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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 novembre 2010 |
Nombre de lectures | 287 |
EAN13 | 9782296937260 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0424€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Je vivrai sans temps
Gérard P RÉMEL
Je vivrai sans temps
Poèmes
Du même auteur
Joie colère et vérité, poèmes, éd. Séghers 1954
La chanson du mauvais pli, poèmes, éd. Guy Chambelland, 1969
Nous n’irons plus au ciel, poème-chronique, éd. P. J. O. 1969
Enfants bâtisseurs, chroniques (sur des photos de Yves Flatard), éd. Du Scarabée, 1984
Un chemin de traverse, poèmes, éd. Prémel, 1996
Scènes de la vie hasardeuse de Ludovic Brome, chroniques, éd. Rafaël de Surtis, 2000
Vues imprenables ou le livre des fenêtres, nouvelles, éd. Sens & Tonka, 2003
Parfois depuis peu, poèmes, éd. L’autre rive & Fibres libres, 2004
Le pont est toujours intact, poèmes, éd. S& Tonka, 2005
Petits trésors restés dehors (sur des photos de Constance Villeroy), éd. Factory, 2005
Petit dictionnaire portatif des prénoms en A, éd. Mona Kerloff, 2007
S’ils te mordent morlaix, roman, éd. Gisserot, 2007
La consultation du matin (sur des photos de Constance Villeroy), éd. L’Antre-temps, 2008
Kaléidoscope, variations sur le Cornet à dés de Max Jacob, éd. L’Autre rive, 2010
Rennes dans l’arène, roman, Édilivre, 2010
Les univers-sceau (sur des lavis de Catherine Denis), éd. Apogées, 2010
À la frontière, poèmes (avec douze dessins de l’auteur), éd. Intervention à hautes voix, 2011
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-13539-0
EAN : 9782296135390
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Je m’aperçois que toutes les dates sont fausses
Chaque jour se détache de la fenêtre
… Et c’est une autre lumière.
Pierre Reverdy
On vit dans son soulier. On y fait le ménage.
On n’a plus besoin de se serrer…
On n’a plus besoin de compter.
Henri Michaux
MOI QUI VOUS PARLE
Parle
(Aujourd’hui même)
(ou pas plus tard qu’hier)
moi qui vous parle
je dois vous rapporter un fait surprenant
(en dépit de son peu d’importance)
je n’existe pas
Contrairement aux apparences – que vous croyez voir entendre ou lire – je n’ai aucune existence. On est ou on n’est pas, c’est l’un ou l’autre, mais celui qui se pose la question est bien, pour autant qu’il se la pose avec rigueur, le seul à pouvoir y répondre. Ainsi, même en sachant que le risque de s’abuser sur soi-même n’est pas mince, chacun découvrira, une fois la question posée – suis-je ou non – que des signes simples permettent d’en juger, sans se laisser abuser par les apparences.
Car les apparences sont trompeuses : ainsi je parais exister. Mais c’est là un faux-semblant qui ne résiste pas à la conscience que j’ai de mon inexistence. Si celui qui est sait qu’il est, comment celui qui n’est pas pourrait-il ignorer qu’il n’est pas. On m’objectera qu’il ne peut y avoir de savoir sans être ; et que si l’être ne génère pas forcément du savoir, il semble en être une condition nécessaire. Je répondrai que la conscience de vivre sa propre inexistence est un paradoxe relativement léger si l’on considère l’inconscience de tous ces êtres acharnés à vivre dans l’ignorance la plus totale de leur inexistence…
Récuser en doute l’être de toutes ces apparences qui vous entourent n’est pas bien sorcier ; c’est même une manière assez commune de se faire être. Plus difficile (et plus risqué) est d’en inférer sa propre inexistence. Cela nécessite une considération soutenue et attentive du champ de l’être afin que puisse y être repérées votre absence ou votre présence. Observation qui suppose un sujet observant. Et là première évidence : le sujet n’observera vraiment le champ que s’il n’y est pas inclus. Dès lors, la question de l’être ou du non-être se pose différemment : si l’observant que je suis, parvient, sur la base de son observation à la conclusion qu’il ne se trouve pas dans le champ de l’existence, il affirme par là même n’avoir aucune autre réalité autre que celle d’une pure abstraction théorique, un peu à la manière de « l’observateur placé dans les conditions de l’expérience » cher aux manuels de physique. Qu’une telle abstraction puisse être aussi active, là est le vrai paradoxe – et tout l’intérêt de la situation : aussi inexistant que je sois, je persiste à m’activer. Ha !
Je sais que je sème le trouble en refusant de paraître être. Et que d’une certaine manière je suis un traître en dévoilant avec une certaine impudeur – sinon quelque impudence – mon non-être ; car enfin, parmi vous, combien au fond d’eux (elles) mêmes peuvent affirmer qu’ils (elles) sont si sûrs que ça d’être ? Combien même peuvent affirmer sans hésitation qu’ils (elles) sont ? Je veux dire : non pas qu’ils (elles) soient ce qu’ils (elles) paraissent, mais tout simplement sont. Or vous avez tort de cacher votre non-être derrière cette apparence holographique qu’est votre corps. Apparence souffrante ou jouissante, certes, abusante ou abusée, soucieuse ou insouciante, selon. Mais la réalité d’une illusion, le corps d’une apparence, jouissance et souffrances incluses, suffisent-ils à fabriquer de l’être ?
Loin de moi l’idée de vous agresser en disant cela. Comment, n’y étant pas, ni là ni nulle part ailleurs, ergo n’y étant pour personne, pourrais-je vous agresser. L’irréalité matérielle de ma réalité théorique, font de moi quelque chose qui s’apparente à l’air ou à la lumière. Impalpable et libre comme la lumière et l’air, je ne peux avoir l’agressivité contondante des êtres et des choses. Oui je sais : le vent, les vents, la lumière celle de la lune, celle du soleil – sans compter l’air vicié des villes – peuvent s’avérer dangereux. Occasionner des troubles, des pathologies, des lésions. Mais c’est relativement exceptionnel, ou saisonnier. Et rien ne dit que nous soyons dans une semaine de pic de pollution, dans une lunaison maléfique, ou dans la mauvaise saison.
Donc je ne suis pas. Je ne participe pas. Je ne consomme pas. Je ne convoie pas. Je ne convole pas ni ne convoite. Je ne broute ni ne boite. Je ne fume plus (ou très peu). Je ne suis plus blessé par quoi (ni qui) que ce soit. Je ne m’implique plus, ce qui veut dire que je n’ai plus à me plier. Je ne me plie plus aux obligations, aux engagements, aux conséquences, aux commandements, aux injonctions, aux règles, aux sanctions, aux réactions, aux retournements, aux détournements. Je ne m’interroge plus (comment un N’étant-pas pourrait-il s’interroger sur les conséquences de son inexistence, ou sur l’hypothétique véracité de votre être.)
Vous, vous êtes ou vous n’êtes pas, c’est votre affaire. Tant mieux pour vous si vous n’êtes pas, car quelle tranquillité, je peux vous l’affirmer à défaut de pouvoir vous le dire en face (le N’étant plus que je suis n’a rien à faire avec la réalité d’un en face quelconque). Ainsi à défaut de pouvoir débattre avec vous de mon absence, je peux vous la signifier, et vous signifier par là même l’intérêt du principe d’absence. Signifier son absence, c’est un peu comme donner son congé (au patron, au banquier, au débiteur, au propriétaire, au curé, au parti…). C’est prendre congé de la négation de la vie. Et vous ne pouvez pas ne pas savoir que ce genre de congé, ça signifie bougrement. ÇA A EN TOUT CAS SIGNIFIÉ BOUGREMENT POUR QUELQUES UNS QUI DE LAUTRÉAMONT À MAÏAKOWSKI ET DE BÜCHNER À CREVEL ONT PAR LA DÉTERMINATION DE LEUR ABSENCE CHOISI DE RÉCUSER LES FAITS.
Une absence, ça parle.
Alors, à faux présent, absent et demi. Absentez-vous de vous-même. De vos déficits, de vos lâchet