Les mauvaises notes
77 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Un soir de décembre à Châtillon-sur-Oise, Frédéric Legendre, douze ans, se retrouve seul sur le trottoir, devant chez ses parents. Il a pris la décision de partir. Plutôt que de subir une pareille honte, je préférerais n'avoir jamais eu d'enfant , a dit son père après avoir lu son bulletin. Frédéric passe deux nuits dans la cité voisine, puis se rend gare de l'Est et saute dans un train. Il a toujours rêvé de vivre à la campagne. Mais très vite, les gendarmes lui mettent la main dessus. Ils ont avec eux la photo d'un garçon, Ludovic Bernard, qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau et qui est parti de chez ses parents il y a trois mois. Ils conduisent Frédéric chez les Bernard... qui croient reconnaître Ludovic. Est-ce d'avoir eu si peur que leur fils soit mort ? Ils n'ont pas le moindre doute. Les parents, les frères, Annette, la petite soeur de Ludovic, tous le reconnaissent. Frédéric n'a pas le coeur de les décevoir. Il a l'impression d'avoir rencontré la famille dont il rêvait. Il choisit de se taire. C'est l'imposture la plus périlleuse qui soit et les premiers jours semblent les plus risqués. Frédéric doit renouer avec Bidou, le meilleur ami de Ludovic et saluer familièrement des gens dont il ne connaît pas le nom. Il doit s'inventer des aventures en mer, car Ludovic a envoyé des cartes postales juste avant de s'embarquer pour les Caraïbes. Et puis il y a l'école : il faut tâcher d'être brillant. En fait, Ludovic est un crack : un aventurier et un bon élève, un champion de ping-pong et un cavalier émérite... à part le vieux Darru, qui a tout compris, et qui sans cesse le gratifie de petites phrases comme La corde du mensonge est toujours trop courte , Frédéric réussit à duper tout le monde. Il y a des avantages à vivre dans la peau d'un enfant prodigue et toutes vos faiblesses sont excusées d'avance. Frédéric est même écoeuré des faveurs et de l'admiration béate dont il est l'objet. Il en vient à détester Ludovic. Et c'est le moment que choisit Ludovic pour se manifester.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 août 2015
Nombre de lectures 31
EAN13 9782211226578
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le livre
Un soir de décembre, à Châtillon-sur-Oise, Frédéric Legendre,12 ans, se retrouve seul sur le trottoir, devant chez ses parents.Il a pris la décision de partir. « Plutôt que de subir une tellehonte, je préférerais n’avoir jamais eu d’enfant », a dit son pèreaprès avoir lu son bulletin scolaire.
Frédéric saute dans un train. Il rêve d’aller à la campagne,d’avoir une autre vie, une autre famille. C’est bien ce quil’attend.
Deux gendarmes lui mettent la main dessus. Ils le prennentpour un autre fugueur, un certain Ludovic Bernard, qui luiressemble à s’y méprendre.
Qui lui ressemble tellement que M. et Mme Bernardcroient avoir retrouvé leur fils.
 

L’auteure
Claire Julliard est née à Paris. Après des études de psychologie, elle a été institutrice pendant quatre ans tout en écrivant dans des revues. Aujourd’hui journaliste littéraire etécrivain, elle est notamment l’auteur d’une biographie deBoris Vian (Folio Biographies).
 

Claire Julliard
 
 

Les mauvaises notes
 
 

Médium poche
l’école des loisirs
11, rue de Sèvres, Paris 6 e
 

Pour Anne-Claire et Pierre Julliard
 
« On ne part pas –
Reprenons les chemins d’ici »
Arthur Rimbaud
I
1
 
Les mauvaises notes
 
Frédéric rêve, Frédéric dort en classe, Frédérics’agite. Cet enfant ne fait rien. Il distrait sescamarades. Quand il n’est pas absent ! Où estpassé Frédéric ?
M. Legendre manqua s’étrangler de fureur.Le bulletin scolaire de son fils, selon ses propresmots, passait l’entendement. Les appréciations desprofesseurs le consternaient. Ce garçon-là était-il bien son fils ? Lui, M. Legendre, qui toujoursavait fait l’honneur de sa famille. Jusqu’à sondiplôme d’ingénieur.
– Plutôt que de subir une pareille honte,je préférerais n’avoir jamais eu d’enfant, criaM. Legendre, hors de lui. Tes notes sont exé crables, tes professeurs se plaignent. As-tu décidéde me rendre fou ?
Frédéric baissa la tête.
– Réponds ! Réponds ! cria encore M. Legendre.
Accablé, Frédéric lorgna en direction de samère. Rien à faire. Mme Legendre tournait latête vers la fenêtre, l’air absent. « Qu’est-ce qu’ellepeut bien penser ? Qu’y a-t-il de si intéressantdehors ? » se demanda Frédéric.
– Réponds ! criait toujours M. Legendre.
– Je ne sais pas, finit par dire le garçon.
– Tu te moques de l’école, tu te moques deta famille. Mais qu’est-ce que tu as dans la tête ?Veux-tu que je relise ce bulletin ?
– Oh non, papa ! implora Frédéric.
– Anglais : E. Mathématiques : 3. Français : 2,E, 0, absent. Gymnastique : absent…
Cette fois, Frédéric cacha sa tête dans sesmains.
– Écoute-moi quand je te parle ! tonnaM. Legendre.
Exaspéré, il bouscula son fils, le secoua etenfin lui assena une paire de claques.
Mme Legendre alluma une cigarette. Elle passala main dans ses cheveux et soupira.
– Va dans ta chambre. Je ne veux plus tevoir ! lança le père.
« Ouf », pensa Frédéric. Il fila.
 
Le jeune garçon s’allongea sur son lit. Ilenfouit son visage sous l’oreiller. Les idées sebousculaient dans sa tête :
« Papa crie toujours. Qu’est-ce que ça changeà la vie, mes mauvaises notes ? Quand j’avaisde bonnes notes, il ne disait rien. Il trouvait çanormal, c’est tout. Il crie toujours, de toutes lesfaçons, alors… Hier, c’était à cause du bruit desvoisins, l’autre jour à cause de son patron. Etpuis, quand il renverse un objet, il jure. Moi,il m’interdit les gros mots. Les parents ont toujours des soucis. Moi, je ne me marierai pas,c’est décidé… Et le soir, papa râle encore danssa chambre en marchant. Qu’est-ce qu’il est nerveux… Maman, on dirait qu’elle ne pense jamaisrien. Elle se contente d’écouter papa.
« Les adultes sont toujours de mauvaisehumeur. Ou alors tristes. Ou alors fatigués. Ilsne peuvent pas se supporter entre eux. Ils n’ontpas de copains. Ils se disputent. Toujours à causedes problèmes d’argent. Et même quand ils enont, de l’argent, ils ne sont pas contents. En plus,ils ont des figures atroces. Je les déteste. Jamais jene deviendrai comme eux. Mon Dieu, faites queje ne devienne pas comme eux. Les profs, c’estpareil, ils sont nuls, ils ne comprennent rien. Ilss’habillent toujours pareil.
« En même temps, j’en ai marre d’être unenfant. Tout le monde se croit tout permis avecvous. Surtout que, moi, je suis gentil. Et puisje ne suis plus un enfant. J’ai douze ans quandmême. »
Frédéric colla sa tête contre le mur. Papas’énervait contre maman : « C’est de ta faute. Situ le grondais un peu ! Tu le laisses faire tout cequ’il veut. Et n’essaie pas de le défendre ! »
Frédéric retint sa respiration. Il entendit biencette fois Mme Legendre répondre d’un ton froid : « Je ne le défends pas, mais non, je ne ledéfends pas. Calme-toi, maintenant. »
 
C’était bientôt Noël. Les parents de mamanallaient venir à la maison. Ils détestaient papa,surtout mamie. Quelle mauvaise ambiance quandils étaient là… « Finalement, c’est sur moi que çaretombe », songea encore Frédéric.
– Si tu veux venir dîner, cria papa à traversle mur, tu dois nous faire des excuses.
Frédéric attrapa son oreiller et s’en servit pourse boucher les oreilles.
« J’aimerais qu’ils meurent, pensa-t-il, rageur.La maîtresse d’école arriverait un matin et elle medirait : “Mon pauvre enfant, je viens d’apprendreque vos parents sont morts. Vous pouvez rentrerchez vous.” Moi, je ferais semblant d’être triste.On me donnerait de l’argent. Je serais pupille dela nation… Pupille de la nation, ça sonne bien.On dirait : “Le pauvre Frédéric, ce n’est pas desa faute s’il travaille mal en classe… avec ce quilui est arrivé.” Moi, j’irais vivre chez Madeleine,la cousine de papa. Elle ne vient jamais à la maison. C’est la seule qui est gentille avec moi,Madeleine. Et puis elle est belle. Elle pourraitêtre ma maman, puisque maman ne veut plusme défendre…
« Ou alors, on m’appellerait au collège pendant un cours : “Frédéric Legendre, vous êtesconvoqué chez le directeur.” Moi : “Ah bon, dequoi s’agit-il ?” Cet imbécile de prof de français :“Cessez de faire le malin, Frédéric, et suivez lesurveillant.” Le directeur me dirait : “FrédéricLegendre, je vais vous annoncer une nouvelle,une grave nouvelle qui risque de beaucoup voussurprendre. Asseyez-vous et détendez-vous. Nousvenons de retrouver vos vrais parents. Vous nevous appelez pas Frédéric Legendre mais Manuelle Manouche. Votre père est un gitan. Le chefd’une grande tribu. Il vous réclame à présent. Nelui en veuillez pas de vous avoir confié à M. etMme Legendre.
« “Votre mère était une princesse gitane. Unefemme d’une rare beauté. Mais elle est morte àvotre naissance. Votre père, Diego, vous a portédans ses bras en larmes et il est allé vous décla rer à la mairie. Et, là, un deuxième malheur estsurvenu. L’employé n’a pas cru votre père, il aappelé la police. Il l’a accusé de vous avoir volé.On a jeté en prison Diego, le fier manouche.Comme il parlait mal le français, il n’a pas puse faire comprendre. Toute sa tribu est venuetémoigner au procès mais on ne les a pas crus.
« “Depuis des années, il vous cherche. Entretemps, on vous avait confié à ces Legendre.Votre vrai père avait perdu toute trace de vous.Aucun Manuel le Manouche sur les registresd’état civil.” »
 
– Frédéric, cria M. Legendre, sors de tachambre immédiatement. Ta conduite dépasseles bornes.
En entendant les pas rapprochés de son père,Frédéric eut un mouvement de peur. Il bonditvers la porte et la verrouilla à double tour.
– Ouvre tout de suite !
M. Legendre-l’imposteur tambourinait à présent contre la porte. Il semblait dans une rage indescriptible. Manuel le Manouche eut alors unsourire narquois.
– Va me chercher le tournevis, je vais ouvrircette porte, fit M. Legendre à sa femme.
Et, soudain, Frédéric en eut assez de tout ça. Ilsaisit son blouson et ouvrit la fenêtre. Il contemplaun instant les quatre étages de vide qui séparaientl’appartement du sol. Le garçon se glissa sur labalustrade et se faufila avec précaution jusqu’aubalcon voisin.
 
Il sauta de balcon en balcon. La vieille voisine,Mme Simmonet, dit à son mari : « Je crois bienqu’un farfadet volette devant notre fenêtre. Vadonc jeter un coup d’œil. » M. Simmonet haussales épaules et garda les yeux rivés sur son postede télévision.
 
Voilà comment Frédéric Legendre se retrouvaau mois de décembre seul sur le trottoir, à huitheures du soir, à Châtillon-sur-Oise.
2
 
La cité des Acacias
 
Frédéric ne pensa pas : « À moi la liberté » ouquelque chose du genre. Mais il ne regretta pasle moins du monde ce qu’il venait de faire.
À présent, il fallait aviser, et vite, car le froidtombait. Frédéric n’avait guère envie de flânerdans la ville. Son père était peut-être déjà à sestrousses. Il se dirigea vers la cité des Acacias. Làvivaient tous ses copains. Ceux avec qui il séchaitles cours du collège. Gilles Baudrillet et les autres.Toute la bande des Acacias.
Frédéric aurait tout donné pour habiter cettecité. Pourtant la résidence des Legendre étaitbeaucoup plus belle que les Acacias. Mais c’étaitlà-bas que des tas de choses passionnantes arri vaient. Aux Acacias, dont malgré lui il étaitexclu. Tous les copains du garçon – des voyous,disait M. Legendre – y habitaient. Ils portaientde vrais blousons qu’ils se payaient eux-mêmesavec leur argent. Ils avaient des mobylettes et ilsétaient déjà des hommes. Ils avaient de la chanced’habiter les Acacias. Leurs parents les laissaientsortir le soir. Ils traînaient dans la cité, au bar dela cité, toujours en bandes. Ils acceptaient Frédéricavec eux de temps en temps. Même s’il devaitparfois subir leurs moqueries, il était fier de lesfréquenter. C’était leur genre de dire : « Tiens,voilà le môme » ou : « Tiens, voilà le fils à sonpapa. » Mais ils prenaient Frédéric sous leur aileet lui apprenaient la vraie vie. Ils n’étaient passi mauvais garçons que le disait M. Legendre.Mauvais en classe, c’est tout. La plupart arrêtaientd’étudier après le collège et commençaient unapprentissage. Mais aucun d’eux n’avait envie detravailler plus tard comme ses parents.
La cité des Acacias était haut perch

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