Mémoires d un journaliste
131 pages
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Mémoires d'un journaliste , livre ebook

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Description

Extrait : "Mes lecteurs ne me sauront pas mauvais gré, je suppose, de brûler les premières étapes de ma vie. C'est en train express que je me propose de parcourir les stations qui précèdent mon arrivée à Paris."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 16
EAN13 9782335087390
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335087390

 
©Ligaran 2015

Préface
L’été j’habite la campagne. C’est mon plaisir, plaisir purement contemplatif, car j’aime la campagne pour la campagne. Je ne suis ni chasseur comme Toussenel, ni pêcheur comme Roqueplan, ni jardinier comme Alphonse Karr ; je suis campagnard, voilà tout.
Quiconque me connaît sait si j’ai horreur du farniente . Je ne suis point de la nature du lièvre qui rêve en son gîte ; moi j’y devise. L’activité passe de mes jambes dans ma langue et je me mets à racontailler aux amis qui acceptent, aussi cordialement qu’elle est offerte, l’hospitalité de mon ermitage, tous les souvenirs d’hier et d’autrefois qui me repassent par la cervelle.
Or, il m’est arrivé plus d’une fois de m’entendre dire :
« Quel fonds inépuisable d’anecdotes, d’historiettes, de chroniques, de portraits, de nouvelles à la main vous dépensez en monnaie courante ! Vous qui avez tout vu, tout écouté, qui connaissez tant d’hommes et tant de choses, qui avez mis le pied dans tant de coulisses et qui tenez le fin mot de tant de secrets, que n’écrivez-vous vos Mémoires ? »
À force d’entendre répéter sur tous les tons cette note qui, je ne le cache pas,
Chatouillait de mon cœur l’orgueilleuse faiblesse, je finis par me laisser convaincre, et un beau matin je me surpris me demandant à moi-même :
Au fait, pourquoi n’écrirais-je pas mes Mémoires ?

J’aurais voulu donner à mon livre le simple titre de Souvenirs, mais on m’a fait observer que, quelle que soit mon enseigne, le public les appellerait toujours les Mémoires de Villemessant . À ce titre beaucoup trop ambitieux, j’ai préféré celui de : Mémoires d’un journaliste .
Quelqu’un a dit de M. Villemain :
« Quand il a trouvé une phrase, il cherche ce qu’il mettra dedans. »
Telle était à peu près ma situation. Une fois arrêté le titre à placer sur la couverture de mon livre, il s’agissait de trouver ce que je mettrais dessous.
Donc me voilà, emportant à la campagne des colis de journaux, qu’avec l’aide d’un secrétaire, embauché ad hoc , je dépouillai, compulsai, épluchai, annotai, faisant des dossiers, c’est-à-dire qu’à mesure que, dans les coins de mes feuillets, il cassait sous mes yeux le nom d’un personnage relevant de la publicité, je lui ouvrais un compte où je consignais à son crédit tout ce que la lettre moulée, assistée de ma propre mémoire, me fournissait d’intéressant et de curieux à son sujet.
Vrai travail de bénédictin que cette revue rétrospective des hommes et des choses de mon temps. Ce n’était pas trop d’une année et d’une année bien employée pour explorer consciencieusement toutes les couches du passé. Mais au bout du compte, la France n’attendait pas après mes Mémoires, et dussent-ils ne jamais voir le jour, le soleil n’en continuerait pas moins à se lever et à se coucher aux heures fixées par le bureau des longitudes.
En tous cas c’était une occupation que je me créais pour l’avenir, occupation tout à fait conforme à mes goûts et à mes habitudes, car je me plais, comme les rats, dans la poussière des vieux journaux. J’ai le culte des almanachs du temps jadis, et il me semble que je me sens ragaillardir en époussetant les années accrochées au porte-manteau du passé.

On a prétendu que j’avais récolté en quelque sorte épi par épi les matériaux de mes Mémoires ; que j’avais des trésors de notes prises au vol et sténographiées au moment même de l’évènement.
Je proteste contre la circonstance de préméditation : je n’ai rien que ce que me fournissent les écrits contemporains et ma propre mémoire, mais une mémoire si fidèle que tout s’y reflète et s’y conserve comme sur un cliché photographique, et que le nom seul d’un personnage que j’ai connu suffit pour ouvrir aussitôt toutes les écluses de mes souvenirs.
Mais que nous direz-vous dans vos Mémoires ?
Ce que je dirai ? Tout et bien d’autres choses encore, et je le dirai sans haine, sans crainte, sans rancune, sans parti pris, et de plus sans aucune préoccupation d’opinion personnelle. Je me flatte même que, sous le rapport de l’éclectisme politique, je vais étonner bien des gens.
J’ai connu, j’en suis sûr, tous les hommes de lettres de mon époque, petits et grands. J’ai vu de près bien des personnages d’importance, j’ai été mêlé en 1848 à bien des luttes, à bien des secrets de coulisses. L’âge et l’expérience ont mis une sourdine à mes enthousiasmes d’autrefois. Je ne suis pas de ces chauvins qui se grisent avec leurs opinions, comme les Marseillais avec leur salive ; je vois les choses en philosophe, et je suis certain que je vois juste. S’il venait à pousser une verrue sur le nez d’une de mes filles, je vous jure que je ne la prendrais pas pour un grain de beauté.

Tous ceux qui me connaissent savent, d’ailleurs, si j’ai jamais rien demandé, rien attendu, rien accepté d’aucun pouvoir. Un peu paysan du Danube, je sais fort bien que mon franc-parler ne ferait pas recette à la cour. Les nouvelles à la main n’ont pas de succès en haut lieu. Courtisan et gourmé, c’est l’étiquette de l’ambition : ce n’est pas ma spécialité.
Indépendant par goût et par position, à ce point que s’il fallait choisir entre une été de chambellan et une médaille de commissionnaire, j’opterais, je crois, pour la médaille, car j’aimerais cent fois mieux servir le public que le pouvoir ; trop amoureux de ma liberté pour me soumettre à une servitude, fût-ce même celle des honneurs, je me sens donc parfaitement à mon aise pour dire la vérité à tout le monde, aux vainqueurs aussi bien qu’aux vaincus ; et c’est ce que je ferai, à la grande stupeur, j’imagine, de plus d’un lecteur qui me croit esclave de ma cocarde.

H. DE VILLEMESSANT.
NOTA. Je ferai remarquer une fois pour toutes que cette édition de mes Mémoires diffère essentiellement de celle qui a paru dans l’Évènement , non seulement parce qu’elle est, suivant la formule, « revue et corrigée, » c’est-à-dire expurgée des fautes d’impression et d’inadvertance, fruits inévitables de la rapidité du travail d’un journal, mais encore et surtout parce qu’elle est augmentée de certains traits, anecdotes, épisodes, etc., revenus après coup à ma mémoire et fournis par des étrangers, plus des choses prohibées, sous prétexte de politique, dans les journaux non cautionnés, mais autorisées dans un volume.
Chapitre premier

Ma naissance. – Chambon. – Les centenaires. – Les nids de moineaux francs. – Le premier lièvre. – Une ligne modèle. – Les veillées. – Les légendes de la chaumière. – Le barbier, le maréchal-ferrant et le bâtonniste. – L’apologue des oiseaux en cage. – L’amour du fermier. – Ma grand-mère. – Le mousquet et la soutane. – Portrait de ma grand-maman. – La cataracte. – Une mauvaise paye . – 2 700 fr. de charcuterie. – Il n’y a plus de bois. – Les toilettes du temps jadis. – Le pain rond et la flûte à potage. – Viens donc voir des masques. – Un chapeau neuf âgé de quinze ans. – Comment j’écoutais le sermon. – Les larmes de sang. – Opinion de ma grand-mère sur l’éducation.
Mes lecteurs ne me sauront pas mauvais gré, je suppose, de brûler les premières étapes de ma vie. C’est en train express que je me propose de parcourir les stations qui précèdent mon arrivée à Paris.
Peut-être eût-il été plus conforme au goût et à l’attente du public de sauter par-dessus ce prologue, et d’entrer de plain-pied dans le vif de mes Mémoires en me mettant tout de suite en scène au milieu des hommes et des choses de mon temps.
Mais il me semble assez naturel d’obéir au précepte du bon sens populaire, qui veut que l’on commence par le commencement, et de montrer comment, à mes débuts dans ce bas monde, je préludais au rôle que j’y ai joué plus tard.

De ma naissance rien à dire. Le procès que j’ai soutenu a fait assez de bruit pour m’épargner le chagrin de raviver des souvenirs amers au cœur d’un fils.
J’avais dix ans quand je perdis mon père.

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