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Description
Sujets
Informations
Publié par | Le Lys Bleu Éditions |
Date de parution | 27 mai 2019 |
Nombre de lectures | 7 |
EAN13 | 9782378779917 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Caroline Meva
Les supplices de la chair
Roman
© Lys Bleu Éditions – Caroline Meva
ISBN : 978-2-37877-991-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivant du Code de la propriété intellectuelle.
Du même auteur :
Les Exilés de Douma , en trois tomes, parus aux Éditions L’Harmattan, Paris.
— Tome 1 : Les Sentiers de l’Exode . Septembre 2006
— Tome 2 : Ombres et Lumière sur la Forêt . Décembre 2007
— Tome 3 : Tempête sur la Forêt . Mai 2014
« Pas d’injures à ces malheureuses que vous coudoyez le soir dans la rue. Souvenez-vous que la plupart ont été livrées à la prostitution par la faim et se sont laissé tomber dans le ruisseau pour ne pas se jeter à la rivière. »
Victor Hugo : Post-scriptum de ma vie.
L’hôpital du bon secours
J’ouvre les yeux. Tout est flou autour de moi ; une lueur, des formes blanchâtres qui se déplacent. Un bruit de tambour qui semble venir de loin me martèle les oreilles. Je me rends compte qu’il s’agit des battements de mon cœur. Je ressens une gêne diffuse, un froid intense, douloureux. Des questions angoissantes me turlupinent : où suis-je ? Qu’est-ce que je fais là dans cette pénombre cotonneuse ? Je m’efforce de retrouver ma mémoire. Instinctivement, je m’interdis de bouger. Peu à peu, ma vue s’éclaircit. Je perçois mieux mon environnement, mais ma vision latérale est quasi nulle. Un visage inconnu se penche sur moi, puis s’éloigne. Je sens une certaine agitation autour de moi. Des mains me palpent. La douleur aiguë d’une piqûre me transperce la cuisse gauche. On me frotte vigoureusement les pieds. Je n’ai aucune sensation sur ma jambe droite. Quelque chose m’encombre le nez et me racle la gorge.
Après un moment de solitude et d’anxiété, mes idées se remettent peu à peu en place. Je me souviens du vertige, de la sensation de lourdeur paralysant mon bras gauche, de l’horrible pression qui me broie la poitrine et me coupe le souffle. Je me souviens de la tasse de lait qui m’échappe des mains et qui se brise sur le carrelage de la cuisine, lequel semble monter à une vitesse fulgurante vers ma figure. Je me rappelle que, pendant un moment qui m’a paru une éternité, j’ai fait cette expérience dont j’ai si souvent entendu parler, et qui provoquait chez moi un ricanement incrédule. Oui, je l’ai vécue. J’ai vu défiler devant mes yeux, comme dans un film, par flashs successifs, certains épisodes de ma vie, de ma plus tendre enfance dont je ne me souvenais même plus, jusqu’à cet instant-là. Ensuite, plus rien. Le trou noir.
Une forte odeur de médicaments me fait comprendre que je suis sur un lit d’hôpital. Je ne souffre pas, mais je suis dans un état vaseux. Un visage aux contours brouillés se penche sur moi, et une voix me susurre :
— Madame, je suis le Docteur Bama. Vous avez eu un malaise et vous êtes aux urgences de l’Hôpital du Bon Secours. Nous allons vous faire des examens complémentaires. Cela nous permettra de poser un diagnostic exact de votre état pathologique ; nous pourrons ainsi vous prendre en charge plus efficacement. Ne vous inquiétez pas, mes collègues ici présents et moi-même, allons bien nous occuper de vous.
J’entends les mots, mais leur signification m’échappe à l’instant où ils sont prononcés. C’est avec un léger décalage que je peux les réagencer comme dans un puzzle et en décrypter le sens. Le jeune médecin a probablement vu le désarroi dans mon regard. Il est chaleureux, il me rassure ; je pense que je suis en de bonnes mains. Après les examens faits en urgence, il s’avère que mon insuffisance cardiaque s’est aggravée, et que j’ai fait un infarctus du myocarde ; le deuxième en six mois. Ce diagnostic sonne comme une condamnation sans appel, un arrêt de mort. Il y a huit mois, j’ai fêté mes soixante-quatorze ans au milieu des miens ; mes deux enfants, mes six petits-enfants, mes deux arrière-petits-enfants et même la fille de mon arrière-petite-fille, âgée de sept mois. Oui, je suis une aïeule avec une nombreuse progéniture, mon ultime fierté. Je laisserai une trace indélébile de mon passage sur terre. Je continuerai à vivre à travers mes descendants par mon sang, le sang de mon sang. De toute façon, il est évident, vu mon âge et la dégradation de mon état de santé, que le nombre d’années qu’il me reste à vivre s’est réduit comme peau de chagrin. Je suis consciente que je vis probablement mes derniers moments sur terre, et que je peux tirer ma révérence à tout moment. Cette pensée, loin de m’effrayer, me laisse indifférente, bien trop attentive que je suis, à suivre les sensations que me renvoie mon vieux corps martyrisé.
Je tends l’oreille. Je me concentre sur les battements de mon cœur au bord de l’épuisement. Katoum, katoum, glop, lig, lig, toum, tom, katoum glop, glop , fait-il. Les katoum, les toum, les toms, les lig et les glops se succèdent à un rythme irrégulier, à intervalles plus ou moins longs. Mon cœur s’affole dans ma poitrine tel un oiseau resté trop longtemps en cage et qui veut reprendre son envol, reconquérir son indépendance, s’en aller vers la liberté. Mais de quelle liberté parle-t-on ici ? Il me semble qu’il n’y a plus qu’une issue, certaine, incontournable, inéluctable : c’est la mort, le repos éternel, le néant. Si liberté il y a, elle sera de courte durée ; éphémère comme la vie d’un condamné à mort sur le lieu de son exécution ; éphémère comme la vie d’un malade du cancer en phase terminale à qui le médecin dit : « Rentrez chez vous, auprès des vôtres. Il ne vous sert plus à rien de rester à l’hôpital ; vous n’avez plus que deux, quatre, tout au plus, six mois à vivre. ». Mon cœur malade s’épuise dans ma poitrine. Ce cœur qui a irrigué mon corps pendant plus de sept décennies ; ce cœur qui a aimé, parfois jusqu’à la folie, qui s’est brisé de chagrin, qui a frémi de peur et d’espoir ; ce cœur qui s’est enflammé de colère et qui a haï. Oui, dans ce cœur-là se cache l’histoire de ma vie, que j’estime, tout compte fait, bien remplie.
Mes relations avec la gent masculine n’étaient pas de tout repos ; c’étaient essentiellement des rencontres ponctuelles sans importance, consommées dans l’indifférence ; des rapports dans lesquels la violence était omniprésente, et d’où je sortais brisée, trahie, déçue par le mensonge, l’inconstance, la félonie des hommes. Ceux-là me faisaient trop penser à mon père, Emomoro , l’ogre de ma jeunesse et ses attouchements qui me soulevaient le cœur, et à mon cousin Mani, ce pervers qui m’avait violée. Ces deu
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