Les histoires vendéennes de mon grand-père
110 pages
Français

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Les histoires vendéennes de mon grand-père , livre ebook

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Description

Les histoires vendéennes de mon grand-père - Rares sont les ouvrages qui vont chercher ce qui se cache derrière cette terre de cartes postales. Or cette vieille province possède bien d’'autres trésors, bien d'’autres richesses, un patrimoine oral particulièrement original et varié, transmis de génération en génération depuis ces temps que l’'on dit "immémoriaux". Ce sont ces histoires, à faire sourire, à faire peur, à faire rêver... que nous raconte ce livre.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 décembre 2012
Nombre de lectures 52
EAN13 9782365729789
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0026€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La réglisse de L’Herbaudière

Les longues vacances scolaires permettaient aux mères de quitter la ville turbulente pour faire prendre l’air de la mer à leurs enfants. Pendant l’été, ceux-ci oubliaient tout de leur statut de collégiens. Une fois arrivés sur l’île, ils redevenaient chaque année pêcheurs, marins, coureurs cyclistes, nageurs, plongeurs, chasseurs. Le soleil et l’air marin avaient vite fait de modifier leur physionomie de jeunes citadins proprets. En quelques jours, ils perdaient leur fraîcheur juvénile et ressemblaient, en plus jeunes, aux loups de mer que l’on voyait bricoler tout le jour dans la petite rade de L’Herbaudière, quand du moins ces derniers n’allaient pas frapper sur le zinc du café du port pour que leur soit servie la chopine quotidienne.
Moins d’une semaine après avoir débarqué de la micheline jaune et rouge les cinq ou six vacanciers pré-adolescents dont nous allons parler maintenant arboraient la chevelure hirsute et le visage tanné des gars de l’île.
Les thèmes de jeu ne manquaient pas et une journée entière paraissait plus courte qu’une heure de classe. Cet été-là, hormis les bains de mer et la pêche au congre, deux activités principales s’offraient aux jeunes vacanciers : la construction de radeaux et la récolte de bois de réglisse.

Vint un moment où les mères, d’un commun accord, décidèrent de réduire l’activité radeaux suite à un incident qui aurait pu évoluer en catastrophe si un jeune insulaire n’avait pas secouru in extremis quelques navigateurs aussi imprudents que novices.
À bord d’une embarcation, faite d’une palette arrimée sur deux gros bidons de deux cents litres, quatre jeunes étaient sortis du port sans se rendre compte que la marée descendante les entraînait vers le large. Leur moyen de propulsion étant limité à une seule planche – en fait une lame de parquet d’un mètre cinquante – utilisée comme une pagaie, les garçons n’étaient pas en capacité de s’opposer aux forces naturelles qui les éloignaient de la côte.
Le matelot qui les observait depuis la cale comprit qu’il fallait intervenir et sauta dans son canot à moteur. Prévenues entre-temps, le souffle coupé par l’angoisse, les mères s’étaient regroupées sur la dalle glissante de la cale. Cheveux au vent, les bras repliés autour du corps, elles fronçaient les yeux pour suivre dans le lointain ce qui était devenu l’opération de sauvetage de leurs garçons. Puis le canot revint, remorquant l’équipage penaud mais sain et sauf. Les mères aux yeux humides remirent leurs réprimandes à plus tard et rentrèrent dans leur maison de vacances respective.

Les jours suivants coïncidèrent avec une semaine de marées à fort cœfficient. On conseilla aux jeunes d’en profiter pour aller pêcher sur la grève quand la mer serait basse, c’est-à-dire le matin. Le reste du temps ils iraient récolter du bois de réglisse qui remplacerait avantageusement les friandises habituelles. Une mère qui se piquait de connaissances phytothérapeutiques expliqua aux autres que la réglisse possède des vertus propres à améliorer la santé et le comportement de leurs enfants. Le jus de Glycyrrhiza glabra n’était-il pas tout à la fois un puissant digestif, un efficace pectoral, ainsi qu’un anti-inflammatoire et un antihistaminique aux bienfaits incontestables ? Que l’on puisse prévenir et guérir les bronchites les plus retorses, les toux les plus persistantes ne faisait aucun doute. Constipations, gastrites et autres états pernicieux n’avaient plus aucune chance.
Le champ de réglisse était connu de tous, les garçons s’y donnèrent rendez-vous.

Des plantes de plus d’un mètre de hauteur, frêles et feuillues, couvraient le sol sablonneux. L’un des garçons s’arc-bouta sur une longue tige et tenta de l’extraire d’une seule traction. Mais c’était sans compter sur la résistance du réseau de racines et de radicelles attachées à leur cher sous-sol. Le récoltant amateur fit entendre un long geignement qui incita deux de ses copains à le rejoindre pour tirer avec lui. Cette fois, la plante s’abandonna. Apparut alors une ramification de bois brunâtre.
C’est ça, la réglisse ? s’enquit un observateur.
On va se la partager ! Mais avant, il faut la laver et la faire sécher…

Ceux qui avaient déterré la plante se tenaient le dos, pour valoriser avec ostentation l’effort qu’il venait d’accomplir.

On n’a qu’à en prendre pour tout le monde, suggéra le plus petit de la bande.
T’as bien dit ! On va même se faire une provision pour l’hiver.

Mais c’était l’heure du goûter. Gilles et Tony se retrouvèrent seuls dans le champ de réglisse.
Qu’est-ce qu’on fait, on continue ou on revient demain ?
On y va, on prend ce qu’on veut et on rentre.

En conjuguant leurs forces, ils parvenaient tout juste à faire céder le rhizome rebelle. Parfois, celui-ci se rompait à mi-longueur et, pour bien faire, il aurait fallu creuser autour de la racine sectionnée et tirer à nouveau mais en n’ayant que peu de prise. Ce travail fastidieux les rebutait, aussi passaient-ils dans ce cas à la plante suivante.
Si on continue comme ça, on va pouvoir monter une usine de réglisse, tu crois pas ?
On pourrait peut-être en vendre à des pharmaciens ?
Pourquoi pas ?
Tout en traçant quelques ébauches de plans sur la comète des apothicaires, Tony tirait comme un beau diable sur une plante magnifique, enroulée autour de son poignet pour faciliter la prise.
Plus elles sont grosses, plus c’est dur, mais après on y gagne en quantité de bois.

Gilles vint en renfort et cala ses pieds dans le sol meuble. Imitant le régatier au trapèze, il mettait tout son poids pour lutter contre la force d’inertie de plusieurs mètres de racines. Quand celles-ci s’arrachèrent d’un seul coup des profondeurs arénacées, Gilles et Tony n’en crurent pas leurs yeux. Sur les mottes de terre retournées pendant l’extraction, étaient posées ici et là quelques petites lunes jaunâtres, à peine plus épaisses que des graines de monnaie-du-pape, mais si brillantes !
-Qu’est-ce que c’est que cette affaire-là ? grinça Tony.
Ben c’est des pièces, tu vois pas ?
Des pièces ? Tu veux dire des louis d’or, quoi ?
J’en sais rien, moi…
Tony essuya un petit rond jaune sur le tissu de son short. Le métal s’éclaircit jusqu’à briller au soleil.
C’est de l’or, merde alors, c’est de l’or !
C’est encore mieux que la réglisse. C’est de l’or !
Il faut en être sûr, c’est pas parce que c’est jaune que c’est de l’or, des métaux jaunes y en a d’autres.
Tant qu’on est pas sûr, y a qu’à la fermer. Ça sert à rien de raconter ça aux autres, on a qu’à aller voir dans la vitrine d’un bijoutier et comparer nos pièces.
Pas besoin, une fois bien nettoyée, tu la mets à côté de l’alliance de ta mère ou de ton père, tu verras bien.
Mais justement, c’est à ça que je pense quand je regarde ces pièces : c’est de l’or, je te dis, c’est sûr et certain.
À nous décider de ce qu’on va en faire…
D’abord il faut voir s’il y a d’autres pièces…
Dans une demi-heure on n’y verra plus rien. Sans compter que je si je rentre pas tout de suite, je vais me faire appeler Léon.
Pourquoi Léon ?
Comme ça. C’est une façon de parler, c’est tout, ma vieille va s’inquiéter, après le coup du radeau…
On reviendra demain avec les autres.
Ça veut dire que si on trouve un butin, il faudra le partager avec eux. T’as envie toi ?
Ben oui.
Pas moi, tranche Tony. S’ils étaient revenus nous aider après le goûter, eux aussi ils auraient eu droit aux louis d’or.
C’est peut-être pas des louis d’or…
Peut-être beaucoup mieux, qu’est-ce qu’on en sait ?

Gilles et Tony rentrèrent chacun de son côté à la maison avec la désagréable sensation d’abandonner un trésor à ciel ouvert. La nuit en serait la meilleure gardienne, mais demain il faudrait aller creuser dès lever du jour, avant que les autres n’arrivent sur les lieux. Pour le moment, ils s’étaient partagé la vingtaine de pièces pour les nettoyer à l’abri des regards. Ils décideraient le lendemain de la suite à donner à leur découverte.
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