Bury My Heart
56 pages
Français

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Description

May Phelan a abandonné une carrière prometteuse pour s’occuper du domaine équestre familial de Green Alley en Géorgie, dans le sud-est des États-Unis.
À la mort de ses parents, elle a hérité de cette plantation qui appartient à ses ancêtres depuis plusieurs générations.
Ce lieu riche de mystères, de drames irrésolus, d'injustices, est marqué par l’Histoire. Le fardeau de l’esclavage et les secrets de famille y ont laissé leur empreinte.


Peu après son retour, May ressent un malaise grandissant.


Le domaine est au bord de la ruine ; de plus, un danger couve, la jeune femme en perçoit la menace.


Tout l’oppresse et l’arrivée d'Aden Templar, un séduisant millionnaire dont elle monte la jument, ne lui rend pas la vie plus facile.
Cet homme énigmatique l’attire autant qu’il la décontenance.


Que cherche-t-il, avec son regard de braise et ses questions ? Est-il digne de confiance ?


Pour ne rien arranger, des manifestations étranges semblent indiquer que le vaudou noir sévit encore à Green Alley. Qui en veut à May ? Aden saura-t-il apprivoiser cette âme rebelle ?


Ces deux êtres éperdus arriveront-ils à trouver la voie du bonheur ?



Une histoire de passion où se mêlent amour, quête d’identité et suspense.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 février 2020
Nombre de lectures 116
EAN13 9782378121891
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Bury My Heart







Prologue
An de grâce 1859, le 21 décembre, Black Creek, Plantation de Green Alley , Géorgie.
L es grands chênes agitaient leurs branches tourmentées dans le vent. La mousse espagnole dont ils étaient couverts leur donnait un aspect fantomatique. Aucun oiseau n’était visible alentour. C’était comme si la nature s’était tue. Laura Phelan, le visage impénétrable, s’adressa aux deux femmes en haillons, qui se tenaient, les mains liées, face aux esclaves réunis au pied du dernier chêne de l’allée. Au fond du couloir végétal, se dressait la maison principale, vaste demeure entourée de piliers aux airs de temple grec.
— Pascagoula Kunte et Myriam Kunte, vous avez été reconnues coupables de sorcellerie. Vous êtes, par conséquent, condamnées à la pendaison jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Un silence pesant régnait au sein de l’assemblée. Les enfants, sales et faméliques, dansaient d’un pied sur l’autre, mal à l’aise, pendant que leurs aînés, le cœur lourd, baissaient les yeux, ainsi qu’ils avaient appris à le faire sous la brûlure du fouet. Maîtresse Phelan ne tolérait aucun manquement à l’obéissance ; sa réputation la précédait dans les réunions de propriétaires terriens, où son autorité planait sur ses pairs comme elle écrasait ses serviteurs. D’esprit vif, son immense fortune lui permettait toutes les insolences. Un mince sourire étira ses lèvres pincées, alors qu’elle contemplait ce ramassis de travailleurs loqueteux, leur regard atone, soumis. L’exercice du pouvoir la rassasiait avec plus d’efficacité qu’une charogne pour un condor. L’un des ouvriers du coton, la trentaine (mais ceux-là faisaient tous plus vieux à s’épuiser dans les champs), tenait son bras meurtri contre lui. Le sang, encore frais de la réprimande matinale, maculait sa chemise de grosse toile. À côté de lui se tenait l’Ancien, celui que tous les esclaves révéraient ; Laura Phelan avait décidé de le garder car, par son exemple, il maintenait la cohésion et le calme au sein de ces brutes à moitié sauvages. La mère et la fille écoutaient la sentence avec dignité, la tête haute, les yeux rivés à ceux de la matrone. Cette dernière continua :
— Vos corps seront brûlés, leurs cendres éparpillées dans les marais, mêlées à la fange des alligators que vous chérissez tant. Que Dieu ait pitié de votre âme, si vous en avez une !
Elle prononça ces derniers mots avec mépris, puis donna l’ordre. Alors, la voix de Pascagoula s’éleva, grave, presque sépulcrale dans la plainte étrange formée par les cent souffles retenus. Ses frères et sœurs dans le malheur pressentaient ce qui allait suivre et personne, pas même cette Blanche toute-puissante, si arrogante et dominatrice, ne pourrait empêcher la disgrâce de s’abattre sur sa famille tel un oiseau de proie, cruel et implacable :
— Que ta méchanceté, Laura Phelan, se retourne contre ta descendance. Que tes enfants, jusqu’à la septième génération, soient témoins de la destruction de ton œuvre. Je te maudis, toi et ton clan et j’en appelle aux esprits de la terre, de l’eau, de l’air et du feu pour…
Elle n’eut pas le temps de conclure. L’un des hommes de main la frappa au visage avec la crosse de son fusil. Elle s’écroula, sonnée.
— … Pour garder mémoire de tes méfaits en ces lieux mêmes et accomplir notre vengeance, acheva sa fille Myriam.
Cette dernière avait serré les poings en voyant sa mère molestée. Elle croisa les yeux de l’Ancien ; le regard serein du vieil homme lui disait, mieux que les mots, qu’elle serait bientôt libre. Elle ne voulait pas de cette liberté. C’est pourquoi elle fit le serment de rester sur ces terres jusqu’à ce que le châtiment soit consommé. Dans la lande, les feuilles des palétuviers bruissèrent, suivies par celles des pacaniers et enfin celles, vert foncé, des chênes de Green Alley . Sous leur couvert, une ombre, trapue, rogue, gagnait en force. Seuls quelques vieux esclaves ressentirent cette nuit factice, pareille à une maison sans fenêtre, qui prenait possession de la poussière, s’insinuait au pied des arbres, glissait sous la surface pour se lover au creux de leurs racines. La peau noire des vieillards, marquée de cicatrices profondes, frissonna malgré la chaleur étouffante qui, d’ordinaire, forçaient leurs geôliers, rougeauds et haletants, à chercher refuge à l’intérieur de leurs grandes demeures.
Les gardes relevèrent brutalement la sorcière et lui passèrent le nœud coulant autour du cou. La femme ouvrit les yeux pour les plonger une dernière fois dans ceux de sa fille. Aucune larme ne perlait sur leurs joues.
Elles avaient accepté leur sort.
Les hommes tirèrent sur les cordes. L’agonie commença. La lumière de cette matinée hivernale rampait à travers le feuillage, limait le visage des deux femmes qui se découpait sous la potence. On aurait dit qu’elle rechignait à effleurer ces corps secoués de spasmes ; leur peau d’ébène, si belle la veille, prenait une teinte livide à mesure que la chaleur se retirait. Les rais du soleil créaient une auréole blafarde autour des silhouettes qui tournaient, lentes et légères, dans un grincement de corde, les narines d’un noir charbonneux, les yeux révulsés et pleins d’effroi. L’Ancien les fixait comme on se perd dans un abîme. Il savait pourquoi on couvre la face des morts, mais celles-là n’étaient pas encore mortes. C’était pire. Des frissons montaient sur son être, que tant d’années et de mauvais traitements avaient parcheminé. Il sentit ses vieux os trembler de rage. Laura Phelan ne leur prenait pas seulement deux vies, elle les amputait de leurs racines.
L’ombre s’amassait sous les mâchoires des pendues, formait avec les cheveux une courroie autour de la tête, évoquant les linges dont on entoure celle des cadavres. Ces yeux, pensa-t-il, personne ne pourrait les fermer. Il baissa brièvement les paupières. Tout parut pesant, immobile, solidifié, lorsque l’Ancien contempla à nouveau les moribondes ; même le silence s’était épaissi. Les autres esclaves retinrent leur respiration, alors que le dernier soupir de Pascagoula et de Myriam s’échappait en un râle imperceptible, dont la brise s’empara aussitôt. Ils restèrent figés, tous ceux qui avaient vécu avec elles, partagé leurs repas, bénéficié de leur aide, écouté leurs contes. Lentes, sans fin, les larmes trempaient les joues de ces hommes dans la force de l’âge, de ces mères, grands-mères, fils et filles. Ce n’étaient plus des yeux qui pleuraient, c’était un peuple, la désolation du jour, témoins de ces ventres de pierre d’où il ne sortirait plus rien de vivant. Au-dessus d’eux, les branches du grand chêne prenaient les tons plombés et odieux du calcaire.
Laura Phelan promenait un air satisfait sur l’assemblée. Alors que le nœud coulant étranglait les sorcières, elle s’était sentie payée, oui, payée de l’acrimonie qui la rongeait ; et si, pour ce faire, il lui fallait organiser une procession autour d’une tombe, eh bien…
Parmi les esclaves, une fillette de huit ans demeurait les yeux levés vers les trépassées. Elle avait ressenti, dans son jeune corps, chaque convulsion dont elle était témoin. Le froid qui lui gelait les membres n’avait rien à voir avec la température ambiante, douce et clémente, même en cette saison. Malgré sa peau foncée, elle avait une pâleur aimantée, l’éclat du marbre au clair de lune, des gestes trop mesurés pour une petite fille. Elle écoutait le demi-jour gris revenir à la vie ; un oiseau chanta, puis on entendit un remous de plumes et de feuilles frôlées. Elle posa sur l’arbre un regard interrogateur, tout en levant une main dans le vide. Son ventre était une enclume où battait le fer rougi par le feu, sa nuque brûlait sous le frottement du collet qui avait garroté les condamnées et tout cela s’ancrait en elle avec l’intransigeance d’un étau. On sentait peser le fardeau du chêne sur elle, la ramure, le tronc et les femmes. Comment des épaules si ténues pouvaient-elles supporter cela, nul ne le savait, mais tous s’étaient tournés vers elle, même la matrone, si fière d’elle il y avait peu.
L’enfant sut, au fond d’elle, que la concentration de souffrance éprouvée était le combustible essentiel à la prophétie. Elle

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