La lecture à portée de main
Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 octobre 2010 |
Nombre de lectures | 74 |
EAN13 | 9782296261716 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 5 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Introduction
Jacques DOMENECH
Université de Nice-Sophia Antipolis
La problématique à étudierconcerne l’établissement, l’édition etla
réception de l’œuvre, avec, comme corollaire, lestatutde l’auteur,
longe e
temps sous-estimée auxXIX etXXsiècles. L’œuvre, «tableaudesmœurs
du temps» pourSainte-Beuve etlesGoncourt, atrès souventétésollicitée,
utilisée, dansle meilleurdescas, pourillustrer surlevifL’idée du bonheur dans
e
la littérature et la philosophie françaises du XVIIIsiècle, comme l’a
faitexcellemmentRobertMauzi.
D’autresemploisn’étaientpasdépourvusd’arrièrepensées. Soucieuxde faire oublier une écriture desoi encombrante, Gustave
Charlierposait une question pertinente maisintéressne faée :udrait-il pas
situerlesPseudo-Mémoiresentre lesConfessions duComte de***de Duclosetles
Liaisons dangereuses?Lerapprochement seveutcertesflatteur. Bien des
critiques, à l’image d’Émile Henriot,s’entiennentaupire, c’est-à-dire à la
vision partiale,voire fantasmée, de la polémique entre frèresennemis, entre
Rousseauetlesphilosophes. Lerôle de Madame d’Épinay, la diversité de
son œuvresontcaricaturés, négligés, oubliésougommésparleséditeurs, les
commentateursetlescritiquesqui occupent seulsleterrain de ce combat
artificiellement ressuscité. Madame d’Épinaymeurten 1783. Il fautattendre
1951 pourque l’Histoire de Madame de Montbrillant, ouvrage posthume publié
de manièretronquée en 1818, puisse être ludans son intégralité.
J.C. BrunetBoiVolland, P., P.teauEna, L.ult, G.Roth, É.Badinter, chaque
éditeura « baptisé » l’œuvre, lui a attribuéuntitreselonun
choixcommercial ou un parti prispersonnel. Dansle meilleurdescas, l’initiativesingulière
reflèteune lecture et une conception de la nature de l’œuvre.
Qualifiée ironiquementde «philosophe » à dixans, d’aprèsl’Histoire de
Madame de Montbrillant,Madame d’Épinay s’est révPhiloélée comme
«sophe » au sensde Bayle etde Dumarsais. Madame d’Épinayconserve l’esprit
de ceuxqui ontcollaboré à l’Encyclopédiedans sa participation aux tâchesde
laCorrespondance littéraire. Larecherche etl’innovation
pédagogiquesconstituent unthème de prédilection dans son œuvre. Cette préoccupation
apparaîtliée à l’écriture desoi età l’écriture féminine dansl’Histoire de Madame de
Montbrillant. Son originalitésurgitdanslesLettres à mon fils,publiées« à
10
JacquesDOMENECH
Montbrillant», lieude naissancesymbolique de cette femme de lettres, où
elle imprimesespremièresœuvres. Laréférence à la morale desentiment,
fondementnon confessionnel de la morale pourla plupartdesphilosophes
desLumières– de Montesquieuà Rousseau, de Voltaire à Diderot– est
permanentde. Madame’Épinay structureson discourspédagogique autour
du« cœur», de la «vertu» etdu« bonheur» etannonce
ainsiunetranscendance prconoche de la «science, instinctdivin, éternelle etcélestevoix»
d’Émile. Le parti prisphilosophique ethumanisteseretrouve dans ses
Conversations d’Émilie, livre où sa petite-fille estmise aucentre de l’œuvre
(Leipzig, 1774). Cette œuvre estcouronnée en 1783parl’Académie
française, institution oùlesphilosophesetleurspartisansmajoritairesavaient
élud’Alembert secrétaire perpétuel. Il appelaitdeses vœux un « catéchisme
philosophique » quisesubstituerait, pourlesgénérationsàvenir,
auxcatéchismes religieux. L’émancipation de la femme, l’éducation préconisée pour
le filsetla petite-fille passentpar une laïcité bien comprise,une conception
de la philosophie qui n’est soufflée parpersonne.
Épistolaritéetphilosophie
L’épistolarité, constante etdominante danscette œuvre bien
caractéristique d’unsiècle philosophe, estdonc devenue le genre choisi pourla
composition etla parution desa première œuvre d’importance, lesLettres à mon
fils(Genève, 1759). Madame d’Épinay trouveun autre épanouissement
d’écriture danslaCorrespondanceavec l’abbé Galiani (cinqvolumes, éd.
Desjonquères, Paris, 1992-1997).
L’écriturefémininedansl’ensembledesonœuvre
Des« nouvelles» ouplutôt un «théâtre/roman » de Madame d’Épinay
paraît un an aprèsleParadoxe ducomédien.Cesontdeux« comédies» créées
pourêtre luesplutôtquereprésentées, publiéesdanslaCorrespondance
littéraire, puisparMaurice Tourneux(A. Lemerre), éditeurde Diderot.L’amitié
de deuxjolies femmesetUn rêve de Mademoiselle Clairon: cesdeuxœuvresne
seraient-ellespasplutôtdeux« dialogues» à la Diderot ?À
diversesoccasions, Madame d’Épinayaide Diderotqui dirige laCorrespondance littéraire
pendantlesabsencesde Grimm, notammenten 1771. Cette année-là, elle
donne cesdeux« dialogues» à la demande de Diderot. Cesdeux textes
furentadressésauxabonnés royauxetprinciersde Grimm... Ellesupplée
ainsi à la disette descomptes rendusdramatiquesdontelle étaitchargée.
Jean-JacquesRousseaufait un commentaire plutôtdéfavorable dansles
Confessionssurce goûtpourl’écriturethéâtrale.On a la confirmation, dans
l’Histoire de Madame de Montbrillant, qu’ils’agitd’unthème de prédilection
INTRODUCTION
11
dans les dialogues impliquant Desbarres/Duclos surl’éducation, Garnier/
Diderot sur un dialogue quireprend des thèmesduSupplémentauVoyage de
Bougainville…Etque dire de l’écriture pathétique de certaineslettres, du
journal quisertl’écriture desoi auféminin de Madame de Montbrillant/
d’Épinay…
Madamed’Épinay/MadamedeMontbrillant:écrituredesoioufic-
tion?autobiographiedéguiséeouautofiction?
Madame d’Épinaya publié,sousl’anonymat,son premierécrit, à
caractère autobiographique,Mes moments heureux(Genève, 1758), qui l’a fait
connaître desonvivant. Madame d’ÉpinayouMadame de Montbrillant ?
Depuisla parution posthume de l’Histoire de Madame de Montbrillant, en 1818,
chaque éditeuravouludonner untitre à cette œuvre hybride. S’agit-il d’un
« longrde «mémoioman »,res», d’hybridation dansl’écriture desoi?
L’autobiographie de convenancese pare d’un «longrcompleoman »xe et
singulier. Portrait, autoportrait, journal, miroirépistolaire d’une femme en
mouvement:son existence,sa naissance,son émergencesont rapportées
parelle-même. Madamed’Épinay se constitue, devientfemme
desLumières.
Prolégomènesàtoutebibliographie,biographieetàl’établissement
d’œuvrescomplètes
Femme desalon à la Chevrette, hôtesse de Jean-JacquesRousseauà
l’Ermitage, collaboratrice de laCorrespondance littérairede Grimm etDiderot,
Madame d’Épinayavécuparmises« ours» qu’elle asuapprivoiserau
moinspour untemps: Duclos, Francueil, Rousseau, Grimm, Diderot…
Madame d’Épinay s’estaffirmée commevéritable écrivain philosophe des
Lumières. C’estainsi qu’elle futconsidérée pardesgensde lettresfort
distincts, commeson ami Galiani, Voltaire, d’Alembert, d’Holbach,
SaintLambert, Marmontel… Dépourvue d’espritdesystème, Madame d’Épinaya
constituéun corpusoriginal etnovateur. L’œuvre, mêmesi elle
futpartiellementetmal éditée, jouitd’unrayonnementinternational, notammenten
Italie, en Allemagne etdanslespaysanglo-saxonsoùl’ontrouve éditions,
traductionsetouvragescritiques. Deux thèses récentesontdéjà permis
d’avancer, qu’ils’agisse de l’histoire, de la civilisation (P.Tyl,Madame
d’Épinay – Son salon et son œuvre littéraire, U. ParisI, 1993, dir. DenisRoche,
historien, Collège de France) oude la littérature, desLumières(O. David,
L’Écriture de soi auféminin. Subversion idéologique etformelle dans l’Histoire de
12
JacquesDOMENECH
1
Madame de Montbrillant, U. Nice,2005, dir. JacquesDeDomenech ).ux