L'A-Fric de Jacques Fame Ndongo et la rénovation de l'esthétique romanesque

Marie-Rose Abomo-Mvondo/Maurin

Description

"Lire L'A-Fric, c'est entrer dans un univers de signes (...) Mais rarement, les signes et les signaux n'auront été aussi apparents; rarement ils n'auront donné l'occasion de se laisser appréhender avec autant d'acuité pour "dire" la terre camerounaise(...) De nombreux signes (...) composent ce qu'ont en commun tous les moyens de communication utilisés par ce romancier africain pour dire le social de son continent, de son pays et surtout la place de l'Afrique dans le monde."

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Sujets

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Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 septembre 2011
• Nombre de lectures: 94
• EAN13: 9782296468580
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

L’A-Fricde Jacques Fame Ndongo et la rénovation de l’esthétique romanesque

FEMMES ET SAVOIRS Collection dirigée par Alice Delphine TANG

La collection « Femmes et savoirs » intègre tous les ouvrages qui contiennent des savoirs diffusés par les femmes, des savoirs diffusés pour les femmes et des savoirs diffusés sur les femmes. Dans ces rubriques se retrouvent aussi bien les œuvres de fiction (roman, nouvelle, poésie, théâtre, épopée, conte, etc.) que les essais littéraires, philosophiques, ethnologiques, anthropologiques, sociologiques et mythologiques.La collection «Femmes et savoirs » est un espace scientifique dont le but est de donner une grande lisibilité des écrits réalisés par les femmes ou portant sur les femmes.

Déjà parus

EustacheOMGBA AHANDA,Soupirs de l’âme. Poésie, 2011. Jean-PaulADA BEKOA,Misères publiques, Poésie, 2011. SylvieMarieBertheONDOANDO,La réécriture de l'histoire dans les romans de Romain Gary et d'André Malraux, 2010.

Marie-RoseAbomo-Maurin Delphine Tang

L’A-Fricde JacquesFame Ndongo et la rénovation de l’esthétique romanesque

© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com [e-mail] [e-mail]

ISBN: 978-2-296-56516-6 EAN: 9782296565166

PRÉFACE

L'A-Fricde Jacques FAME NDONGO fait partie des textes qui sont destinés à un lectorat d’« initiés ». Ce texteassez hermétique, riche en signes et en symboles, exige plusieurs niveaux de lecture, tant les « lieux qu’il explore » tendent à se superposer, quand ils ne se confondent pas tout simplement, brouillant les limites des savoirs, des espaces et des genres. S'il est vrai que la lecture d'un roman ne requiert pas obligatoirement au préalable une connaissance du contexte de sa production, il est aussi vrai que, de plus en plus, les théoriciens de la littérature se soumettent à l’exigence qu'il y a à considérer le rôle du contexte de création.LorsqueMikhaïl Bakhtine clame dansEsthétique et théorie du romanque « l'objet du genre romanesque, qui le spécifie, qui crée son originalité stylistique, c'est l'homme qui parle et (énonce) sa parole », il cherche tout simplement à souligner l'aspect de la nécessité d'une connaissance de l'horizon linguistique et de la perception des différenciations socio-linguistiques. La prise en compte du social, de l'interaction entre ce dernier et le littéraire, s’impose comme un atout pour le décryptage de L'A-FricdeJacquesFameNdongo.Ce texte brasse plusieurs savoirs : la politique, le mysticisme, la philosophie…Il entremêle plusieurs genres : la poésie, le conte, l'épopée, les dialogues philosophiques… dans un jeu de sonorité et d'onomastique remarquable. L'essai que nous présentent les auteures, à savoirMarie-Rose ABOMO-MAURINetAliceDelphine TANG, est à considérer non pas seulement comme une très bonne initiative pour ouvrir une ou plusieurs pistes de lecture de ce roman qui a été publié en 2008, mais il est également à appréhender comme une 5

inscription, autant dans les nouvelles grilles de lecture des textes que dans l’incursion de l’écriture de la fiction par un théoricien de la littérature et de la sémiotique. Cet ouvrage qui fait un tour d'horizon des principaux points de l'esthétique romanesque de Jacques FameNdongo démontre la modernité de ce roman au sens où l'entendait Baudelaire à son époque.Nous recommandons vivement au public la lecture de cet ouvrage qui décrypte les énigmes de l'écriture romanesque de cet auteur camerounais.

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Les auteures

Introduction LireL’A-Fricc’est entrer dans un univers de signes.On nous rétorquera que ce n’est pas nouveau, que toute lecture d’un texte littéraire est une entrée dans un univers de signes.Mais, rarement, les signes et les signaux n’auront été aussi apparents ; rarement, ils n’auront donné l’occasion de se laisser appréhender avec autant d’acuité pour « dire » la terre camerounaise et, par-là, le continent africain ! Cette volonté de « dire » a besoin de toute la science de l’homme de lettres et du critique littéraire. Elle puise sa force dans la traversée des savoirs accumulés, savoirs susceptibles de conférer du sens au sujet.Rarement, enfin, un texte romanesque n’aura à ce point franchi et déconstruit les limites du genre, transgressé les règles d’écriture classique, pour étendre dans des domaines et des disciplines aussi différents son hégémonie et s’en approprier les éléments ! C’est tout d’abord le continent, l’Afrique, qui s’impose dès la couverture comme un sujet et un thème.CetteAfrique se lit à travers les maux qui la minent : misère, pauvreté, pandémies, épidémies, guerres, injustices.L’Afrique se présente tantôt comme un continent sans fric, au chevet duquel desONGdu monde entier viennent se pencher, tantôt comme une terre à fric qui attire des convoitises et qui se fait exploiter, se laisse se déposséder de ses biens.Ce continent a pourtant connu des hommes d’une valeur incontestée qui ont fait son histoire, de grands guerriers qui ont su imposer leur pouvoir et résister à l’envahisseur.C’est une terre de penseurs, d’hommes de lettres, de culture et de traditions.Bilik devient en quelque sorte la représentation de cetteAfrique ancrée dans mille et un paradoxes.

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Si l’on en croitPaulRicœur, « chaque intrigue s’inscrit dans une tradition de l’art de raconter, au sein de laquelle conformité 1 et innovation entrent en concurrence » . Tel est ce qui apparaît à la lecture deL’A-Fric.En effet, c’est tout d’abord la structure 2 romanesque deL’A-FricdeJacques FameNengagedongo qui la singularité du texte : des récits enchâssés où l’histoire du récit encadrant est prise en charge par un narrateur intradiégétique, une tortue, adhérent au parti duPrésidentKuluNyabibôtô Mefe’e Ebul de Souadjap, alors que la narration encadrée se lit comme une parabole, unexemplum, un mélange des temps passé, présent, et à venir, et dont la morale explicite transparaît en filigrane tout au long de la diégèse.La portée moralisante du roman n’échappe pas au lecteur qui s’attache à décrypter, à travers les mots, le langage des personnages, le style de l’auteur, l’esprit même du récit, les anthroponymes et toponymes, le sens du texte autant que sa valeur.

3 La tortue , personnage principal des contes de la forêt, est de nouveau mis en scène.Mais ce rôle de rusé qui lui a valu une si mauvaise réputation parmi les animaux de nos forêts n’est pas celui qu’on lui assigne. Toutefois, la coalition des animaux qu’il aura trompés, bernés, abusés, coalition qui se présente sous la forme des partisans de BemeNyédja, constitue une force sur laquelle sa ruse, sa finesse et sa sagesse achoppent.Le glissement est subtil qui va du conte au roman, non seulement à partir de la structure enchâssée des récits, mais également par le recours aux mêmes personnages. Ce glissement invite le lecteur à une appréciation politique du texte.

1 Entre hermétisme et sémiotique, p. 12. 2 Nous écrirons désormaisJFNà la placeJacques FameNdongo. 3 Nla tortue ous parlerons toujours de « », personnage du roman deJFN, comme d’un personnage masculin. Toutefois nous respecterons l’orthographie du romancier qui l’écrit avec une consonne initiale minuscule. 8

Il est difficile de nier l’imprégnation du roman par le politique, ne serait-ce que parce que le sujet développé par l’auteur concerne l’Afrique et sa situation par rapport au reste du monde.L’évocation des malheurs du continent met toutefois en évidence la célébration d’une région, celle de la forêt équatoriale.Elle est décrite comme une zone riche en essences diverses, grâce à sa faune et à sa flore.L’invitation est explicite qui convie à l’exploitation et à la mise en valeur, par le travail, de cette terre.Cet appel et cette exhortation recommandent l’ancrage dans le territoire, seule source de prospérité et de salut.Le discours romanesque se fait également militant dans le rapport que leCamerounais devrait avoir avec sa terre, discours qui confirme ainsi la modernité du texte de JFN. Cette modernité, qui passe par l’écriture du politique et du social, par la célébration de ce que le pays et la région recèlent de richesses naturelles, s’enracine également dans la convocation des théories de la transgénéricité et de la transculturalité.Le roman se comporte par moments comme une monographie du « groupe dit pahouin », pour plagier le titre d’Alexandre etBinet.On comprend pourquoi lireL’A-Fricde JFNrevient à entrer dans un univers de signes.

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