JOURNAL PERSONNEL ET CORRESPONDANCE 1783 1939 OU AFFINITES ELECTIVES

Françoise Simonet-Tenant

Description

En tant que protocoles d'écriture datée et fragmentaire, la lettre et le journal personnel présentent maintes ressemblances. Les itinéraires de leurs mutations historiques se rencontrent à la fin du XVIIIe siècle : la lettre puis le journal personnel devi

Sujets

• Sciences humaines et sociales
• Harmattan Littérature

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 juin 2009
• Nombre de lectures: 20
• EAN13: 9782296494886
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 5 Mo

Extrait

Journal personnel et correspondance (17851939) ou les affinités électives

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Au cœur des textes Collection dirigée par Claire S TOLZ (Université ParisSorbonne) 1. Alia BACCARBOURNAZ,Essais sur la littérature tunisienne d’expression française, 2005. 2. Alya CHELLYZEMNI,Le sauveur dansBataillesdans la montagnede Jean Giono, 2005. 3. Noureddine LAMOUCHI,JeanPaul Sartre, critique littéraire, 2006. 4. Catherine VIOLLET et MarieFrançoise LEMONNIERDELPY (dir.), Métamorphoses du journal personnel. De Rétif de la Bretonne à Sophie Calle,2006. 5. Lia KURTSWÖSTE, MarieAlbane RIOUXWATINE et Mathilde VALLESPIR, Éthique et significations, 2007. 6. JeanLouis JEANNELLE et Catherine VIOLLET (dir.),Genèse et autofiction, 2007. 7. Irène FENOGLIO (dir.),L’écriture et le souci de la langue. Écrivains, linguistes : témoignages et traces manuscrites, 2007. 8. Irène FENOGLIO,Une autographie du tragique. Les manuscrits deLesFaits et deL’avenir dure longtempsde Louis Althusser, 2007. 9. Delphine DENIS (dir.),L’obscurité. Langage et herméneutique sous l’Ancien Régime, 2007. 10. Aurèle CRASSON (dir.),L’édition du manuscrit. De l’archive de création au scriptorium électronique, 2008. 11. Lucile GAUDIN et Geneviève SALVAN (dir.),Les registres. Enjeux stylistiques et visées pragmatiques, 2008. 12. Françoise RULLIERTHEURET,Faut pas pisser sur les vieilles recettes. San Antonio ou la fascination pour le genre romanesque, 2008. 13. Valentina CHEPIGA,Émile et un romain, à paraître. 14. Véronique MONTÉMONT et Catherine VIOLLET (dir.),Le Moi et ses modèles. Genèse et transtextualités, 2009. 15. Ridha BOURKHIS et Mohammed BENJELLOUN (dir.),La phrase littéraire, 2008. 16. Salah OUESLATI,Le lecteur dans lesPoésiesde Stéphane Mallarmé, 2009. 17. JeanMichel ADAM et Ute HEIDMANN,Le texte littéraire. Pour une approche interdisciplinaire, 2009. 18. Françoise SIMONETTENANT,Journal personnel et correspondance (1785 1939) ou les affinités électives, 2009.

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Françoise SimonetTenant

Journal personnel et correspondance (17851939) ou les affinités électives

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Que soient vivement remerciés, pour leurs conseils pertinents, Michel Braud, Anne Coudreuse, Brigitte Diaz, Philippe Lejeune, MarieFrançoise LemonnierDelpy et Véronique Montémont.

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©BruylantAcademia s.a. Grand’Place, 29 B1348 L OUVAIN  LA N EUVE

ISBN 13 : 9782872099559

Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’éditeur ou de ses ayants droit. Imprimé en Belgique.

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www.academiabruylant.be

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En souvenir de Pierre Pasquet, et de tous ceux qu’écrire des lettres et tenir un journal ont aidés à vivre.

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INTRODUCTION

ournaux personnels et correspondances sont une réalité polymorphe de J s journaux, qui suggèrent des éléments de réponse complexes et parfois qui résiste à toute tentative d’analyse généralisatrice… « Il n’existe pasunJournal sur lequel on pourrait dire des choses simples, mais 1 contradictoires » . Quant à la lettre, elle se caractérise par « l’instabilité de 2 ses formes et la souplesse de son utilisation » . Comment parler d’eux ? En termes de pratiques, de formes, de genres ? Nous utiliserons les trois termes : en effet ils sont à la fois, et selon les contextes, des écritures ordinaires voire utilitaires, des formes de la parole quotidienne qui revêtent un type stable d’énoncé et des textes qui ne répondent pas au critère fictionnel, qui relèvent 3 du régime de « littérarité conditionnelle » et qui se sont peu à peu imposés comme genres, non sans susciter les réticences des critiques et théoriciens. La lettre s’impose dans le domaine littéraire comme un genre avant le journal personnel sans faire l’unanimité : le dictionnaireLarousse1873 déclare de compter les lettres parmi « les genres de littérature » ; « la correspondance 4 proprement dite appartient au genre des mémoires » , déclare Gustave Vapereau ; néanmoins pour Gustave Lanson, « il n’y a pas d’art épistolaire. Il 5 n’y a pas degenre épistolaire: du moins dans le sens littéraire du motgenre » . Quant au journal personnel, point d’article dans leuniversel Dictionnaire des littératuresde Vapereau ; la querelle de sa littérarité divise les critiques dès les années 1880 et ce, pour des décennies. Journaux et correspondances seraient des genres littéraires peutêtre, mais des genres volontiers dits 6 « mineurs » , ou pire… de mauvais genres qui sèment le désordre dans les classifications littéraires. Ces pratiques – puis ces genres – sont réputés pour être faiblement codés : observation dûment prouvée ou lieu commun critique ? Peutêtre seraitil plus juste de parler d’inventivité des scripteurs

1 Philippe Lejeune, « Cher cahier…», Paris, Gallimard, « Témoins », 1989, p. 27. 2 Geneviève HarocheBouzinac,L’épistolaire, Paris, Hachette Supérieur, 1995, p. 3. 3 Voir Gérard Genette,Fiction et Diction, Paris, Seuil, 1991, p. 32. 4 Gustave Vapereau,Dictionnaire universel des littératures,Paris, Hachette et Cie, 1884, p. 527. 5e Gustave Lanson,Choix de lettres du XVII siècle, Paris, Hachette, 1898, p. II. 6 Voir Geneviève HarocheBouzinac,op. cit.,pp. 818.

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dans le cadre de formes, minimalement mais clairement définies, qu’elles soient série d’empreintes datées d’un je à luimême (journal) ou relation écrite inscrite dans le temps entre deux personnes (correspondance). Quoi qu’il en soit et en dépit de l’infinie variété de leurs métamorphoses possibles, journaux et correspondances sont néanmoins – et ce n’est pas le moindre de leurs paradoxes – aisément identifiables. Longtemps réduits à n’être qu’une source de renseignements historiques et biographiques, les journaux personnels et les correspondances sont, au fil de ces dernières décennies, devenus de véritables objets d’étude alors qu’émerge dans le débat critique la question des frontières de la fiction. Si Käte Hamburger (Logique des genres littéraires) puis Gérard Genette (Fiction et diction) et Dorrit Cohn (Le propre de la fiction) ont scruté les critères et les modes de la littérarité, si Genette et Cohn ont examiné les différences narratologiques entre récit fictionnel et récit factuel, la frontière qui partage 7 les domaines de la fiction et de la diction semble à d’aucuns encore très floue , et les perspectives aristotéliciennes – au commencement de la littérature, il y a invention et fiction – font encore de la résistance. « Une littérature du vrai 8 estelle possible » ? La question reste posée . Néanmoins correspondances et journaux personnels sont désormais considérés comme des textes intéressants en euxmêmes et appréhendés dans des perspectives variées, de 9 la pragmatique à la génétique. Chacun des deux genres a ses spécialistes qui ont fourni des outils critiques précieux. Toutefois ces genres voisins n’ont suscité le plus souvent que des approches distinctes. Certes, le Centre d’étude

7 Voir Dominique Rabaté, « L’entredeux : fictions du sujet, fonctions du récit (Perec, Pingaud, Puech) »,Le Chaudron fêlé. Écarts de la littérature, Paris, Corti, 2006, pp. 113128. 8 Cette question a donné lieu à un stimulant colloque en ligne sur Fabula : « Frontières de la fiction », disponible sur Internet : <http://fabula.org/forum/colloque99.php>. 9 En France, pour le journal personnel et intime : Michel Braud, Béatrice Didier, Alain Girard, Philippe Lejeune, Éric Marty, Pierre Pachet, Martine Sagaert, Catherine Viollet… ; pour la correspondance : Bernard Bray, Marc Buffat, Roger Chartier, Loïc Chotard, Cécile Dauphin, Brigitte Diaz, JoséLuis Diaz, Roger Duchêne, PierreJean Dufief, MarieClaire Grassi, Geneviève HarocheBouzinac, Vincent Kaufmann. À l’étranger pour le journal : Peter Boerner, Suzanne L. Bunkers et Cynthia A. Huff, Manfred Jurgensen, Jerzy Lis, Luc Weibel, KlausRainer Wuthenow… ; pour la correspondance : KarlHeinz Bohror, Benedetta Craveri, Anna Dolfi, Janet Gurkin Altman, Benoît Melançon… Voir Bibliographie pour références complémentaires.

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Introduction

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des correspondances et des journaux intimes a organisé en 1997 à Brest un 10 colloque consacré à la fois au journal et à la correspondance . Cependant, la plupart des interventions, aussi intéressantes fussentelles, avaient choisi de traiter de l’un ou de l’autre genre au détriment d’une véritable comparaison ou confrontation.

L’intime, le journal et la correspondance Or, en tant que protocoles d’écriture datée et fragmentaire, la lettre et le journal personnel ne sont pas sans présenter maintes ressemblances formelles. Les itinéraires de leurs mutations historiques se rencontrent e au XVIII siècle : c’est à cette même époque que la lettre et le journal se convertissent d’une certaine manière à l’intime. Pour la lettre comme pour le journal, l’aspect intime, qui nous paraît aller de soi, est pourtant le fruit d’une évolution et, pourraiton dire, un caractère secondaire. Dès le dernier e tiers du XVIII siècle en ce qui concerne la lettre, quelques années plus tard pour le journal personnel, ces deux formes deviennent les lieux essentiels d’une petite fabrique de l’intime, ce qu’exprime bien Barbey d’Aurevilly dans 11 une lettre à Trebutien : « Et puis c’était une lettre, – une vraie lettre, – et non plus de ces billets qui constatent une souffrance et un empêchement. Nous avons refait de l’intimité. » L’intime, cette notion si labile, sera le grand mot e d’ordre du XIX siècle. LeRobert historique de la langue française(édition de 1992) propose 1816 comme datation de l’expression « journal intime », ce qui n’est qu’un repère par rapport à la vérité de l’usage. Si on se réfère à la base de données Frantext (3911 textes français et francophones en février 2009), la plus ancienne occurrence de l’expression figure dans le journal d’Eugénie de Guérin en 1840. Cette expression aura le succès que l’on sait, offrant l’avantage de lever toute ambiguïté et de distinguer la production d’écriture

10 Voir PierreJean Dufief (dir.),Les Écritures de l’intime. La correspondance et le journal, Paris, Champion, 2000. On trouve également dans la bibliographie en langue allemande un article intéressant qui réunit dans son analyse les particularités éditoriales des lettres et journaux : Klaus Hurlebusch, « Divergenzen des Schreibens und Lesens. Besonderheiten der Tagebuchund Briefedition », editio.Internationales Jahrbuch für Editionswissenschaft 9 (1995), S. 1836. 11 Jules Barbey d’Aurevilly,Correspondance générale, t. VI, Paris, Les Belles Lettres et Annales de l’Université de Besançon, 1986, p. 88 (lettre à Trebutien du 23 avril 1858).

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