Scènes de divorce avec entrée de témoins
156 pages
Français

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Scènes de divorce avec entrée de témoins , livre ebook

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156 pages
Français

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Description

Quels sont ces mythes qui se lovent derrière leur histoire d'amour ? Et pourquoi les témoins portent-ils des masques ? Anna et Pierre n'ont pour leur voyage que des mots, déjà noyés dans une caisse de résonnance assourdissante.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2007
Nombre de lectures 29
EAN13 9782296622425
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Scènes de divorce avec entrée de témoins
© L’HARMATTAN, 2006
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

L’HARMATTAN, ITALIA s.r.l.
Via Degli Artisti 15 ; 10124 Torino

L’HARMATTAN HONGRIE
Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16 ; 1053 Budapest

L’HARMATTAN BURKINA FASO
1200 logements villa 96 ; 12B2260 ; Ouagadougou 12

ESPACE L’HARMATTAN KINSHASA
Faculté des Sciences Sociales, Politiques et Administratives
BP243, KIN XI ; Université de Kinshasa – RD

L’HARMATTAN GUINEE
Almamya rue KA028
En face du restaurant Le cèdre
OKB Agency
Conakry – Rép. de Guinée
BP 3470


www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-01504-2
EAN : 9782296015043

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Franghiscos Sommaripas


Scènes de divorce avec entrée de témoins

Roman


L’Harmattan
1 Toccata et fugue
… De sorte que l’image déformée de ce paysage le poursuit, tel le déguisement par un jour de carnaval d’un lointain camarade qui s’impose à la mémoire occultant les traits de son visage.
Il a déjà remplacé le mot voyage par "périple" qui évoque l’exploration, une pérégrination dont les buts restent imprécis, vagabondage sans règles et contraintes parmi les aspects multiples de nos intentions, secrètes ou avouées, parcours quelque peu rituel à travers tout ce que l’on ressent ou que l’on fait lorsqu’on veut conjurer le sens de cette traversée qu’est la vie. Traces incertaines, elles lui évoquent ses émotions du temps où il se gavait d’aventures fantastiques, ou bien de grandioses batailles reconstituées par Victor Hugo, images toujours mythiques bien que le sens de la guerre ne soit plus le même.
Il se voit encore debout sur l’arrondi du pont, se tenant les jambes écartées, comme un matelot. Le caïque glisse vers le fond de la baie, sur une étroite plage de sable entourée de falaises. En haut des falaises, domine la coupole argentée d’un monument toujours invisible. Brillant aux rayons du soleil couchant, elle fait penser à une gigantesque dragée, de celles dont les gens des îles décorent les gâteaux de la fête des Morts. À l’extrémité de la plage, un rocher assoiffé, où sont déjà amarrés quelques caïques, plante ses pieds dans l’eau salée d’un archipel immobile. La Coupole, monstrueuse excroissance dure et luisante, couvre de sa carapace les secrets charnels de ce lieu. Le Soleil, toujours brûlant, la bombarde de ses rayons pour dilater encore les liquides qui la gonflent. L’Astre, agrandi au couchant, frôle presque l’Objet, transformant ainsi le paysage en tableau naïf. Il se voit faisant partie de ce tableau, silhouette découpée dans un matériau transparent, verre ou pellicule, un élément de l’énigme parmi les autres. Il s’affuble d’un nom qui marque sa présence en ce lieu d’une aura mythologique : l’Étranger.
Les pèlerins grimpent vers le monument par un sentier à flanc de falaise. Il s’imagine là-haut un temple oriental, paré de lourdes colonnades, riche en dédales sinueux, recoins grouillants et échoppes multicolores où guettent les marchands gras et les marchands faméliques de la gravure populaire…
Au tournant, l’édifice apparaît enfin : une simple chapelle blanchie à la chaux. La coupole démesurée n’est que le haut d’un clocher érigé à proximité, parure disproportionnée conçue par de gens simples à la gloire de leur sainte miraculeuse, Aghia Paraskévi, guérisseuse des aveugles, que l’on célèbre aujourd’hui dans l’île d’Amorgos. À la vue de ce lieu sacré, un homme de trente ans environ, grand, mince, habillé de noir, tombe à genoux, son corps esquissant un mouvement ondulatoire pendant qu’il multiplie les signes de croix. Excessif et grave, il souligne son homosexualité faisant de l’exagération du rituel un défi.
Une grosse femme assise sur l’écoutille le regarde impassible, mâchant un bout de galette. Visage durci par l’âge, presque masculin. Les rondeurs monumentales de ses formes, font penser à quelque figure primitive, divinité androgyne parée des attributs de la Mère-terre ou Mère-nourricière devenue moustachue et qui, ayant perdu sa fécondité, règne toujours à travers une loi archaïque. À côté d’elle, trois adolescents imberbes rient des facéties du pèlerin en noir. Sur le sentier des femmes avancent, leurs enfants aveugles dans les bras…

… Maintenant ses amis l’appellent Pierre. C’est drôle que son nom même soit changé ! Il se demande s’il ne s’accroche pas à ces images naïves comme on porte ses espoirs sur un exvoto exorcisant la dégradation des membres et des organes d’un humain transposés dans un objet. Ou bien si tout cela n’éveille pas en lui la nostalgie d’un dépouillement salvateur légué par une antique mémoire. Ou alors, s’il ne cesse d’invoquer la charge de rituel de cet endroit pour détruire définitivement - dans un simulacre de messe noire – l’espoir dont il est porteur. Il se pourrait que revenir aux sources oubliées, paysages d’anachorètes du désert et de mystiques de l’Islam, ne soit qu’une forme d’autodérision, comme s’il cherchait à se situer dans une vacuité du langage autre que celle que nous subissons. Dans ce cas, toute cette pérégrination ne serait qu’un nouveau masque pour dissimuler tout ce que l’on n’ose se dire…

Est-ce la pudeur des mots ? Ces mots dénaturés par une foule avide, engloutis dans la sensiblerie, reniés, mis à mort ! Comme s’il n’avait plus d’issue, plus de révolte possible ! Et comment réagir lorsque tous ces dépossédés, les mots bannis, les mots morts, se faufilent par les brèches ouvertes ?
… Lui, il a pourtant bien mené sa barque. Le dernier acte fut à son avantage. Il en ressentit un plaisir féroce. Trancher le nœud qui l’attachait à Anna l’avait gonflé d’un sentiment de triomphe…
Il revoit la scène… La nuit est douce, peut-être tombera-t-il quelques gouttes de pluie. Pluie d’automne. Il ne s’est passé qu’une demi-heure depuis qu’il a franchi la grille du jardin, traversé l’allée cailloutée, monté les trois marches de l’entrée protégée par un auvent, jeté encore un regard derrière lui, à cette nuit dont il a hâte de retrouver la douceur, puis il est entré, il a aperçu, (avec toujours la même émotion), les traces de la présence d’Anna, son sac, objet-fétiche, imprégné de son mystère, jeté sur une chaise. (Elle est ici !). À présent il faut rester sur ses gardes, la nuit est douce, (pas de scène), il ressortira sous peu, il le sait…
Ce fut à peu près ainsi. D’avance il était décidé à reprendre le chemin vers la vieille gare endormie, gare de banlieue dont il redécouvrait la poésie, acheter un billet, aller simple. Se retrouver à Paris, marcher dans ses rues, peut-être recevoir quelques gouttes de pluie sur le visage, pluie d’automne.
… Anna est au téléphone, (à qui parle-t-elle ?), ses paroles lui semblent étrangères, son monde il le bannit, son air provoquant va se plier ce soir à son jeu à lui, devenir son prétexte, il est prudent comme s’il marchait sur des œufs, c’est pour tout de suite, pas de sursis.
Elle lui a préparé à manger.
Il s’assied à table, elle reste debout. Il la regarde en souriant, son regard à elle est indécis.
- Tu as des problèmes, Anna ?
- Oui.
- Quel genre ?
- Toujours les mêmes.
Il revoit cet éclat inquiétant dans ses yeux qui le frappait chaque fois qu’elle s’appliquait sur le visage un masque de beauté dont la blancheur faisait ressortir des tons gris insoupçonnés dans l’iris ; il pensait alors à une étrangère, une poupée japonaise. Il continue à manger, il boit une gorgée de vin.
- Je pense que, sans moi, tu les réglerais mieux tes problèmes. Je vais te quitter.
Elle le regarde incrédule, s’attendant à des explications auxquelles elle se serait prêtée de mauvaise grâce, ruant dans les brancards. Ces explications, il les évite, cette fois il va empêcher le cumul des tensions affectives qui les conduiraient vers une nouvelle réconciliation, qui le pré

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