Émotions
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Émotions , livre ebook

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Description



Tant au style, au ton, qu’aux pudeurs, tout le cheminement d’écriture de Sinclair Dumontais (1958-2019) manifeste une saisissante stabilité des hantises. Ce cheminement original se synthétise et se parachève ici, dans le recueil de miniatures en prose Émotions, petit opus extraordinaire d’intelligence joyeuse, combinatoire subtile et souriante de profondeur. On a ici une œuvre finale solidement sentie et hautement cohérente. C’est vers 2017, que Dumontais s’est mis tout doucement à l’écriture d’Émotions. Il considérait que ces textes étaient des FICTIONS parce que les émotions évoquées ici évoluent radicalement dans un monde à la fois mental, distordu et largement inventé. La recherche introspective se déploie ici, librement, dans le non-vériconditionnel. Vous lisez dans les pensées. Vous établissez les liens de cause à effet. Peut-être même en inventez-vous. Mais qu’importe: vous trouvez. (Émotions 19. « La sérendipité »). Et les trouvailles et inventions de la FICTION ne doivent pas passer pour factuelles ou autobiographiques. C’est du fictif, rejoint par de l’intellectif. En effet, notre penseur-scripteur a aussi revendiqué ces micro-essais comme autant de vecteurs d’IDÉES... et d’idées novatrices et inconnues encore. Oh, il ne se considère pas comme un docte et vénérable maître penseur, serinant des truismes. Détenir une vérité universellement reconnue n’a bien sûr aucun intérêt. Là, c’est différent: vous détenez une vérité que l’autre ignore (Émotions 11. « La rage »). Mais, l’un dans l’autre, il ressent une vive fascination pour le raisonnement logique bien construit. J’adore ces moments précis où toute ma concentration se porte sur un axiome d’une logique implacable... (Émotions 8. « L’attente »). Par-dessus tout, philosophe de formation et dialecticien subtil, il a toujours su faire jouer le frémissement d’Héraclite, dans la permanence de tous ses raisonnements. On trouvera parce que sans chercher on cherche quand même. [...] On ne cherche rien en particulier: on cherche ce qu’on trouvera (Émotions 19. « La sérendipité »). Sinclair Dumontais ne cherchait pas, il trouvait. Ses inventions, découvertes et trouvailles, toutes chargées d’Émotions, nous rejoignent ici, en ce florilège de textes achevés et définitifs.


Né à Montréal en 1958, François Mongeau a longtemps travaillé dans le secteur du marketing et des communications. En marge de son cheminement professionnel, il a signé quatre romans et cosigné cinq ouvrages inspirés du site Internet voué à la littérature et à l’histoire qu’il a cofondé en 1999 et dirigé pendant dix ans : Dialogus. Afin d’éviter que ses activités professionnelles de rédacteur-concepteur interfèrent avec sa carrière d’écrivain, il avait pris Sinclair Dumontais comme nom de plume. Aujourd’hui, cela n’a plus d’importance car François Mongeau, alias Sinclair Dumontais, est décédé le 12 septembre 2019 à La Rochelle, ville dans laquelle il s’était installé depuis une dizaine d’années. En conséquence, le recueil Émotions est publié à titre posthume.



Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 8
EAN13 9782924550526
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Émotions
Essai
SINCLAIR DUMONTAIS
(François Mongeau)
Postface de Paul Laurendeau

© ÉLP éditeur, 2020 www.elpediteur.com ecrirelirepenser@gmail.com
ISBN :978-2-924550-52-6
Conception graphique : Allan E. Berger
Image de la couverture : Nicolas Guilmain (Docteur Cosmos), Bilboquet en buis , © 2017. Image sous licence CCommons (CC BY-SA 3.0) : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bilboquet.jpg
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ÉLP éditeur est une maison d’édition 100% numérique fondée au printemps 2010. Immatriculée au Québec (Canada), ÉLP a toutefois une vocation transatlantique : ses auteurs comme les membres de son comité éditorial proviennent de toute la Francophonie. Pour toute question ou commentaire concernant cet ouvrage, n’hésitez pas à écrire à : ecrirelirepenser@gmail.com
Table des émotions
1. L’ambivalence
2. L’étonnement
3. L’attraction
4. La connivence
5. Le doute
6. Le soulagement
7. La lenteur
8. L’attente
9. Le vertige
10. Le souvenir
11. La rage
12. L’absence
13. L’illusion
14. Le vide
15. La désorientation
16. L’enthousiasme
17. Le narcissisme
18. La galanterie
19. La sérendipité
20. L’envie
21. L’euphorie
22. La nostalgie
23. L’admiration
24. La lassitude
25. Le flair
26. L'isolement
27. La générosité
28. La tendresse
29. La naïveté
30. Le désordre
Postface de Paul Laurendeau
À propos de Sinclair Dumontais (François Mongeau)
1. L’ambivalence
L’automnedernier, j’ai pris la route de Munich un peu comme on entre dans lesentier balisé d’une forêt, sans savoir si j’irais jusqu’aubout ou si je ferais demi-tour après quelques kilomètres. Un amim’avait convaincu que l’Oktoberfest était quelque chose qu’ilfallait vivre au moins une fois dans sa vie, pour la simple raisonque c’est l’une des plus grandes fêtes au monde. Avec lecarnaval de Rio, bien sûr.
Quelquesjours avant de prendre la route, j’étais ambivalent. D’un côtéil y avait l’argument de cet ami, qui n’avait assurément pastort, mais de l’autre il y avait cette certitude que l’Oktoberfestétait devenu un événement essentiellement commercial, perpétuépour permettre aux brasseurs de s’offrir une immense visibilitéaux frais mêmes de leurs clients. Je ferais six heures de route etje débourserais un prix indécent pour remplir et remplir encore lachope que j’irais pisser toutes les demi-heures dans les rigolesdéjà creusées par l’urine des autres. Cet autre côté nem’enchantait pas du tout. Je ferais toute cette route pour assisterau triste spectacle de la dérive individuelle autojustifiée par ladérive collective, et pis encore, pour en être. Car pour vivrel’Oktoberfest au moins une fois dans ma vie, il faudrait bien quej’y adhère. On ne peut connaître la sensation du saut àl’élastique si on ne saute pas.
Lejour où je devais prendre la route, pour ne pas rater la fête, jene savais pas encore si je voulais en être. J’ai sauté dans mavoiture en me disant que je déciderais en chemin. Tout au long de cetrajet, et ce, jusqu’aux portes de Munich, je me suis demandé sij’irais ou si je ferais demi-tour.
J’adorel’ambivalence. C’est une émotion aussi intense que peut l’êtrele saut à l’élastique : vous êtes devant un dilemme et vousseul pouvez trancher. Plus les forces qui s’opposent sont vives,plus elles vous torturent, moins vous y arrivez. Elles prennent unplaisir fou à vous faire osciller d’un pôle à un autre, àgrands coups d’arguments tantôt rationnels et tantôtirrationnels. Vous êtes l’arbitre et les forces sont à ce pointégales qu’aucune décision ne saurait détruire la légitimité del’autre. C’est fascinant.
L’Oktoberfestétait un incontournable, mais rouler six heures pour me soûler lagueule était un non-sens. Entre les deux, rouler en me demandantminute après minute si je devrais continuer ou faire demi-tour mepermettait de vivre cette ambivalence pendant six heures biencomptées. Une ambivalence d’une incroyable intensité puisquechaque kilomètre franchi était soit un précieux gain, soit uneperte de temps qui serait même doublée par l’obligation de fairele trajet inverse. Je roulais à cent trente kilomètres-heure surl’autoroute de l’ambivalence. Je connaissais l’ivresse sansavoir bu une seule bière.
Jeregrettais de ne pas être parti une semaine plus tôt en empruntantun trajet plus long et plus improbable. Seul dans ma voiture duranttout ce temps, j’aurais permis à cette ambivalence de durer pluslongtemps encore.
2. L’étonnement
Depuisque je m’y suis mis, je suis étonné une bonne dizaine de fois parjour. Parfois même plus : c’est qu’il m’arrive encored’oublier de laisser cet étonnement m’envahir plutôt que depasser rapidement à autre chose.
Lemois dernier, j’ai lu quelque part qu’une nomenclature des moyensde transport existants à New Delhi avait été tentée par l’undes fonctionnaires de la ville. Aux côtés de la voiture, du métro,de l’autobus, du vélo, de la moto et du traditionnel taxipousse-pousse figuraient le chameau, l’éléphant, la marche etmême une catégorie portant très officiellement le nom improbabledes moyens de transport dits « indescriptibles ».
Hier,au centre-ville, je suivais une vieille dame qui vivait résolumentdans la rue. Elle traînait un panier à commissions rempli de sacsde plastique eux-mêmes remplis de je ne sais quoi. Elle était enhaillons, portait des sandales dont les semelles tenaient avec descordes. Ses pieds étaient noirs. Elle s’est arrêtée au comptoird’une pâtisserie pour s’offrir un Paris Brest. Au moment depayer, elle a sorti un billet de cent euros.
Uneentreprise a eu l’idée de lancer la mode des cahiers à colorierpour adultes. Son argument de vente : la relaxation. Moins cheret moins contraignant que les cours de yoga, le coloriage force àl’arrêt physique et mental, à la concentration évasive sur uneactivité proprement inutile qu’il est même possible de rater sansqu’il n’y ait quelque conséquence que ce soit.
S’étonnerde ces choses relève du contre-exploit : au lieu de les rangerle plus rapidement qui soit au nombre des anecdotes tout au plusinsignifiantes, je les laisse m’imprégner, me surprendre etm’interpeller. Je suis dans l’incapacité pure de créer unecatégorie de moyens de transport « indescriptibles ».J’ai du mal à comprendre ce qui se passe dans la tête d’unevieille dame qui pourrait se trouver des chaussures d’occasion pourle prix d’un Paris Brest dont il ne reste plus rien après troisminutes. Que nous ayons besoin de colorier des chats ou des lapinspour reposer notre tête me laisse perplexe. Le point commun entretout ceci, c’est l’émotion qui se dégage de mon étonnementchaque fois que je refuse de considérer ces choses comme étant desfaits divers. Au lieu de les chasser de ma tête sous prétexted’insignifiance, je les classe dans la catégorie des momentsmarquants, historiques, porteurs d’émotions vives qui mériteraientd’être partagées à l’infini, notamment sur ces réseauxasociaux qui peinent à être autre chose que la grande bibliothèquedes autobiographies.
Aujourd’hui,c’est sur l’industrie du jeu, du spectacle, du divertissement quenous comptons pour nous étonner. Pourtant, ce réflexe qui consisteà m’étonner moi-même génère en moi des émotions autrementplus grandes et plus jouissives que tout

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