 pages
Français

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Description

Rachel est en route, sac au dos. Elle est petite, seule, mais elle a confiance, marchant vers le sommet de la montagne, là où l’ont appelée les signes et les apparitions qu’elle nomme ses « Magies », rares mais inoubliables : des fleurs en lévitation, des myriades d’oiseaux silencieux, un chevalier surgi du passé. Aujourd’hui, elle veut redoubler d’efforts, par gratitude, par curiosité. Jusqu’à présent, Rachel n’a croisé sur sa route que des adultes obtus, un monde malade, obsédé par l’argent et les fausses valeurs. Il y a pourtant quelqu’un qui pourrait la comprendre, mais elle ne le connaît pas. C’est Abdelhamid, un vieil Algérien, un ancien harki. Il a tout perdu : sa famille, massacrée ; ses illusions, piétinées. Toute foi l’a quitté, il y a cinquante ans. Il lui semble depuis vivre sur la Terre de l’Impiété. Abdelhamid passe des journées mutiques en compagnie de son seul ami, son ancien lieutenant. Il observe la montagne à la jumelle. L’homme et l’enfant, sans le savoir, ont rendez-vous.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 décembre 2015
Nombre de lectures 10
EAN13 9782211226967
Langue Français

Extrait

Le livre
Rachel est en route, sac au dos. Elle est petite, seule, maiselle a confiance, marchant vers le sommet de la montagne,là où l’ont appelée les signes et les apparitions qu’ellenomme ses « Magies », rares mais inoubliables : des fleursen lévitation, des myriades d’oiseaux silencieux, un chevalier surgi du passé. Aujourd’hui, elle veut redoublerd’efforts, par gratitude, par curiosité. Jusqu’à présent,Rachel n’a croisé sur sa route que des adultes obtus, unmonde malade, obsédé par l’argent et les fausses valeurs.
Il y a pourtant quelqu’un qui pourrait la comprendre,mais elle ne le connaît pas. C’est Abdelhamid, un vieilAlgérien, un ancien harki. Il a tout perdu : sa famille, massacrée ; ses illusions, piétinées. Toute foi l’a quitté, il y acinquante ans. Il lui semble depuis vivre sur la Terre del’Impiété. Abdelhamid passe des journées mutiques encompagnie de son seul ami, son ancien lieutenant. Ilobserve la montagne à la jumelle.
L’homme et l’enfant, sans le savoir, ont rendez-vous.
 
« L’histoire de ces êtres que les autres condamnent àla solitude et au silence est menée dans une superbeécriture poétique qui va droit à l’essentiel. La quêtede l’enfant est un pendant au désespoir silencieuxdes hommes. »
nvl-cralej.fr
 
Prix « Le livre élu en Livradois-Forez »
 

L’auteur
Jean-François Chabas est né en région parisienne en 1967et vit aujourd’hui en Provence. Il a exercé plusieursmétiers avant de se consacrer exclusivement à l’écriture.
Depuis Une moitié de wasicun paru en 1995 chezCasterman, il a écrit plus de soixante livres chez différents éditeurs dont une trentaine à l’école des loisirs .
Nombre d’entre eux ont remporté des prix.
Outre ses romans pour la jeunesse, il a égalementsigné des albums avec Hervé Blondon, David Sala,Joanna Concejo chez Casterman et publié, pour lesadultes, Les Violettes et Les Ivresses chez Calmann-Lévy.
Plusieurs de ses livres figurent sur les listes de titresrecommandés par l’Éducation nationale.
 
Pour aller plus loin avec ce livre.
 

Jean-François Chabas
 
 

La Terre de l’Impiété
 
 

Médium
l’école des loisirs
11, rue de Sèvres, Paris 6 e
Avertissement
 
La guerre d’Algérie a laissé derrière elle de nombreusesblessures morales, qui sont loin d’être refermées. C’est unsujet délicat, assez largement abordé dans ce roman. Monpropos est ici de défendre la mémoire des harkis, et plus précisément de décrire à la jeune génération la trahison dont ontété victimes ceux qui s’étaient mis au service de la France.
Je serais très heureux que mes lecteurs viennent à s’yintéresser. Cependant je leur recommande la plus grandeprudence s’ils décident de se documenter en profondeur. Toutce qui touche à la guerre d’Algérie est entaché d’idéologie,parfois extrême. Si vous errez sur le Net afin de complétervos connaissances, méfiez-vous de ce que vous y trouverez.Sans doute serait-il sage de prendre conseil auprès de professeurs d’histoire, de documentalistes et de bibliothécaires.Je sais aussi que beaucoup d’entre vous ont des grands-parents ayant participé à la guerre d’Algérie, de manièredirecte ou indirecte. Interrogez-les.
Dans l’idée de faciliter la lecture de ce roman, je vousdonne de succinctes explications pour quelques mots-clés.Ce sera forcément lapidaire. Les événements de cette époquesont d’une grande complexité, et je ne voudrais pas transformer ce qui n’est qu’un roman en manuel d’histoire.
 
OAS : Organisation armée secrète. Créée en 1961, cetteorganisation avait pour but de maintenir une Algériefrançaise. Ses membres ont assassiné, en Algérie et enmétropole, des milliers de personnes. L’OAS a essayé, à detrès nombreuses reprises, et sans jamais y parvenir, de tuerle général de Gaulle.
 
FLN : Front de libération nationale, créé en 1954 afin delutter contre l’occupation française en Algérie. Des actesde guerre ont été ainsi menés contre l’armée ; égalementde nombreux attentats contre la population civile. Desmembres du FLN ont joué un rôle politique de premierplan lors de l’indépendance du pays et longtemps aprèscelle-ci.
 
17 octobre 1961 : vingt-cinq mille Algériens manifestentpacifiquement à Paris pour réclamer l’indépendance. Lapolice charge. Une véritable chasse à l’homme se livredans les rues de la capitale. Les historiens s’accordent surun chiffre d’à peu près deux cents morts – compte impos sible à vérifier exactement, de nombreux corps ayant étéjetés dans la Seine.
 
Fusillade de la rue d’Ysly, 26 mars 1962. Des partisansde l’OAS protestent contre le bouclage de Bab-el-Oued.La troupe française panique et ouvre le feu sur la fouledésarmée, tuant cinquante personnes, en blessant plus dedeux cents.
 

Aux abandonnés
1
 
Cette petite fille était habituée à la marche. Laconstance de son pas trahissait une longue pratique,la patience acquise des montagnards, et Abdelhamiden fut étonné parce qu’il était rare d’observer unetelle allure chez une enfant si jeune, d’autant qu’elleportait un très gros sac à dos qui semblait plusénorme encore, par contraste, avec son corps frêle.Ses cheveux clairs étaient courts, et se dressaient sursa tête en un tel désordre qu’on eût juré qu’ilsavaient été coupés au petit bonheur, par un blagueurou un tâcheron sans âme. « Sans âme », pensa Abdelhamid en posant sur son genou la puissante paire dejumelles Swarovski.
Il estima que la petite fille se trouvait à quatrecents mètres de lui, à vol d’oiseau. Il reprit lesjumelles pour balayer le terrain au-dessus, en dessous,et sur les côtés de la marcheuse, mais elle était bienseule. Il n’en fut pas surpris ; le langage physique de l’enfant l’avait déjà renseigné sur ce point. Le corpsparle, et celui-ci proclamait qu’il avançait sans compagnie. C’était apeurant tout de même. Tout étaitobjet d’effroi pour Abdelhamid, le vol inhabituellement agité d’un rapace, le passage trop rapide desnuages dans le ciel, ou leur stagnation, le bruissementsoudain des épicéas agités par une rafale, le vif éclatdes feuilles de tremble à l’automne, qui renvoyaientà l’œil le scintillement des pièces d’un étrange trésoraérien, les traces, élargies par leur fonte, d’un sanglierdans une neige de printemps, les piaillements affolésdes chouettes à la nuit, les changements de température si fréquents en montagne et qui provoquaientle claquement des tôles du toit du chalet.
Oui, tout faisait ventre, quand il s’agissait del’effroi. Abdelhamid se rappela l’époque où il n’avaitjamais peur, et, constatant qu’un demi-siècle avaitpassé, il maudit la bêtise du jeune homme qu’il avaitété, mais également sa poltronnerie de vieillard.
À n’en pas douter, cette petite fille aux cheveuxhirsutes, dont le sac à dos devait peser les deux tiersde son poids, avait l’aspect d’un ennemi cruel. Ilémit le bourdonnement sourd qu’il réservait auxmoments où il éprouvait, pour lui-même, le méprisle plus aigu, puis il remit les jumelles dans sa poche et se redressa. Il brossa, pour le débarrasser desaiguilles de sapin, le genou qu’il avait mis à terre, cracha dans sa main afin de faire sécher le peu de résinequi s’y était collée. Puis il s’en alla. Allait-il prévenirle lieutenant ?
2
 
Rachel avait réussi à caler le sac contre le haut de sesfesses, pour soulager un peu ses épaules. Avec unecharge aussi lourde, il fallait régler les bretelles et laceinture sans faire d’erreur si on ne voulait pas seblesser. Et ce réglage se modifiait en fonction del’épaisseur des vêtements qu’on portait, du poids dece que contenait le sac. De la manière, même, dontce poids était réparti. Rachel était perfectionniste.Aussi, depuis qu’elle s’était coupé les cheveux, évitait-elle de trop se regarder dans le petit miroir depoche qu’elle avait emporté. Elle avait voulu modifier son apparence, et c’était de ce point de vue réussi.Évanouies, les anglaises langoureuses qui avaient cascadé le long de son visage mince. Mais quelle tête,désormais !
Elle pouffa, et, à cause de l’effort de la marche etparce qu’elle était enrhumée, cela fit jaillir un peu demorve de ses narines.
La petite fille s’arrêta, sortit un Kleenex de saparka, et se nettoya soigneusement le nez, puis semoucha, et se nettoya à nouveau, mais elle se reprità rire, et tout fut à recommencer.
 
Q

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