Contrat de chair

Mathilde Bensa

Description

Le destin de Victorine, orpheline, que le Second Empire expédia en Nouvelle Calédonie pour satisfaire « un besoin en femmes »...

Sur le chemin, Victorine fut émerveillée par les palmes ondulantes des cocotiers, l’éclat écarlate des flamboyants, l’atmosphère baignant tour à tour dans l’enivrante fragrance des fleurs de tiaré et l’odeur écœurante des mangues qui pourrissaient, éclatées dans la poussière.
— Baissez le regard mesdemoiselles, restez convenables. Pour qui vous prenez-vous donc ! N’avez-vous point de mœurs ? avait aboyé sœur Adèle.
— As-tu vu, Victorine, les hommes là-bas ? Crois-tu que ce sont nos petits maris ? chuchota Antoinette à l’oreille de sa compagne.

Mathilde Bensa s’empare d’un épisode sordide de la colonisation de la Nouvelle Calédonie au cours de laquelle le peuplement de main-d’œuvre puisait parmi les bagnards et les filles sans famille. Un très beau texte sensible et évocateur de cette période oubliée.

Informations

• Publié par: Ska Éditions
• Date de parution: 23 avril 2019
• Nombre de lectures: 14
• EAN13: 9791023407709
• Langue: Français

Extrait

Mathilde Bensa

Contrat de chair

nouvelle

Collection Noire Soeur
 
Victorine
Se tournant vers l’ouest, Victorine plongea son regard dans la mer de Corail, au-delà du grand lagon, et le souvenir de son arrivée quatorze années auparavant à Port-de-France s’imposa à sa mémoire. Elle se revit quitter le port du Havre en ce mois d’août 1863 à bord de l’ Isis . Le souvenir exotique des ports d’escale tout au long du voyage s’égrenait comme un chapelet joyeux ; Dakar et la côte occidentale de l’Afrique, l’escale à la Réunion dans les Mascareignes, puis la longue traversée de cinq mille trois cent vingt-sept milles vers Melbourne avant d’accoster enfin à Port-de-France le 9 février 1864. Elle se souvenait de la jeune fille d’alors, folle d’espoir, folle de projets, prête à tout pour échapper à son destin. Avec vingt-sept autres jeunes filles, toutes nées de père inconnu et abandonnées par leur mère, déclarées orphelines et promises à un avenir de misère, elles avaient été choisies pour accomplir le vœu de l’impératrice Eugénie. Dans son infinie bonté, la souveraine leur accordait une dot composée d’une pièce d’étoffe, de quelques ustensiles de cuisine et d’une somme de deux cents francs. Devenues les élues de l’Empire, elles peupleraient la Nouvelle-Calédonie, les...