Même si tu revenais
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Description



Il ne suffit pas de se couler dans la peau de son idole pour faire le show, il faut recruter des danseuses... parfaites !


BIEN SUR, IL Y A CE PROBLEME de danseuses. Elles manquent et sont indispensables. Demain, il doit en rencontrer une nouvelle qui lui donne le sentiment de coller à ce qu’il demande : vivre avec l’esprit du Maître. Elle lui a avoué au téléphone qu’elle s’entraînait en cachette de sa famille depuis des années. Il lui offre donc là l’occasion de réaliser le rêve qui la taraude depuis l’enfance. Ils ont beaucoup de points en commun. Et il a besoin d’elle. Dans moins d’une semaine, il sera l’invité principal de la Fête de la bière à Poissy-les-Pintes. Le spectacle devra être sublime. Il le faut. Pour Lui.



Frédérique Trigodet battit son récit sur deux niveaux comme on coupe les cartes pour mieux les brouiller. Elle revisite à sa manière la légende d’une « idole des jeunes » incarné par un pitoyable sosie.




Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2014
Nombre de lectures 91
EAN13 9791023403534
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Frédérique Trigodet Même si tu revenais Nouvelle CollectionNoire sœur
Il resserre sa main sur l’arme. Dans la baignoire, le corps à peine immergé parait flasque, inutile, déjà loin. La belle est endormie et elle ne sentira rien. Il songe à ces années passées à se répéter les mêmes histoires, à toutes ces femmes croisées, ces chansons chantées seul devant son miroir… À cet amour qu’il ne peut plus donner depuis cette fameuse journée de mars 78. Comment a-t-il fait pour supporter la solitude pesante et poisseuse, pour laisser grandir les regrets ? Il ne peut se confier à personne. Les autres ne comprendraient pas. Pourtant, à présent, il est certain d’avoir trouvé sa voie. Il a fini par se faire à cette évidence qui patientait, tapie au plus profond : il est le seul à pouvoir être Lui. Il y a eu une première fois, puis une deuxième. Et aujourd’hui, encore, cette intime conviction qu’il devient enfin celui qu’il devait être. Dans la baignoire, le body à paillettes brille sous le néon rosé. Le brushing, qu’il a élaboré avec soin tout à l’heure, est trempé. Le maquillage coule lamentablement. Il ne peut s’empêcher de remarquer à nouveau les ongles rongés au vernis écaillé et surtout, ce pli de graisse au niveau de la taille. Cette conne n’est même pas capable de prendre soin de son apparence ! Elle a tout fait foirer, tant pis pour elle… Il a du mal à pardonner aux gens qui se laissent aller et se négligent, ces ratés incapables de tout donner pour être à la hauteur de leur destin. Pas de demi-mesure ! C’est ce leitmotiv qui lui permet d’avancer, de se lever chaque lundi. Même lorsque le soleil ne brille pas. Il aurait aimé savourer ce moment mais il n’en a plus le temps. Il y a son public qui l’attend et qui compte sur lui. Il allume le sèche-cheveux, le lance dans la baignoire et jette un dernier regard au corps saisi de soubresauts, se recule légèrement. Il ne manquerait plus qu’il abîme ses boots et son costume. Puis, il sort, esquisse un pas de danse dans le salon et part, en laissant derrière lui ce qui l’encombre. Le bureau baigne dans le calme. Trop. On entend à peine le cliquetis des claviers, parfois une sonnerie de téléphone suivie du murmure d’une conversation. Difficile d’imaginer que l’équipe bosse
sur une grosse affaire. Dans son aquarium, minuscule bureau vitré accordé par la direction lors de sa nomination comme capitaine, Pistoleas est au bord de la dépression. Il contemple son équipe et se demande si celle-ci réalise vraiment qu’un tueur en série se balade dans leur coin de cambrousse. Censé rédiger un rapport préliminaire, le lieutenant Misogin paraît plus occupé à pratiquer son activité favorite : se curer royalement le nez. Une habitude, devenue presque un hobby, à laquelle il se consacre n’importe où et n’importe quand, même pendant les interrogatoires. Il possède pourtant l’un des plus petits et des plus fins tarins de tout le commissariat. À deux pas, Laurence, la nouvelle recrue est scotchée à son écran: stagiaire imposée par les hautes sphères, elle se prend pour une profileuse du FBI et semble persuadée que toutes les réponses sont contenues dans son ordinateur. Peu disposée au travail de terrain, elle invente des prétextes plus saugrenus les uns que les autres afin de ne pas accompagner ses collègues hors du commissariat. >>>>>>>>>>>>>
Aujourd’hui, il s’agit d’ampoules qu’elle aurait attrapées lors de l’enquête de voisinage concernant le crime de Claudette Aumeont. Afin de ne pas froisser la direction, Pistoleas l’a donc chargée de rechercher des affaires similaires dans les anciens dossiers. Mais vu le sourire qu’elle affiche, il la soupçonne d’être encore en vadrouille sur Facebook (où elle a 2339 amis à qui elle raconte sa vie ; bravo la discrétion pour un futur officier de police…). Heureusement, il y a Perrin. Le seul des trois sur qui il peut relativement compter. François Perrin, comme le grand blond avec une chaussure noire. Sauf qu’il est petit, râblé, brun, teigneux et qu’il souffre de calcéophobie… Rien à faire, il ne supporte pas de mettre son pied dans un mocassin ou dans des tennis. Résultat : il porte la même paire de tongs toute l’année et dès qu’il le peut, se trimballe pieds nus. Sa plante des pieds est une véritable semelle de corne, ce qui fait l’admiration de Laurence, qui en est à sa septième série d’ampoules en cinq semaines. Perrin rentre tout juste de vadrouille. Pistoleas l’avait chargé d’enquêter du côté d’un bar où la première victime, une fille plutôt prude, aurait été aperçue. Perrin n’est pas connu pour sa finesse, ni pour sa discrétion mais il reste un bon observateur de terrain. Le capitaine penche la tête sur les photos et les rapports d’autopsie. Bien sûr qu’il y a des similitudes entre ces deux crimes qui ont eu lieu en moins de trois mois, l’un à Crénac, charmante bourgade fleurie en bord de rivière, et l’autre dans la partie opposée au nord du département, à Chalis-sur-Brande. Depuis qu’il est ici, il a vu pas mal de choses : troisièmes mi-temps houleuses, braconnage, vols de voiture ou de veau, baston entre mères à la sortie des écoles (dont une fois à coup de trottinettes ; il y avait eu du sang et des ecchymoses)... Certains règlements de compte de chasseurs, ou encore une antédiluvienne guerre de clans entre pêcheurs, ont bien fait quelques victimes. Mais ce n’était rien comparé à ça : deux femmes, retrouvées électrocutées dans leur baignoire, après avoir été manifestement tabassées. Ces crimes sont bourrés de similitudes, pourtant les deux enquêtes n’avancent pas. La faute au commissaire Vellin qui après avoir imposé sa stagiaire de nièce (accessoirement, petite-fille de préfet), a décidé qu’il était temps pour son équipe d’évoluer vers des méthodes d’enquête beaucoup plus modernes : « Nous devons passer au profilage afin d’être en phase avec l’évolution du psychisme de tous
ces meurtriers potentiels qui courent les rues. Et puis, ce n’est pas vous qui allez me contredire, nous avons besoin de cohésion et de synergie au sein de nos équipes, n’est-ce pas ? Mon petit Pisto, il faut que vous arriviez à faire de vos collègues des machines à enquêter ! Sans que cela ne nous coûte trop cher, bien entendu . Vous connaissez les rouages de notre administration… Heureusement, j’ai quelques liens au Ministère et nous avons obtenu une subvention. À présent, c’est à nous de faire nos preuves ! J’ai d’ailleurs quelques pistes à vous proposer. » L’ensemble du commissariat a ainsi eu droit à quatre après-midis de formation, animés par un ancien flic reconverti en écrivain de polar, qui aurait soi-disant effectué un stage auprès du FBI. Puis, il y a eu la journée obligatoire avec le médecin-légiste. Et pour finir, un séminaire avec une psycho-comportementaliste free-lance, qui n’avait jamais dû voir un cadavre de près et s’évanouissait dès que q uelqu’un prononçait les mots « fluides » ou « scalpel ». Du temps perdu… Pistoleas soupire en contemplant son équipe de branquignols. Il a compris depuis longtemps que les décisions de la haute administration l’emportent sur toutes les autres. Il va donc lui falloir une nouvelle fois épuiser son énergie dans la tenue d’un énième brainstorming, qui ne le rendra que plus désespéré. Vellin a décidé que l’équipe devait « résoudre l’affaire par elle-même » et que Pistoleas devait se contenter d’être « leur guide ». Ça fait un mois qu’ils rament, avec pourtant sous les yeux des éléments probants de la taille d’un diplodocus. Mais ils restent infoutus de dresser un profil. La soirée était réussie, oui, vraiment. Pas de fausse note, de la chaleur dans sa voix, quelques déhanchés et des pas de danses parfaitement accomplis… Il s’est senti tellement proche de Lui. C’est plus que de la magie. C’est sa réalité. Maintenant, il sait qu’Il l’a choisi pour poursuivre Sa mission dans ce monde. La salle était petite et les restaurants ne sont pas les meilleurs endroits pour son show, pourtant les applaudissements ont été fournis. Les gens ont aimé, reprenant avec lui les refrains les plus connus. Une petite fille a même demandé s’il était le vrai et une dame lui a confié qu’elle avait cru entendre Sa voix à Lui.
Bien sûr, il a ce problème de danseuses. Elles manquent et sont indispensables. Demain, il doit en rencontrer une nouvelle qui lui donne le sentiment de coller à ce qu’il demande : vivre avec l’esprit du Maître. Elle lui a avoué au téléphone qu’elle s’entraînait en cachette de sa famille depuis des années. Il lui offre donc là l’occasion de réaliser le rêve qui la taraude depuis l’enfance. Ils ont beaucoup de points en commun. Et il a besoin d’elle. Dans moins d’une semaine, il sera l’invité principal de la Fête de la bière à Poissy-les-Pintes. Le spectacle devra être sublime. Il le faut. Pour Lui. Pistoleas s’avance vers le paperboard où sont scotc hés les éléments de l’enquête. — Bon allez, on se bouge là ! On reprend toute l’affaire, et cette fois, on obtient un profil. Les trois zigues se tournent vers lui sans enthousiasme, Misogin avec l’index planté dans le nez, Laurence occupée à taper un texto sur son portable et Perrin, qui considère qu’il a fait sa part de boulot et glandouille, les doigts de pieds en éventail sur son bureau. — Donc, si on reprend les premiers éléments des deux affaires, on a quoi ? Ils se regardent les uns et les autres, attendant que quelqu’un prenne l’initiative de répondre. Une classe de maternelle serait plus éveillée. — Bon, en tant que responsable de l’enquête, je me dévoue… Alors, les premiers hommes arrivés sur… — Y’ avait une femme. — Pardon Laurence ? — Je dis qu’il y avait une femme dans l’équipe qui a trouvé le deuxième corps. — Et bien merci Laurence pour cette remarque essentielle… Donc, je disais que les personnes qui sont arrivées en premier sur les lieux ont découvert deux corps de femmes électrocutées dans leur baignoire, dans des mises en scène très ressemblantes. La première, Claudette Breguer, la trentaine, brune, a été trouvée vêtue d’un body noir en strass, permanentée, maquillée comme un camion, visiblement par quelqu’un d’autre, et portant des bottines argentées. On a noté des bleus sur ses poignets et en haut de ses bras. Et elle avait une cheville cassée. Même scénario pour la seconde, Claudette Aumeont,
blonde naturelle, qui approchait la quarantaine : elle portait un short et un haut jaune, toujours pailletés, ainsi que des cuissardes blanches. Chez elle, le médecin-légiste a noté en plus, des traces de liens autour des poignets ainsi qu’un hématome au niveau du front… Ma question est simple : qu’est-ce que vous déduisez de ces premiers éléments ? Pistoleas attend. Quelqu’un passe dans le couloir. Le bruit de la photocopieuse occupe un instant le silence. — J’espère que ce sont vos neurones que j’entends s ’activer. Perrin, toi qui a l’œil, tu ne te souviendrais pas d'un ou deux détails qui nous auraient échappés ? — Pourquoi moi ? Je suis déjà allé sur le terrain ce matin. C’est au tour des autres, un peu, merde ! — Perrin, j’ai besoin de ton regard. Les autres réfléchissent. Enfin, je l’espère… Ils ont tous les trois des mines de collégiens pris en flagrant délit de copiage pendant un devoir sur table : — Oui, oui, Chef, on cherche… s’empresse de préciser Misogin, tandis que Laurence lorgne discrètement vers son portable. Perrin retire ses pieds du bureau et prend une pose de conférencier : — Je vais vous dire ce que j’ai vu : dans les deux appartements, j’ai noté qu’il y avait beaucoup de plantes vertes. Peu de photos. De la presse people partout, jusque dans les chiottes. Des plats tout prêts dans le compartiment surgelés du réfrigérateur. Une seule brosse à dents dans la salle de bains et uniquement des affaires de femme dans les placards. Chez la première victime, un arbre à chat, mais pas de bestiole, ni de poils sur la moquette. — Effectivement, nos deux victimes étaient célibataires, solitaires et l’une d’elle venait de perdre son chat. L’enquête de terrain va dans ton sens. Autre chose Perrin ? — Oui, comme je l’ai déjà signalé, nous n’avons pas trouvé d’autres costumes à paillettes chez les deux victimes. Leur garde-robe était des plus ringardes et vieillotte. Donc, ça veut peut-être dire que le tueur a apporté les tenues qu’elles portaient… — Ah, enfin un début d’hypothèse qui pourrait nous aider ! Tu suggères donc, qu’il pourrait s’agir du même tueur ?
— Ouh la, attends ! Je ne suggère rien, je réfléchis à voix haute, c’est tout ! — C’est justement le but du profilage, Perrin. On réfléchit ensemble, à haute voix si possible, et on met nos compétences en commun pour parvenir à dresser un profil du tueur. — Moi, je trouve qu’elles avaient mauvais goût ces nanas. Vous avez vu la déco de leur appartement ? — Ces femmes, Laurence. Ce ne sont pas des nanas lambda, mais des victimes... Et justement, est-ce que tu aurais noté des choses sur ce plan, toi qui passe toutes tes pauses déjeuner à feuilleter des magazines de décoration ? — Ben, ce qui est sûr à mille pour cent, c’est qu’elles avaient pas fait appel à Valérie Damidot pour repenser leur intérieur ! C’est terne, sans personnalité, avec des tons beigeasses. Moi, je visiterais, j’aurais pas envie d’acheter ! Une des deux avait même une banquette à fleurs comme chez ma grand-mère, t’imagines ?! — Et tu en déduis quoi ? — Ben, qu’elle devait se faire chier grave dans leurs vies ! Pistoleas inspire un grand coup. Une crampe intercostale lui laboure le côté gauche du torse et il doit faire quelques pas dans la pièce afin de se calmer. Les autres le contemplent avec des regards bovins. En fait, il aimerait bien leur balancer le paperboard dans la tronche. La fille avance vers lui et la rue change de couleur. Il entend l’intro d’» Alexandrie Alexandra » tournoyer dans sa tête. Assis à la terrasse d’un café, il la reconnaît tout de suite. Elle est parfaite. Ses longues jambes, sa façon de marcher comme si elle dansait déjà. Les gens se retournent sur son passage. On voit qu’elle a du style, du panache et surtout, qu’elle sait ce qu’elle veut. Il n’a pas besoin qu’elles soient plusieurs à se trémousser autour de lui. Une seule, si elle est parfaite, suffira. Il passe la main dans son brushing, rajuste le col pelle-à-tarte de sa chemise et se lève. — Bon, je fais le point : deux femmes, une brune et une blonde, dans la même tranche d’âge, mortes électrocutées dans leurs baignoires, portant des tenues similaires et des traces de violence. Le tueur est probablement le même. Notons également que ces femmes menaient toutes deux des vies ternes et avaient accessoirement des
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