L ombre de la première aube
110 pages
Français

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L'ombre de la première aube , livre ebook

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Description

« Camille vit dans ce lieu quelque chose de sauvage, d’indompté… Jardin primitif que la main de l’homme n’avait pas encore touché… »

Camille, une citadine montréalaise, nouvellement retraitée, décide de changer radicalement d’existence en réalisant un ancien rêve : vivre en rapport direct avec la nature du Manitoba.
À Winnipeg, un SDF nommé Mats se voit contraint de squatter un sas de ventilation afin de survivre aux rigueurs de l’hiver. Témoin d’un meurtre odieux, il s’enfuit.
Commence alors une course poursuite qui va les rassembler dans une aventure haletante au cœur de l’hiver canadien. Un savant mélange d’aventure et de polar sur fond de nature humaine et de nature tout court…

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782304046731
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0025€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L ombre de la première aube


Marie Riffaterre

Editions Le Manuscrit 2017
ISBN:9782304046731
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
 
À ma Jeannette.
Han Yu naquit en l’an 768. Un jour, il déploya les cinq doigts de sa main. Il dit énigmatiquement qu’il avait encore entre chacun de ses doigts l’ombre de la première aube. Retrouver l’aube partout, partout, partout, c’est une façon de vivre.
Pascal Quignard
 
Prologue
 

 
Février 2017
Camille pelletait la neige avec de grands gestes. Elle désirait atteindre le sol gelé et, avec sa pioche, dégager un ou deux bulbes comestibles qu’elle savait présents dans le coin de son ancien potager. Au bout d’un long labeur, elle finit par sentir, du bout des doigts, des tubercules de petite taille qui allèrent rejoindre les quelques éléments de sa cueillette dans la panière qui pesait peu sur ses épaules. Elle n’en avait nullement besoin mais Camille avait ressenti un appel impérieux, la poussant avec sa chienne vers l’extérieur.
Ayant laissé Mats dans la grotte, elle avait eu envie de toucher du doigt ce lien entre eux, ce fil invisible mais bien réel qu’elle savourait à cet instant présent. Elle se redressa et jeta un coup d’œil au-dessus d’elle. Bientôt, on n’apercevrait aucunement la fenêtre avec ses volets fermés sur l’immense paroi. Ils devaient enduire les persiennes de bois avec de la terre et des plantes qu’ils auraient bien du mal à déterrer. Camille les imaginait déjà croulant, gelées, le long des roches et personne, ne pouvant moindrement imaginer, l’existence d’une grotte blottie à l’intérieur de la colline ! Ils n’allumeraient le feu qu’à la nuit tombée et la fumée se fondrait alors dans la noirceur de l’obscurité. Mais après tout, peut-être que toutes ces précautions ne seraient pas nécessaires…
Ses pensées déclenchèrent en elle un bref éclat de bonheur, déposant sur ses lèvres un sourire. Elle se savait peut-être exposée au danger, là, dehors, dans un monde incertain et malgré la présence rassurante du viseur de Mats qui, de loin, ne la quittait pas. Mais, pouvait-elle empêcher la joie, même fugace de l’envahir ? De minuscules flocons se mirent à tourbillonner autour d’elle et elle laissa ce sentiment d’émerveillement danser avec eux.
Dans quelques instants, elle remonterait au chaud et à l’abri. Elle imagina l’agacement de cet homme de la voir ainsi s’attarder et lui fit un signe de la main qui se voulait apaisant. Elle éclata de rire soudain. Comme elle s’était trompée sur elle-même ! Elle s’était crue assez forte pour vivre seule, seule comme au premier jour, bercée d’idéaux, de visions poétiques d’une vie au contact d’une nature sauvage et belle. Quelle prétention d’avoir cru que son esprit était assez fort pour modeler l’extérieur à son image ! Grossière erreur !
Camille avait d’abord appris que la nature possédait une beauté impitoyable car dénuée de sentiments et que de le savoir suffirait à la protéger. Cela avait marché le temps d’un rêve éveillé qui avait fini par éclater comme une bulle irisée. Mais la nature n’appartenait pas à sa race, elles restaient étrangères l’une à l’autre, étaient aussi éloignées l’une de l’autre que deux planètes dans le cosmos malgré leur appartenance à ce dernier. « J’appartiens à la race humaine dont les nombreuses failles révèlent également de l’altruisme, de la bonté et de l’amour. Elle parle mon langage et je me dois de rester en son contact. Je dois me trouver un entre-deux : vivre au contact de la nature certes mais exister également au contact de mes semblables. Vais-je pouvoir le découvrir avec Mats que je connais si peu mais reconnais pleinement ? » Lui revint alors en mémoire une autobiographie oubliée, à laquelle elle n’avait pas pensé jusqu’à présent : Walden ou la vie dans les bois , de Henri David Thoreau. Né au XIX e  siècle, il avait voulu vivre la même l’expérience solitaire auprès de cette nature afin de s’y renouveler… Il lui sembla alors que depuis toujours, quelqu’un, quelque part dans le monde, désirait se frotter, seul, à cette dernière comme un retour aux sources au goût d’Éden : tout d’abord il la frôlait du doigt, émerveillé puis s’y heurtait et finissait par s’y perdre car trop fragile. Il avait suffi d’un regard de Mats pour qu’elle sorte à temps de l’erreur et elle revit également le regard affectueux de tous les autres à La Rivière .
Une volée de flocons se posa avec une douceur de soie sur son visage. Le temps de remonter durant vingt bonnes minutes, elle devait maintenant se hâter. Jetant un regard soudain inquiet à la forêt qui, en face d’elle, s’obscurcissait déjà, elle s’engagea sur le sentier. Les yeux plissés sous la violence de la neige qui commençait à tomber dru, elle régla son souffle sur le rythme de ses pas…
 
 
Première partie Camille (1 an auparavant : mai 2016)
Chapitre 1
 

 
Combien il était étrange que la vie bien ordonnée que l’on avait prévu de suivre et ressemblant au cours d’une petite rivière aux flots pétillants mais pas trop impétueux, se retrouve morcelée et jetée dans le caniveau d’une grande ville ! Comme cela, en quelques minutes. Sans l’avoir aucunement prévu. En étant à cent lieues de l’avoir moindrement imaginée même dans ses rêves les plus fous. Et non pas par accident, mais sciemment, en un choix hautement délibéré.
Quelques petites remarques banales et de mise, lors d’un pot de départ à la retraite… Elle, souriant, un verre de jus d’orange à la main ; eux, gentils, une flûte de champagne aux lèvres et la ville tout autour, feutrée par les doubles vitrages et le soleil descendant vers la fraîcheur du soir. Une soirée d’avril en plein cœur de Montréal qui commençait à s’ébrouer d’un long hiver. Elle discernait sans vraiment la voir une flaque de lumière se jouant avec les minuscules bourgeons ornant le faîte des arbres lorsqu’on lui demanda ce qu’elle allait faire de tout ce temps qui lui était maintenant octroyé.
Face à elle, l’ombre d’une aile recouvrant la tache lumineuse l’espace d’une seconde la déstabilisa et l’empêcha de parler immédiatement. Pourtant, elle allait répondre, comme il se devait, qu’une existence en ville était synonyme de visites de musées, de spectacles, de cinémas, de conférences, de confort, de douceur. Oui, de repos et d’enrichissement intellectuel. Que pouvait-on désirer de mieux pour un professeur d’université soudain à la retraite ?
Au moment où elle ouvrait la bouche pour exprimer ses souhaits, un collègue avança un peu brutalement qu’elle devait accomplir ce qu’elle n’avait jamais pu faire dans sa vie, qu’étant en bonne santé et sans soucis majeurs d’argent, elle se devait d’être enfin elle-même. La bouche ouverte, elle allait répondre un peu vertement que c’était à elle de décider lorsqu’elle prit conscience qu’il avait raison. Ce qu’elle allait énumérer avait été sa vie durant trente ans aussi referma-t-elle les lèvres puis déclara que finalement, elle n’en savait rien. Au moment même où elle prononçait ces mots, elle se sentit tout étourdie face à un avenir si soudainement et totalement nu.
Une fois dehors, elle traversa le campus sans vraiment le voir et contempla la vue merveilleuse de la ville en contrebas. Quelques écureuils qui commençaient à sortir de leur antre la laissèrent insensible et elle resta dans cet état d’esprit dans le métro bondé qui la ramenait chez elle, au 374 rue Villibrord. Il lui semblait ne plus rien voir qu’une foule anonyme et sa propre personne plantée seule et invisible, en son milieu. Elle devait faire le vide afin de mûrir ce qui allait forcément surgir du néant.
Au moment où elle sortait les clefs de son sac, elle aperçut une petite tache blanche de camomille émergeant du bitume. Deux fleurs lançaient leurs pétales minuscules vers la lumière d’un printemps proche et ce fut alors qu’elle sut.
La nudité de son avenir à Montréal l’emplit totalement et une amorce de pensée fit lentement su

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