Le jardin d amour amer
54 pages
Français

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Description

Après dix ans de soins et d’efforts, le splendide « jardin d’amour » à l’italienne de la comtesse de Bertrange va enfin être inauguré avec faste, par une grande fête masquée. Invitée avec sa famille roturière et protestante, leur voisine, Béatrice Ménétreux, espère y rencontrer le mystérieux soupirant qui vient de lui faire porter un message. Qui est-il ? Hugues, le fils des Bertrange, son ancien compagnon de jeux ? Son regard noir l’enivre et la trouble autant que les plantes rares aux parfums capiteux. Mais en cette fin de XVIe siècle, si les fleurs exotiques commencent tout juste à pousser dans la terre de Bourgogne, la haine, elle, est bien enracinée dans le coeur des hommes et les guerres de religion qui couvent vont bientôt ravager les campagnes, les vignes et les villes. Sauf si quelques jeunes gens inspirés par la paix des jardins veulent bien rendre tout son sens au beau mot de « Renaissance ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 décembre 2015
Nombre de lectures 5
EAN13 9782211218238
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0016€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le livre
Après dix ans de soins et d’efforts, le splendide « jardind’amour » à l’italienne de la comtesse de Bertrange va enfinêtre inauguré avec faste, par une grande fête masquée.
Invitée avec sa famille roturière et protestante, leurvoisine, Béatrice Ménétreux, espère y rencontrer le mystérieux soupirant qui vient de lui faire porter un message.Qui est-il ? Hugues, le fils des Bertrange, son ancien compagnon de jeux ? Son regard noir l’enivre et la troubleautant que les plantes rares aux parfums capiteux.
Mais en cette fin de XVI e siècle, si les fleurs exotiques commencent tout juste à pousser dans la terre de Bourgogne,la haine, elle, est bien enracinée dans le cœur des hommeset les guerres de religion qui couvent vont bientôt ravagerles campagnes, les vignes et les villes. Sauf si quelquesjeunes gens inspirés par la paix des jardins veulent bienrendre tout son sens au beau mot de « Renaissance ».
 

L’auteure
Élisabeth Motsch est née à Paris en 1949. Issue d’une famillenombreuse, elle est élevée de manière stricte. En cachette,elle écrit des petites histoires où elle s’imagine en orphelinefaisant le bien autour d’elle. Après avoir intégré l’école normale d’institutrices à Paris, elle suit des études d’anglais, depsychologie et d’histoire de l’art à l’université de Nanterre.Elle crée une librairie féministe dans les années 1970 etun lycée public autogéré dans les années 1980, avant de seconsacrer entièrement à l’écriture et à la traduction.
 

Élisabeth Motsch
 
 

Le jardin

d’amour amer
 
 

Médium
l’école des loisirs
11, rue de Sèvres, Paris 6 e
 

À Florence, Anne et Christian.
 
À vous, troupe légère,
Qui d’aile passagère
Par le monde volez,
Et d’un sifflant murmure
L’ombrageuse verdure
Doucement ébranlez.
 
  Joachim Du Bellay
1
 
La rose rouge
 
De sa fenêtre elle le guette. Et le voilà qui arrive,avec son justaucorps jaune et noir, rayé commeune guêpe, sa caisse de trésors pendue au cou.Béatrice descend les escaliers à toute vitesse. Elleadore fouiller dans la boîte du colporteur. Il atoujours des nouveautés : images pieuses, romansde chevalerie, contes, almanachs, farces, mais cequ’elle veut surtout, ce sont les nouvelles chansons. Il les lui montre avec un grand sourire, elleattrape les feuilles au vol, cherche des pièces danssa robe et sent que le garçon lui presse la main,puis y glisse une feuille pliée. Du regard elle lequestionne. Il dit : « Chut ! » du bout des lèvres,prend l’argent, lui fait un clin d’œil et part.
Aussi vite qu’elle est descendue, la voilà quifile vers les hauteurs, impatiente de découvrirles chansons à la mode et brûlant de déplier lafeuille. Le colporteur a l’art d’entretenir les mystères et les modes entre jeunes gens de la région.Elle tend l’oreille pour s’assurer que personnen’approche, se jette sur son lit, déplie la feuille,reste bouche bée.
Il n’y a qu’un dessin, ou plutôt deux dessins :une rose délicatement tracée et colorée de rougeet, au premier plan, un masque de carnaval toutsimple, passé au gris ardoise. La rose rouge, sedit-elle, c’est le signe de l’amour. Mais le masque ?Que signifie-t-il ? Elle remarque que la rose setrouve en fait derrière le masque. Le sens seraitdonc : Amour derrière le masque , ou bien : Amourmasqué . Qui lui envoie ce message ? Est-ce bienpour elle ? Le geste décidé du colporteur nelaissait aucun doute. Et si c’était une plaisanterie ? Son cœur bat trop vite. D’un œil presquedistrait, elle parcourt la musique et les parolesdes chansons, n’arrive pas à s’y intéresser, revientsans cesse vers le dessin, le fixe sans comprendre.
Dans son coffre, entre deux vêtements, ellecache le tout, puis descend, toujours en hâte, àla cuisine.
 
– Ces machines modernes encombrent et nefonctionnent jamais ! peste la cuisinière devant letournebroche que Ghislain s’applique à remettreen marche.
– Laisse-moi un peu tranquille ! soupire lejeune homme. (Il soulève délicatement la chaînequi s’est coincée dans la poulie, puis donne unfort coup de manivelle qui actionne plusieursarbres à la fois.) Maintenant je me sauve ! Jommeli m’attend ! dit-il en embrassant bruyammentla cuisinière sur la joue.
– Jommeli m’attend ! Ah ! Tu en es fier deton architecte-jardinier ! (Et comme Ghislain s’enva déjà, elle ronchonne.) Il n’en a que pour cejardin ! Mais qu’est-ce qu’ils ont avec cette folie ?!
D’une grosse miche de pain, Béatrice arracheun morceau encore tiède qu’elle avale sans queMarthe la voit. Puis elle décroche du mur undes couteaux tranchants. Un lièvre au vin blanc est prévu pour le soir. La cuisinière en est déjàà hacher des oignons. Et elle bavarde, sans sesoucier d’obtenir des réponses.
Au milieu d’une phrase, elle se lève, pourservir son maître. Bénigne Ménétreux a l’habitudede prendre une collation vers les dix heures. Toutest prêt pour lui.
– Je voudrais t’entretenir, ma fille, dit-il àBéatrice d’un ton un peu cérémonieux qui nelui est pas habituel. Aussitôt elle songe à sonsecret. Son père aurait-il deviné qu’elle cachaitun message anonyme ? A-t-il quelque chose à luidire en rapport avec la fleur masquée ?
Je n’ai rien fait de mal, se dit-elle en le suivantdans le grand escalier. Ou pas grand-chose. Justeune petite cachotterie. Mais elle n’arrive pas àse convaincre elle-même. Et son père est parfoisd’une intuition étonnante, qui la fait craindre dedevoir tout avouer.
 
Le cabinet de travail est une petite piècesombre aux murs tapissés de boiseries. Près dela fenêtre, posé sur un lutrin, un grand livre est ouvert, qui fait état des dernières découvertes surla géographie du monde. On y voit que la plupartdes terres ont été explorées, du moins leurs côtesmaritimes. Il reste des zones d’ombre aux deuxhémisphères et à l’endroit des mers. Bénigne al’idée d’un commerce audacieux avec l’Asie etl’Amérique : il échangerait des plants de vignecontre des parfums rares.
– Nous sommes invités par nos voisins, lecomte et la comtesse de Bertrange, à fêter l’étédans leur « jardin d’amour », dit-il, d’un ton légèrement moqueur. C’est ainsi qu’ils l’appellent…J’ai toujours vu qu’en Bourgogne les fêtes setenaient dans les maisons ou les châteaux, maislà, non, ce sera dehors. Sans doute une nouvellemode qui vient d’Italie. Pourquoi pas ? Leur jardin a l’air fort original, quoi qu’il en soit.
– Nous sommes tous invités ?
– Oui. Et de préférence costumés et masqués.
– Masqués…
– Masqués, oui. Cela te paraît étrange ? »
Béatrice ne répond pas. Le dessin du masquegris s’impose à son esprit. Elle n’arrive plus à écouter son père qui lui explique, satisfait, quecette invitation est la preuve de leur admission,lente mais certaine, dans le monde de l’aristocratie. Il est vrai que la banque de la familleMénétreux a accordé au comte, il y a peu, unprêt d’importance…
La seule chose qui intéresse Béatrice, cependant, c’est de savoir qui sera à cette fête, oùelle découvrira sûrement l’auteur du messageamoureux.
– Connaissez-vous les autres invités ? demande-t-elle.
– Les nobles des différents châteaux, j’imagine, mais je suis sûr qu’il y aura aussi des négociants et des notables de Beaune ou de Dijon,des gens comme nous, qui n’avons pas de titre,mais faisons marcher les affaires…
– Qui, par exemple ? Pensez-vous à des personnes que je connaisse ? Que j’aurais rencontréesà la banque ? Ou des jeunes gens présents auxventes de vins que vous dirigez ?
– C’est possible.
– Vous n’en savez pas plus ? Peut-être yaura-t-il des familles que nous avons rencontréesà la Saint-Jean ou à la Saint-Vincent ? Qu’endites-vous ?
– Ce que j’en dis, c’est que tu sembles bienimpati

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