Ambassadeur de Sparte à Byzance
52 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Ambassadeur de Sparte à Byzance , livre ebook

-

52 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Cela fait cinq ans que Marianne, l'héroïne de Quand je pense à la Résistance, sait qu'elle veut devenir juge pour enfants. Elle vient d'entrer en faculté de droit, où elle n'a pas encore réussi à se faire d'amis, parce qu'elle travaille sans cesse et de toute façon n'ose parler à personne.
Lorsqu'elle rentre chez ses parents pour les vacances de Noël, elle trouve dans sa chambre un article de journal que son père a découpé. Il y est question d'un jeune juge, Jacques Bidalou, qui est sur le point d'être dessaisi d'une affaire dans laquelle il lutte pour que des travailleurs immigrés expulsés en plein hiver, puissent réintégrer leurs logements. Marianne s'émeut, s'enthousiasme et écrit au juge. Contrairement à ce qu'elle pense, elle est la seule à lui avoir témoigné son admiration et proposé son aide et, à son grand étonnement, il lui répond et lui donne même rendez-vous à Paris.
C'est le début d'une aventure qui n'a guère de points communs avec le droit tel que Marianne l'apprend dans les salles de cours, et qui va affermir sa vocation en lui donnant toutefois un aspect inattendu.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 décembre 2015
Nombre de lectures 16
EAN13 9782211226783
Langue Français

Extrait

Le livre
Cela fait cinq ans que Marianne, l’héroïne de Quand jepense à la Résistance , sait qu’elle veut devenir juge pour enfants. Elle vient d’entrer en faculté de droit, où elle n’a pasencore réussi à se faire d’amis, parce qu’elle travaille sanscesse et de toute façon n’ose parler à personne.
Lorsqu’elle rentre chez ses parents pour les vacances deNoël, elle trouve dans sa chambre un article de journalque son père a découpé. Il y est question d’un jeune juge,Jacques Bidalou, qui est sur le point d’être dessaisi d’uneaffaire dans laquelle il lutte pour que des travailleurs immigrés expulsés en plein hiver, puissent réintégrer leurs logements. Marianne s’émeut, s’enthousiasme et écrit au juge.Contrairement à ce qu’elle pense, elle est la seule à luiavoir témoigné son admiration et proposé son aide et, àson grand étonnement, il lui répond et lui donne mêmerendez-vous à Paris.
C’est le début d’une aventure qui n’a guère de pointscommuns avec le droit tel que Marianne l’apprend dansles salles de cours, et qui va affermir sa vocation en luidonnant toutefois un aspect inattendu.
 

L’auteure
Après avoir voulu être juge, Sophie Chérer est devenuejournaliste et écrivain. Elle écrit des romans, des articles,des nouvelles, rédige des quatrièmes de couverture, élèvesa fille et cultive son jardin. Pourtant, la question de l’injustice reste au cœur de ses préoccupations, que ce soitdans ce roman ou dans L’huile d’olive ne meurt jamais .
 

Sophie Chérer
 
 

Ambassadeur
 

de Sparte à Byzance
 
 

Médium
l’école des loisirs
11, rue de Sèvres, Paris 6 e
 

À Marie-Paule
et aux Valéries
 
U n jour, un livre avait changé la vie deMarianne.
C’était un livre qui ne payait pas de mine,un livre de poche acheté cinq francs quatre-vingt-dix, un vingt et un novembre mille neufcent soixante-quatorze, l’année de ses treizeans. Le livre s’appelait Chiens perdus sans collier, c’était l’histoire d’un juge pour enfants qui nejuge pas les enfants mais qui les sauve. La couverture était moche. On y voyait dessinés JeanGabin en vieux ronchon, au premier plan,parce que c’était lui qui avait incarné le hérosau cinéma, et deux garçons derrière lui, quiprenaient un air bravache. Marianne l’avait lud’une traite, calée dans un fauteuil au coin dufeu, une après-midi humide où elle était seule à la maison. Et elle avait avalé les derniers motsde la dernière page comme le premier verred’un condamné :
« En ce moment même, peut-être, à cause demon désespoir à moi, un appel mystérieux serre lecœur d’un jeune homme : sauver des gosses, réparerl’injustice, préparer un monde vivable... Une blessure inguérissable, une vocation, en ce momentmême, peut-être...  »
Marianne n’avait pas eu besoin de les relirepour savoir qu’ils allaient désormais lui servirde devise secrète.
L’écrivain s’appelait Gilbert Cesbron. Saphoto était reproduite au dos du volume. Ilavait comme Jean Gabin des cheveux gris, dessourcils froncés, la mâchoire serrée par unedétermination implacable. Il regardait loindevant lui, l’œil sombre et le front lumineux.Il vivait encore, à l’époque. Il avait soixante etun ans et Marianne avait failli lui écrire unelettre :
«  Cher Monsieur, je vous remercie pour votrebeau livre Chiens perdus sans collier. » Non.«  Cher Monsieur Cesbron, grâce à votre roman Chiens perdus sans collier, je viens de me découvrir une vocation. » Non. «  Cher Gilbert, je n’aique treize ans mais moi aussi je rêve de sauver desgosses, de réparer l’injustice et de préparer un mondevivable.  » Non. « Monsieur ». Non.
Je ne sais même pas comment l’appeler,s’était dit Marianne, alors les phrases qui suivent !
Et Gilbert Cesbron avait toujours ignoréqu’à ce moment, par ailleurs sinistre, pluvieuxet solitaire, à cause du désespoir de son personnage, le juge Lamy – que Marianne imaginait toutefois plus jeune et plus séduisantque ne l’était Jean Gabin dans les années cinquante – un appel mystérieux avait serré lecœur d’une jeune fille.
À dater de ce jour, Marianne avait eu saréponse toute prête, ses trois mots à dire à ceux qui lui posaient la question pour la jeunesse laplus bête et la plus inutile qu’on ait jamaisinventée : « Q U ’ EST - CE QUE TU VOUDRAS FAIREPLUS TARD  ? »
Elle répondait :
– Juge pour enfants.
Et leur bec était quasiment cloué.
Aucune variation sur le thème n’avait puternir sa ferveur. Ni le classique « Ah oui, c’estun beau métier, pour une femme. » Ni le vicelard « Ah bon ? Ce n’est pas un métier trop dur,pour une femme ? » Ni les intermédiaires. Ellene se sentait prisonnière de son choix quecomme d’un amour, consentante et comblée.La moindre réserve émise par un autrel’enflammait de plus belle. La moindre velléitéde concurrence la scandalisait. Elle se croyaitdétentrice de la seule authentique raison devivre et d’étudier. Réparer l’injustice. Préparerun monde vivable.
Elle s’était renseignée sur la marche à suivre, en regrettant toutefois qu’une vocation si fulgurante ne suffît pas à attirer commeun aimant sacré les diplômes, l’uniforme, laconsidération respectueuse des supérieurshiérarchiques et l’adhésion de tous. Pourdevenir juge pour enfants en bonne et dueforme, il fallait faire des études de droit puispasser le concours de la Magistrature, puisétudier pendant deux ans à l’École nationalede la Magistrature de Bordeaux, à l’autrebout du pays. Marianne avait un mauvaissouvenir des concours en général 1 , mais sonpère lui avait déclaré solennellement en faisant le zouave : « On viendra te rendre visitepar la Route des vins et on te fera hontedevant tout le monde en arrivant soûlscomme des cochons ! » et la perspective dedevenir un soir prochain l’hôtesse de sesparents, dans la quiétude appétissante d’uneauberge aquitaine, son diplôme en poche et un avenir tout tracé devant elle, avait consolidé par d’indispensables promesses terre à terreet sensuelles l’idéal encore imprécis qui laconsolait de vieillir.

1  Voir Quand je pense à la Résistance dans la même collection.
 
M arianne courait comme une dératée.Elle traversa le hall des guichets sanss’arrêter, en serrant dans sa main l’étui bleumarine de sa carte d’abonnement comme pours’assurer une nouvelle fois que, de ce côté-là,au moins, c’était réglé. Elle bouscula trois personnes, se fit bousculer par deux autres, sautatout à coup sur la droite pour vérifier, autableau des départs, le numéro de quai de sontrain. Quai 5. Se remit à courir de plus bellesans oser regarder l’horloge. Les horloges, dansles gares, avancent toujours de trois minutes.Elle aperçut le quai presque vide, un hommequi agitait les deux bras en essuie-glace, peut-être pour sécher les larmes de la femme quidevait le quitter, un contrôleur qui passait sa tête par la portière avant de la claquer. Et avantmême d’entendre le haut-parleur prononcer sacondamnation : A TTENTION À LA FERMETUREDES PORTIÈRES , ATTENTION AU DÉPART , ellesut qu’elle avait raté son train, son train Paris-Metz de dix-neuf heures quarante-huit, ratéson train à trente secondes près, le premiertrain qu’elle avait pu espérer prendre pour rentrer à la maison après trois mois d’exil.
Elle regarda le train s’éloigner à petitevitesse, et avancer vers elle l’homme essuie-glace à qui elle lança un long regard désespéré.Il avait fourré les mains dans ses poches. Soncrédit à la consolation était épuisé pour lajournée. Marianne compta sa monnaie, mit unquart d’heure à trouver les téléphones. Sonfrère Charles décrocha l’appareil, là-bas, à troiscent trente et un kilomètres de distance, chezelle au bout du monde.
– Qu’est-ce que tu glandes ? Il y a le téléphone dans le train maintenant ?
– J’ai loupé mon train. Passe-moi Mamanau lieu de ricaner.
– Elle est pas là. Ils sont partis faire descourses, ils ont dit qu’il

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents