Les aventures de la lecture
140 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Les aventures de la lecture , livre ebook

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140 pages
Français

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Description

Un petit livre pour un grand livre... Les cinq essais, ici réunis, souhaitent offrir quelques pistes pour lire ou pour relire un texte majeur de notre culture : Don Quichotte. Voici donc une suite de propositions pour comprendre en quoi Cervantès est l'inventeur du roman moderne, pour apprécier le dialogue entre discours et aventures, le passage des livres de chevalerie au mythe du Livre, pour continuer les randonnées dans la plaine de la Manche, enfin pour adresser un hommage à Dulcinée du Toboso.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2005
Nombre de lectures 16
EAN13 9782336277783
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2005
9782747585910
EAN : 9782747585910
Les aventures de la lecture

Daniel-Henri Pageaux
Sommaire
Page de Copyright Page de titre AVANT-PROPOS 1. L’INVENTION DU ROMAN 2. LA PAROLE ET L’AVENTURE 3. DES LIVRES AU LIVRE 4. RANDONNEES MANCHEGUES 5. HOMMAGE A DULCINEE DU MEME AUTEUR CLASSIQUES POUR DEMAIN
AVANT-PROPOS
Pour l’apprenti hispaniste que j’étais à la fin des années 50, lire « le » Quichotte a été un devoir qui s’est vite changé en plaisir. Je n’avais fait que l’entrevoir au lycée, le temps de courir à ses côtés sus aux moulins et aux moutons. A moins que ma mémoire ne me fasse faux bond, je n’ai pas l’impression qu’il ait été très présent en lettres supérieures ni dans mes programmes de licence. Rien en tout cas, je suis catégorique, l’année de l’agrégation. Il était entendu qu’il nous fallait lire ce chef-d’œuvre, comme une sorte de rite d’initiation librement consentie. En revanche, nous devions nous battre avec d’illustres minores du Siècle d’or qui semblaient avoir écrit des histoires spécialement conçues pour des exercices de traduction.
Mon contact premier et réel avec le roman de Cervantes s’est fait pendant l’été de 1956, année où je découvris l’Espagne, l’antique royaume de León avant tout, de longues semaines, un peu de vieille Castille et Saint-Jacques. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ce qui fut pour moi, pour mes yeux, pour mon esprit, une découverte émerveillée. Aujourd’hui comme hier, je sais qu’il faudrait que j’assortisse ces mots de précautions d’usage. De quel usage, au juste ? L’usage du monde, universitaire entre autres. Cet usage ne peut rien contre ce que l’on nommera avec Proust les intermittences du coeur.
L’ Ingénieux hidalgo commençait ainsi en moi une sorte de carrière clandestine, en marge des occupations auxquelles il fallait se soumettre : l’évolution des voyelles en vieux castillan, les vertus poétiques de l’arte mayor chez Juan de Mena sur trois cents strophes, dans un poème justement appelé Las trescientas, l’éloquence vertueuse, mais verbeuse du Père Las Casas, autant de sujets qui faisaient apparaître le Modernisme hispano-américain comme une terre promise. Il y avait quand même Pérez Galdós, le grand, le seul romancier du XIXème siècle avec Clarín, dont l’ironie douce-amère ou telle liberté prise avec les conventions romanesques montraient à quel point Cervantes avait laissé sur son inspiration et son style des traces durables.
Le roman qu’il m’a fallu étudier, et je ne regrette pas les efforts qu’il me coûta, ce fut le Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán. J’ai gardé de cette lecture quelques idées assez nettes sur ce qu’est « la » picaresque à son apogée, ce qui n’est pas la meilleure introduction à l’étude « du » picaresque, revu et bien corrigé par les comparatistes qui montrent, dans le cas d’espèce, qu’ils ont le coeur innombrable et la vue large.
Je n’ai guère été surpris de lire, plus tard, la belle préface qu’un de mes maîtres, Maurice Molho, a donnée à l’anthologie de romans picaresques dans la collection de la Pléiade. Il y soutenait, non sans raison, la parfaite inactualité de ce genre, des problèmes sociaux et moraux tels qu’ils apparaissaient sous la plume de Mateo Alemán. C’est ici que le Don Quichotte peut faire un éclatant retour et nourrir un parallèle tout en sa faveur. Sans doute faut-il se méfier de ce qui est qualifié d’actuel ou de moderne. Je préfère parler de « contemporain », c’est-à-dire d’expressions artistiques et culturelles qui peuvent nous parler parce que nous sommes capables de les écouter et de les entendre. Et il faut reconnaître, je reconnais, quant à moi, que l’écriture de Cervantes est à la fois, à l’oreille, datée (comment en serait-il autrement ?) et étonnamment proche (je l’entends, je la sens ainsi) par son humour, ses sous-entendus, ses fausses naïvetés, celles de Sancho, bien sûr.
Il se passe avec le Don Quichotte ce qui est arrivé aux livres de chevalerie à l’époque où l’hidalgo se lançait sur les routes de la Manche. Ils étaient vieillis, périmés et pourtant tout le monde prenait encore plaisir à les lire, ou à les entendre lire. Un des plus beaux passages du roman, c’est la scène qu’évoque l’aubergiste, lorsque l’été est là (I, XXXII) :
« Quand vient le temps de la moisson, une foule de moissonneurs se rassemble ici les jours de fête, et il en a toujours un au moins qui sait lire ; il prend un de ces romans, on se met à plus de trente autour de lui, et on l’écoute avec tant de plaisir qu’on oublie tous nos soucis. J’avoue que, quand j’entends parler de ces terribles coups d’épée que se distribuent les chevaliers, ça me donne envie d’en faire autant, et que je resterais à écouter ces histoires la nuit et le jour ».
Je donne ici comme pour les autres essais la traduction d’Aline Schulman (Seuil, 1997, 2 vol.). Quand il m’arrivera de recourir au texte espagnol, j’utilise l’édition de Martin de Riquer qui a connu plusieurs rééditions. Celle que j’utilise est la première procurée par la Librairie des Editions espagnoles, rue de Seine à Paris qui n’existe plus. Elle venait de sortir en 1955 lorsque je l’ai achetée. D’autres ont suivi, mais c’est à celle-ci que je suis toujours revenu.
Revenons à l’aubergiste, amateur de romans de chevalerie. Le curé, parti à la recherche de Don Quichotte, le met en garde : son amour pour ce genre de littérature risque de le rendre fou comme Don Quichotte :
« Il n’y a pas de danger, dit l’aubergiste ; je ne serai jamais assez fou pour devenir chevalier errant. Je vois bien qu’aujourd’hui le monde n’est plus comme il était en ce temps-là, quand ces fameux chevaliers parcouraient la terre en quête d’aventures ».
Puisque l’aventure réelle n’est plus possible, il reste les aventures de la lecture. Mais elles ne sont pas sans danger. L’obstacle majeur, c’est l’indéniable ancrage du texte dans une époque dont la compréhension nécessite certaines connaissances érudites. Comme le dit l’aubergiste « les temps ont changé ». Mais ce chef-d’œuvre qui a suscité tant de lectures diverses (il suffit de voir le bel ouvrage que vient de publier à ce sujet Jean Canavaggio, Don Quichotte du livre au mythe. Quatre siècles d’errance, chez Fayard) est d’abord un texte qui dialogue avec son temps. « Le temps du Quichotte »... Il y a un petit article de l’historien Pierre Vilar qui porte ce titre. Il a été publié en 1956 dans la revue Europe . On peut avec profit s’y reporter, comme l’on dit en Sorbonne. Plus récemment, Augustin Redondo a rassemblé une somme impressionnante d’études sous le titre Otra manera de leer el Quijote (Madrid, Castalia, 1997). L’attention portée aux traditions culturelles, populaires en fait un guide précieux.
A ces noms qui me sont venus à l’esprit, je pourrais en ajouter d’autres. Mais je veux ici mentionner la thèse monumentale de Marcel Bataillon, non pas maître, mais modèle, exemple, pour les quelques pages illuminantes qu’il accorde à Cervantes dans son Erasme et l’Espagne, (1937, Droz, réed. 1992). Ces quelques titres devraient rendre prudent quiconque se hasarde à publier « quelque chose » sur le Quichotte. Alors pourquoi ce petit livre ?
Vers la fin du siècle dernier (défense de rire...), je suis non seulement revenu au roman de Cervantes, mais le hasard (on dit « le diable qui ne dort pas toujours » quand on a lu le Quichotte) m’a amené presque coup sur coup à publier deux interventions qui occupent dans le présent volume la première et la troisième place et qui sont ici remaniées.
Je ne crois pas avoir cédé trop naïvement à l’occasion qui s’offrait en cette année de IVème centenaire de la sortie de la première partie du Quichotte . Mais il est vrai que le dernier texte donne la matière augmentée et revue d’une conférence que je viens de présenter à la Sorbonne, à l’occasion du cycle organisé, de façon fort opportune et utile, par mon collègue et ami Pierre Brunel.
Pour les deux autres textes, le deuxième et le quatrième, j’ai rassemblé des notes bien diverses, j’ose penser qu’elles ne sont pas trop disparates et j’ai souhaité, en réunissant ces contributions,

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