Notes d une frondeuse
170 pages
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Notes d'une frondeuse , livre ebook

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Description

Extrait : "Cette nuit, sur la plage d'asphalte que dominent mes croisées, des épaves humaines, le père, la mère, et deux petits, avaient échoué sur un banc. Des hauteurs où, bien malgré moi je plane, on ne distinguait rien, qu'un tas de chairs grises et de nippes terreuses d'où émergeaient, par-ci par-la, un bras, une jambe, au mouvement lent et douloureux comme une patte de crabe écrasé..."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 27
EAN13 9782335126211
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0008€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335126211

 
©Ligaran 2015

LA TOMBE D’IXELLES
Préface

« LEUR AVENIR »

«  Je ne souhaite de malheur à personne ; mais, vraiment, le jour où, entrant dans la lâcheté du Parlement comme dans du beurre, un général ayant un coq peut-être au lieu d’un aigle à son képi – qu’importe ! – nous emballerait pêle-mêle : les socialistes, les radicaux et les tricolores, ce jour-là, je ne pourrais m’empêcher de rigoler un brin de la penauderie de mes voisins, poussés dans le panier à salade à coups de pied au derrière, comme en décembre, et se grattant la place avec un gros soupir .
Nous, les socialistes, on nous fusillerait d’emblée et avec colère, parce qu’on ne redoute que nous ; et que, depuis que notre idée est sortie du sol, on en veut tuer la graine. On a raison, car, seuls, nous sommes un danger, et nous méritons le mur, ayant toujours accepté la révolte, même quand elle nous paraissait précoce ou d’avance écrasée .

Mais il est possible qu’à la prochaine razzia on canarde, à l’hasard de la fourchette, les Spuller comme les Vingtras .
Nous qui avons secoué le prunier, nous nous attendons à recevoir des prunes ; et, si dur à passer que soit le moment où elles pleuvent, comme on s’y attend depuis le commencement de sa carrière – puisqu’on s’en est payé pendant l’orage – on en prend son parti sans trop geindre. La mort était l’atout promis dans le jeu que l’on joue – on reçoit l’atout et c’est fini .
Il n’en serait pas de même pour ceux qui se sont crus des malins – de vrais malins ! – qui font de petites moues de pitié quand on parle devant eux du péril en épaulettes ; et qui ont l’air de dire que c’est de la rhétorique de plumitifs .
Quelle grimace, mes enfants ! Et il n’y aurait pas à les traiter de poltrons, ces votants de Panurge, qui passeraient, en une nuit, du pré à l’abattoir .

D’où me viennent ces idées goguenardes et cruelles  ?
C’est que je sors de la pétaudière où ils jacassent, du poulailler où ils pondent leurs phrases .
Ils devaient se plumer comme des coqs, s’ouvrir le crâne à coups de bec, s’enfoncer les ergots dans le cœur ; les aigles du ministère devaient enlever la minorité dans leurs serres, les oies de l’opposition devaient sauver le Capitole .
Et toute la volière est du salmis de coup d’État  !

Leur affaire est claire, ça leur pend au croupion  !
Il y a de braves gens et des gens braves là-dedans – des fourvoyés ! Mais le soudard en question n’a qu’à montrer son nez pour que la rigolade que nous nous promettons, mes camarades et moi, nous soit servie toute chaude .
Ou bien, ces « honnêtes et modérés » reprendront les traditions scélérates des égorgeurs de juin et de mai. Ils feront foncer sur le peuple roussins et soldats. Ces infamies ont leur envers  :

Qui du glaive a vécu, périra par le glaive .

Je ne les vois pas blancs, quoi qu’il arrive  !
Une nation a besoin du sabre ou de l’idée .
L’idée, ils la roulent dans des périodes longues, bêtes, lourdes, qui l’empâtent et la tuent .
Reste le sabre – qui coupera la gorge du socialisme, mais qui empalera le Parlement  ! »

JULES VALLÈS .
( Cri du peuple , 1 er  novembre 1883.)

Pour bien donner à ce livre sa véritable signification, pour bien en souligner l’indépendance, pour bien affirmer quels sentiments il traduit, nulle autre préface n’eût valu cet article de Vallès, prédisant l’aventure cinq ans à l’avance – et redevenu d’actualité aujourd’hui… cinq ans après  !

SÉVERINE .
Liberté – Égalité – Fraternité

14 juillet .
Liberté ?
Cette nuit, sur la plage d’asphalte que dominent mes croisées, des épaves humaines, le père, la mère, et deux petits, avaient échoué sur un banc. Des hauteurs où, bien malgré moi je plane, on ne distinguait rien, qu’un tas de chairs grises et de nippes terreuses d’où émergeaient, par-ci par-là, un bras, une jambe, au mouvement lent et douloureux comme une patte de crabe écrasé.
Ils dormaient, serrés les uns contre les autres, blottis en un seul tas, par une habitude de meurt-de-froid – même sous cette tiède nuit d’été !
Des agents sont venus qui ont tourné autour, les flairant du regard, avec cette curiosité hostile des chiens de garde et des sergots envers les mal vêtus – pas trop méchants, pourtant. Ils ont tapé sur l’épaule de l’homme, qui a sursauté, s’est frotté les yeux, s’est mis debout d’un effort de reins, décalant le groupe où les moutards, éveillés brusquement, ont commencé de crier.
Aux gestes, j’ai compris qu’il racontait leur histoire ; et encore aux larmes silencieuses de la femme, s’épongeant les yeux avec le coin de son tablier, tandis que l’autre, en les rappelant, ravivait ses douleurs.
Ni des gouapes, ni des bohêmes – des ouvriers ! Des ouvriers parvenus aux plus extrêmes limites de la détresse ; ayant tout engagé, tout vendu, tout perdu !
Seulement, une consolation pouvait demeurer à cet infortuné : celle d’avoir vécu en homme libre dans un siècle libre ; et les drapeaux pavoisant l’auberge de la Belle Étoile (son dernier gîte !) rappelaient éloquemment combien il était heureux, pour lui et les siens, d’avoir été « délivrés » un siècle avant !
Misérable, oui – mais électeur et citoyen ! C’est tout de même bien profitable qu’on ait affranchi plèbe et glèbe !
Quand il a eu fini, les gardiens de la paix ont conciliabulé, avec de grands écarts de bras qui semblaient dire : « Que faire ? »
Rien, évidemment, qu’obéir à la consigne, exécuter la loi… la loi équitable qui a succédé à l’affreux règne du bon plaisir !
Au nom de la liberté, ils ont emmené l’homme libre et sa nichée au poste lui, résigné, courbant le dos ; la mère et les enfants, créatures inconscientes des bienfaits de l’indépendance, presque allègres à l’idée que la captivité leur réservait un lit et du pain…

*
* *
Égalité ?
Sous mes fenêtres aussi, hier, vers deux heures, soudain, une galopade de cavalerie, un bruit de roues rapides, des cris ! Dans son landau, c’est le Président qui passe…
L’enthousiasme n’a rien d’excessif, mais, cependant, des gens lèvent leur chapeau, braillent, courent derrière, avec un grand élan de domesticité.
Comme c’est heureux, quand on y réfléchit, pourtant, qu’il y a cent ans on ait coupé le cou à un roi ; qu’il y a vingt et un ans, on ait renversé un empereur ! Plus de sceptres, plus de trônes, plus de couronnes !
Rien que la monnaie de la monarchie : roitelets à l’Hôtel-de-Ville, roitelets au Palais-Bourbon, roitelets au Luxembourg, et ce spectre de souverain coûtant cher, mais ne régnant point. Ah ! la nation a vraiment gagné au change !

*
* *

Fraternité ?
Sur le pavé, encore le pas des chevaux, le roulis de l’artillerie, un tumulte de horde régulière qui passe, avec des cliquetis d’acier. Ce sont des régiments qui partent à la revue.
Et les hurrahs, les bravos, s’en vont moins à ces braves petits soldats à figure rougeaude, tout suants et tout soufflants sous l’œil dur des gradés, qu’au formidable attirail de tuerie qu’ils traînent.
Ah ! les beaux fusils, qui portent si juste et se chargent si bien ! Ah ! les jolis canons, ouvragés et fins comme de l’horlogerie, avec leur cou de sloughi, leurs flancs évidés, leur museau long qui mord à tant de distance !…
Comme tout cela en fera couler, du sang ! Comme tout cela hachera menu, menu, menu, comme chair à pâté, la viande humaine !
Et du regard, de la voix, la multitude flatte ces bêtes de massacre qui, au premier signe pourtant – vous le savez, ô prolétaires ! – enfonceront aussi bien leurs crocs en peau française qu’en peau teutonne !
Hélas !

Et, tandis que vers mon logis mélancolique montent les cla

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