Petit Curé
187 pages
Français

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Petit Curé , livre ebook

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Description

C'est l'histoire vraie - à peine romancée - d'un jeune garçon de 10 ans, que ses parents font entrer dans un "petit séminaire", pour y commencer ses études, et peut-être devenir prêtre. Noël hésitera entre une vocation dont il attend les appels, et toutes les surprises de sa vive sensualité. D'un style enjoué et souvent humoristique, l'auteur nous emporte avec bonheur dans ce livre/témoignage sur une période trouble de la Seconde Guerre mondiale, dans la région de Montpellier.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 50
EAN13 9782296710627
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Petit Curé
Yvon Pradel


Petit Curé


L’H ARMATTAN
© L’H ARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-13237-5
EAN : 9782296132375

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
A Michel Serrault,

Ce prodigieux comédien
qui a failli devenir prêtre
lui aussi.
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
de ta jeunesse ?

VERLAINE
Michel Galabru écrivait à la fin de sa préface de La petite Comédie Française , {1} d’Yvon Pradel :

« De tout mon cœur, Yvon, je te dis bravo, et tu iras plus loin encore… » .

Il ne se doutait pas, sans doute, qu’aller plus loin, c’était revenir en arrière. Car toute l’aventure de la Compagnie des Arènes, dont il avait aimé le répertoire et le rayonnement, ne pouvait se comprendre qu’après l’enfance et la jeunesse de ce passionné de théâtre.

C’est tout le secret de Petit Curé .

De la guerre d’Espagne à la victoire des alliés en 1945, Yvon Pradel passa sept ans au Petit Séminaire St Roch, puis trois ans de Khâgne, à Montpellier.

Cette enfance assez rude entre la discipline et les offices religieux, secouée de quelques éclats, comme une évasion à dix ans ou le premier amour « sacrilège », s’est achevée par des études rigoureuses, la préparation de Normale Sup, et la liberté retrouvée.

Petit Curé contient les humiliations du Petit Chose et les exaltations des Choristes , jusqu’aux découvertes d’une impatiente sexualité.

Ce « roman » de jeunesse frappe les trois coups, puis ouvre le rideau de La petite Comédie Française.
« Une lettre et un paquet, Mademoiselle ! ». Elle regardait avec un peu d’inquiétude cet inconnu qui apportait le courrier pour la première fois. Il était jeune et maigre ; il souriait. « Il faut signer – là – c’est un recommandé…Tenez, j’ai un crayon ». Elle signa, rapidement, prit le paquet rectangulaire, et la lettre glissée sous la ficelle, murmura un « merci. » « Y a pas de quoi, Mademoiselle. Je suis nouveau dans le métier, mais c’est amusant. » Il n’avait pas l’air de vouloir partir. « Eh bien, au revoir » – « Au revoir, Mademoiselle. J’espère que ce sont de bonnes nouvelles ». Elle ferma la porte. « Quel casse-pieds ! Il allait me faire du baratin ! Pouah ! On dirait qu’il a les yeux sales ».
Elle passa devant la cuisine, où sa mère s’affairait. « C’est le facteur, c’était pour moi ». Et tout en montant l’escalier de sa chambre, elle regarda sur le paquet son adresse, tapée à la machine dans un rectangle blanc. Qui ça pouvait être ? Elle prit la lettre, glissa le paquet sous son bras, déchira l’enveloppe. « C’est lui. Quel imbécile ! ».
Elle courut presque à sa chambre, referma la porte à clef, jeta sur sa table la grande page bleue et le paquet déjà fripé, et s’élança rageusement sur son lit en ricanant : « Si tu crois m’avoir, mon bonhomme ! Je vais flanquer tout ça au feu ! »...
« Maryse, descends, le dîner est prêt » …C’est à sa mère qu’elle en veut maintenant. On ne peut jamais avoir la paix dans cette maison. Pas même cinq minutes de solitude, de silence. Maintenant il faut descendre, aller manger, parler…J’en ai pas envie, moi, aujourd’hui. Pas envie de bouffer, ni de dire des âneries sur le temps qu’il fait, ou la politique. Pas envie ! Et pourtant je me lève, je me recoiffe, je fourre ce maudit paquet et cette lettre dans un tiroir, et je descends, obéissante, moi, Maryse, avec une furieuse envie d’être désagréable, en bas, pour m’amuser.
« Bonsoir, papa ». Ils ont déjà commencé. Ils ne disent rien, pour la punir de son retard. Maryse s’assied, ouvre sa serviette sur ses genoux, mange sa soupe déjà tiède, et, à la faveur du silence, réfléchit. Ils ne sont pas mauvais, ses parents, mais ils ne supportent pas ses frasques. Ils aiment l’ordre, l’exactitude. Pouah ! Ils s’entendaient bien, ça oui, avec cet imbécile qui écrit aujourd’hui…Celui-là ! Et Maryse voit son petit visage gris et jaune quand elle lui a dit que c’était fini, qu’elle ne l’aimait plus.
Il pleurait presque, cet idiot, il voulait lui prendre la main, il ne voulait pas rester son ami, simplement, comme les autres. Qu’il aille au diable ! Et il était parti, la tête basse, comme un type saoul. Trois mois déjà qu’il avait disparu au bout de la rue, sans un mot d’adieu, sans tourner la tête… Et maintenant il écrivait, il revenait à la charge. Ou alors, il lui renvoyait ses lettres, à elle, pour la punir. Dans tous les cas, elle brûlerait tout, et on n’en parlerait plus.
« Tu veux du jambon ? » Maryse se sert, sans répondre. A chacun son tour, de ne rien dire ! Mais ses parents parlent de la politique, comme tous les soirs, des types qu’on a arrêtés, parce qu’ils avaient dénoncé des patriotes… Maryse s’en fiche un peu, de ces histoires. Il n’était pas mauvais, lui, au fond. Il n’aurait dénoncé personne. Il ne pensait qu’à elle. Ça l’agaçait même, à la fin, de le voir tous les jours en adoration devant ses cheveux dénoués, ou ses seins. Il n’osait pas la toucher. Quelle cruche ! Ce n’était pas toujours désagréable d’ailleurs de le sentir troublé, tremblant. C’était peut-être de l’amour. Mais il aurait dû aller plus loin, la caresser comme il faut, sans complexe. On aurait dit un enfant de Chœur. Tant pis pour lui !
« Ne veille pas trop tard, ce soir, Maryse ». « Non, papa, bonsoir ». Un baiser sur le front, à chacun, et Maryse est dans sa chambre. Il fait nuit. Le ciel sourit derrière ses étoiles. La colère de Maryse est tombée. En pyjama, devant sa grande glace, elle s’admire. « Je suis pas mal du tout. Parfaitement. Je comprends très bien qu’on puisse être fou de moi ». Oh, le pauvre ! Et dans un grand élan de générosité – il faut quand même savoir ce qu’il veut, ce pauvre type – Maryse ouvre le tiroir, remet le paquet sur la table, et lit tranquillement la lettre.
C’était donc ça ! Il cachait bien son jeu. Jamais il ne lui en avait parlé. Il est complètement fou ! Ce n’est pas possible. On va l’arrêter, lui aussi ?… Il sera jugé, condamné peut-être. Il sait ce qui l’attend. Un peu de malveillance, un peu de jalousie, et c’est douze balles dans la peau ... Il est fou ! Non… Il essaie peut-être de l’attendrir, de toucher sa pitié. C’est du mélo, du chantage…Mais alors, pourquoi lui adresse-t-il ce paquet ? Ce sont des souvenirs de collège, les aventures banales d’un petit interne malheureux. Oui, oui, il dit ça aussi pour l’émouvoir, pour l’obliger à lire… Il sait bien, ce n’est pas un imbécile, que les femmes se laissent toujours prendre par les sentiments. Et pourtant, il ne le demande pas, il ne demande rien. « Tu liras ces cahiers plus tard, si tu veux un jour me connaître un peu, s’il te reste assez d’amitié, ou de curiosité, pour découvrir l’enfant et l’adolescent que je fus. Au fond, tu ne sais pas qui t’a aimée… »
Maryse sent à son cœur comme une pointe qui s’enfonce. Le salaud ! Il a gagné : elle est malheureuse, maintenant, et révoltée de sa faiblesse. Tant pis ! Elle déchire le gros papier du paquet, fait glisser la ficelle, et découvre quatre carnets, de forme et de couleur différents, discrètement numérotés. « Il est neuf heures. A dix heures, j’éteins. On va bien voir ce que tu avais dans le ventre, mon cher ami. Et si c’est du chantage, ne te figure pas que je marcherai ! »
Et Maryse a commencé à lire.
J’ai dix ans. Je m’appelle Noël. Depuis deux jours, je suis interne dans un petit séminaire. Peut-être je serai prêtre un jour, mais ça me paraît difficile. Ce soir surtout, je n’en ai pas envie. Il fait nuit. On est en étude, dans une grande classe sale. On est à peu près une cinquantaine, qui a le même âge que moi. Ils sont tous penchés sur leur bureau. Ils travaillent. On n’a pas le droit de parler. Si on parle, il y a un surveillant, là-bas, qui donne un coup de règle sur son bureau, et qui fait les gros yeux, il porte des lunettes sur un museau de rat. Il a l’air m&

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