Chemins de vie

Ariane De Bricassart

Description

Ces nouvelles présentent quatre chemins de vie, d’amour et d’amitié. Deux amies se retrouvent après une longue séparation ; Sarah, une brillante jeune femme, choisit l’homme qu’elle aime ; Lydie, qui vit un amour impossible, fait un choix inattendu. Enfin, Alexandra imagine les différentes possibilités de sa vie future, et choisit le chemin qu’elle va suivre…

Informations

• Publié par: Les Editions Chapitre.com
• Date de parution: 21 août 2019
• Nombre de lectures: 2
• EAN13: 9791029009884
• Langue: Français

Extrait

Chemins de vie
Ariane de Bricassart
Chemins de vie
Nouvelles
Les Éditions Chapitre.com
123, boulevard de Grenelle 75015 Paris
© Les Éditions Chapitre.com, 2019
ISBN : 979-10-290-0988-4
Retrouvailles
« La vie est un roman que chacun de nous porte en soi, passé et avenir. »
George Sand, Histoire de ma vie
Retour à Montpellier
Clarisse referma le livre qu’elle lisait distraitement depuis Paris, « Jeux de lumière sur l’Hellade », de Jacqueline de Romilly. D’habitude, cet auteur, à qui elle vouait une profonde admiration, la passionnait. Quoi de plus normal, puisqu’elle était elle-même professeur de littérature grecque à la Sorbonne !
Mais ses pensées, durant tout ce voyage en train, avaient été concentrées sur son amie Jasmine, qu’elle allait revoir à Montpellier, dix ans après…
Elle était bientôt arrivée et elle regardait, songeuse, défiler le paysage. Tant de choses s’étaient passées depuis qu’elle n’avait plus vu sa meilleure amie : elle avait intégré Normale Sup, réussi l’agrégation, enseigné quelque temps en lycée tout en préparant sa thèse, et maintenant elle était professeur à l’Université ! Oui, elle était allée au bout de ses rêves… Sur le plan de sa vie affective aussi, elle avait vécu un vrai conte de fées, en rencontrant Bertrand, normalien, qui était, lui, philosophe… Et la voilà maman d’une petite Angélique !
Elle ressortit de son sac à main la courte lettre que Jasmine lui avait envoyée à l’adresse de ses parents, fin août, et la relut pour la centième fois, le cœur battant :
Lille, le 16 août 2000
Chère Clarisse
Je reprends contact avec toi, après toutes ces années de silence. Il est vrai que nous nous étions quittées plus ou moins brouillées, en juin 1990.
Mais je trouve que c’est trop bête, notre amitié était un tel cadeau de la vie !
Que dirais-tu de nous revoir à Montpellier, disons, le week-end de la mi-septembre ? J’ai pensé que Montpellier serait le cadre idéal pour nos retrouvailles, tu ne penses pas ?
Si tu es d’accord, et j’espère que ce sera le cas, envoie-moi un SMS , à ce numéro : 06-28-32-44-73.
J’ai hâte de te revoir !
Je t’embrasse
Meilleur souvenir
Ta Jasmine
Malgré elle, Clarisse ne pouvait s’empêcher d’avoir l’estomac noué d’appréhension : comment ces retrouvailles se passeraient-elles ?
Dix ans, cela pouvait changer complètement une personne ! Et si elle se retrouvait face à une autre Jasmine ? Et surtout, il y avait cette brouille, ancienne maintenant, mais qui créait une certaine tension entre elles, inévitablement. C’était même elle, Clarisse, qui en était à l’origine…
Les yeux remplis de larmes, la jeune femme revivait la scène : son amie lui avait téléphoné pour l’inviter, fort gentiment, à passer de nouveau un été avec elle en Lozère, mais elle lui avait sèchement répondu qu’elle n’avait plus rien à lui dire, et lui avait jeté à la figure qu’elle n’avait pas aimé son attitude envers Loup –le copain que Jasmine venait de quitter…
Ce n’était, d’ailleurs, qu’un prétexte à cette dispute, dont Clarisse connaissait bien la raison véritable… L’été 1989, Jasmine l’avait emmenée en Lozère, pour des vacances de rêve, au cours desquelles elle avait fait la connaissance du beau Pascal, un ami de Loup… Ils avaient échangé leurs adresses, et elle avait été folle de joie de recevoir une carte de Pascal, au mois de mai, qui plus est postée de Madagascar, où le jeune homme était parti pour son travail – il était géologue. Mais voilà que tout s’était compliqué : en juin, Jasmine avait rompu avec Loup, et s’était mise à son tour à écrire à Pascal, allant jusqu’à confier à son amie qu’il lui plaisait beaucoup…
Clarisse avait eu le cœur brisé de se retrouver en rivalité amoureuse avec sa meilleure amie… Mais la vie avait choisi de l’aiguiller sur d’autres rails : admissible au concours de Normale Sup, elle était montée à Paris pour les oraux, qu’elle avait brillamment réussis, et n’était jamais revenue à Montpellier. Elle n’avait jamais reçu de réponse à sa lettre à Pascal, et avait tout imaginé, y compris que Jasmine avait gagné le cœur du jeune homme, ce qui l’avait profondément blessée, et qu’elle avait vécu comme une douloureuse trahison…
Depuis, même si Bertrand la comblait d’attentions, elle ne pouvait s’empêcher de continuer à penser à Pascal, son premier amour, qu’elle n’avait jamais oublié durant toutes ces années…
Oui, ces retrouvailles, qui auraient dû la combler de joie, risquaient d’être compliquées, et même compromises, par ses propres sentiments… Comment Jasmine, elle-même allait-elle réagir, même si sa lettre était fort amicale, se demandait avec angoisse la jeune femme, tandis que la gare de Montpellier Saint-Roch était annoncée… Elle réalisait, au fond d’elle-même, que Jasmine lui avait énormément manqué depuis dix ans, et qu’elle avait rêvé maintes fois de retrouvailles, qu’elle n’avait jamais osé provoquer elle-même, tant elle était gênée par leur dernière dispute…
Mais elle se ressaisit, rangea son livre, saisit son sac, et, fébrile, s’apprêta à descendre du TGV . Allait-elle reconnaître Jasmine qui devait l’attendre sur le quai ?
C’était la première fois, aussi, qu’elle revenait dans cette ville où elle avait étudié avec Jasmine au lycée Joffre… Elle se sentit envahie d’une vague d’émotion.
Cependant, dès qu’elle aperçut Jasmine, ses doutes s’évanouirent et elles tombèrent dans les bras l’une de l’autre. Une fois le moment des premières effusions passées, elles prirent un peu de recul pour se dévisager en riant : non, elles n’avaient pas changé !
Clarisse était une ravissante jeune femme de trente ans, les cheveux châtain foncé coupés au carré, à la fois élégante et naturelle.
Jasmine était vraiment belle, avec sa longue tresse brune, toujours maquillée avec art, et vêtue plus simplement que son amie.
« Alors, s’écria enfin Jasmine, comment me trouves-tu après toutes ces années ?
– Tu es toujours aussi belle ! répliqua Clarisse, une pointe d’admiration dans la voix. Et moi ?
– Tu es resplendissante ! dit Jasmine à son tour. Je trouve que tu t’es vraiment épanouie ! »
Les deux jeunes femmes s’embrassèrent encore, puis prirent la direction du buffet de la gare. Elles avaient vraiment besoin de boire quelque chose, après ce long voyage…
Une fois attablées, elles commandèrent, l’une un thé aux fruits rouges, l’autre un cappuccino, et restèrent un moment silencieuses.
« Alors, dis-moi, reprit Clarisse, tu es heureuse ?
– Follement heureuse, avec Patrick, mon professeur d’anglais adoré, et Vanessa… Regarde, je t’ai apporté une photo !
– Comme elle est mignonne ! s’écria Clarisse, en s’extasiant devant la petite fille de son amie. Quel âge a-t-elle ?
– Quatre ans…
– Comme la mienne, Angélique !
– Pour les enfants, dit Jasmine, on a été parfaitement synchrones ! »
Et elles éclatèrent de rire.
« Et je suppose que tu es devenue enseignante toi aussi, dit Clarisse avec curiosité. Où exerces-tu ?
– Je suis professeur de français et de latin à Lille, dans le même collège que Patrick, répondit vivement Jasmine. C’est là que nous nous sommes rencontrés, d’ailleurs… Mais je pense que tu as brillamment réussi de ton côté, en tant que normalienne, car on m’avait dit que tu avais réussi le concours…
– J’exerce à la Sorbonne, en littérature grecque, dit simplement Clarisse, toujours modeste.
– Sais-tu que c’est grâce à toi que j’ai réussi le CAPES ? demanda Jasmine.
– Tu exagères, répliqua Clarisse en souriant, c’est plutôt grâce à notre bon lycée Joffre…
– Tu as raison, approuva Jasmine. J’ai hâte d’y aller et de le revoir, après tout ce temps ! »
Elles s’empressèrent de finir leur boisson chaude, se brûlant presque tant elles étaient impatientes, et prirent la direction de le