Solstices d Afrique
88 pages
Français

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Solstices d'Afrique , livre ebook

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Description

"Puisqu'en ce soir encore, le soleil jette ses dards attendris sur le tableau féérique d'une journée qui se meurt, je laisserai mes yeux copuler avec cette beauté étourdie et silencieuse. Je laisserai mon visage embrasser les instants harmonieux qui ramassent tous les efforts conjugués d'une humanité qui s'enfante, éternellement. Je laisserai ma soif s'étancher dans la sueur qui dégouline de ces visages inconnus que je n'ai pas rencontrés et que je ne rencontrerai peut-être jamais. Mais fort de ma foi, je les sais tous vivants."

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2009
Nombre de lectures 56
EAN13 9782296679665
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Solstices d’Afrique
Toussaint KAFARHIRE MURHULA, S.J.


Solstices d’Afrique

poésie
Illustration de couverture © Fabienne Mouillac


© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09285-3
EAN : 9782296092853

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
À V. Y. MUDIMBE


Pour l’Afrique rêvée que tu inventes
Sans cesse autrement,
Par la pensée
Comme un horizon de possibilités
Jamais entièrement conquis
Sur les visages d’hommes et de femmes
Puisqu’en ce soir encore, le soleil jette ses dards attendris sur le tableau féerique d’une journée qui se meurt, je laisserai mes yeux copuler avec cette beauté étourdie et silencieuse. Je laisserai mon visage embrasser les instants harmonieux qui ramassent tous les efforts conjugués d’une humanité qui s’enfante, éternellement. Je laisserai ma soif s’étancher dans la sueur qui dégouline des visages d’hommes et de femmes que je n’ai pas rencontrés et que je ne rencontrerai peut-être jamais. Mais fort de ma foi, je les sais tous vivants, liés à la terre par un espoir invraisemblable qui est aussi mon espoir…

L’œuvre que j’admire dans le couchant du disque écarlate est adoration de l’âme totale qui frémit dans le mouvement de la terre. Rien ne meurt dans le jour qui baisse, tout est en perpétuelle genèse, gestation pour de nouvelles saisons, des joies renouvelées.

Mais il y a aussi la peine et la torture, la souffrance et la faim jusque dans le mutisme de ces visages anonymes que nous avons choisis d’ignorer. Visages et silences qui nous rappellent pourtant ceux de nos frères et sœurs, jadis partis vers l’horizon, attachés par des anneaux de fer, esclaves par nous vendus, et dont chaque pas et chaque larme martèlent encore les sentiers de nos malheurs. Quand apprendrons-nous à déchiffrer dans les sourires railleurs de nos bourreaux, non seulement la ruse pour nous mater, mais encore le froid message de notre propre trahison ? Puisqu’il convient que l’on se méfie de ce qui flatte, il nous faudra apprendre, même à nos dépens, que vivre bannis de l’histoire, prisonniers de la pauvreté, mendiants de la vie dans les hôpitaux où des fléaux artificiels et importés nous annihilent, n’est pas divin destin. Nombreux sont aussi ceux qui ne connaîtront pas ce spectacle gratuit qui anime l’horizon de ses mille couleurs de vie. Victimes d’une civilisation sans âme, nous passons à côté de la vie sans nous en apercevoir. Nous n’en connaissons même plus le goût, nos langues brûlées à tout jamais par la sécheresse de tout {1} …

Quand le soleil, par son clairon invisible et inaudible, annonce la fin d’une ère laborieuse et appelle tendrement les intimes rencontres de la nuit, la lune et les étoiles apprêtent leurs plus fines toilettes pour égayer les nocturnes et les noctambules, pour que la nuit soit moins triste {2} …

Sur tous nos visages, cependant, se lit l’incertitude et la peur d’un nouvel affront. Les ténèbres et le froid toujours au rendez-vous ; tandis qu’aucun édifice n’abritera les ébats de fertilité entre ciel et terre. Vous qui versifiez sur le coucher de soleil et sur la nuit, avez-vous imaginé une seule fois les affres de la nuit sur ces corps nus, cette peau sans défense ?

Cris de désespoir, gémissements de peine et de souffrance. Je les mélange à la coupe de joie et de réjouissance du monde que je boirai sans m’en griser… Je crierai en un son déchirant qui soit aussi mon chant de fête, toutes les voix des hommes et des femmes qui se sont tues dans l’effort de ce jour. Tous les mots étouffés par privation ou par résignation, tous les regards qui ont condamné les injustices de notre société malade d’égoïsme où le semblant d’ordre vient se greffer sur les prejuges de l’histoire et le cancer du matérialisme.

Toutes les mains qui se sont tendues vers moi dans une requête confiante.
Tous les regards que j’ai évités pour ne pas inquiéter ma conscience, tout cela fera ma prière d’homme dans le couchant d’une chaleur complice…
J’ouvrirai mes yeux sur mon cœur ; je laisserai défiler l’un après l’autre, dans le sillon creusé par le manque, ma soif d’aimer et mon désir de connaître ; je laisserai passer ces visages inconnus, ces hommes et ces femmes que je ne rencontrerai jamais et qui, pourtant, sont mes frères et mes sœurs.

Ils ont porté le poids de mon fardeau ; ils ont combattu tous mes combats ; ils connaissent, eux, ce que c’est l’incertitude et l’insécurité…

Chaque fois que vous fermerez les yeux sur un jour qui s’éteint ; chaque fois que vous fermerez mon recueil après en avoir lu un vers, une strophe, un poème, de grâce pleurez avec moi sur notre monde en folie et qui s’étiole. Pleurez avec moi pour la fraternité qu’on assassine. Pleurez, je vous en prie, car sur les visages de milliers de nos frères et sœurs, l’effort de survie a frôlé les forces de la mort. Votre pensée d’union et de communion pourra faire naître de l’ombre de la honte, un lieu de reconnaissance, de fraternité, d’amour.

Solstices d’Afrique {3} !
MON AFRIQUE ICI ET MAINTENANT
« L’identité est une fiction
… et moi qui croyais que l’identité
Était la seule Réalité. Fiction !
La vie aussi est fiction
Nous sommes tous des personnages
Héros et anti-héros
Beau spectacle donc »

Angèle Bassolé
ENTRE LES EAUX
Il y a de la folie dans tes yeux
Un élan vers tout ce qui nie et détruit
Authentique désir de te soustraire aux
Institutions consacrées par un ordre malsain
Tu hais les plaisirs les plus honnêtes
Ils ont à ton palais le goût du sang et de la cendre

Il y a de la folie dans tes gestes
Dans chaque haine que tu voudrais crucifier
L’innocence traverse les fragilités de toujours
Tu écrases d’un geste vif
Tous les semblants de bonne conscience
Tu cours, tu cours, tu cours
Vers des espaces où les pleurs et les peurs se taisent
Il n’y a plus de loi pour t’arrêter

Il y a de la folie dans ta bouche
Les paroles ne sont qu’une tricherie grossière
Entre le sacré et l’injure,
La démarcation n’est plus nette
Ecouter est une trahison
Proférer tout le fiel des années de mensonge
Essorer le temps des silences d’impuissance
Les fleurs jaunes, jasmins, lilas…
Versent des larmes du mutisme témoin de tes folies

Il y a de la folie partout
Laisse ton cœur pleurer en silence
Les douleurs quotidiennes d’un avenir bouché
Les extases morbides des rendez-vous manqués
Je salue la rébellion dans ma tête qui tourne
Et le vertige devant tes principes erronés
De quelle foi vivras-tu dans un monde où tes signes
Eclatent la nudité des royaumes brisés qu’ils cachent ?
MARIE GERTRUDE
Vampires et fantômes goulûment
Suçotent la moelle de mes adorations aimantes
Les tentacules de l’incroyance manquent en moi de prise
Je nage, je flotte et le grand courant m’emporte

Vampires et fantômes se cachent et
S’abreuvent dans mes fantasmes oniriques
J’ai des ailes et je plane au-dessus des montagnes géantes
Je viole les espaces des charognards jaloux

Vampires et fantômes se dressent et
Boivent le sang de mes menstrues tragiques
Gaspillage d’une fécondité « afrosiaque »
Fleur malade aux pétales troués

Vampires et fantômes me poursuivent
Jusque dans mes retranchements
Derrière les symboles sacrés
Tabernacle de mes désirs sacrifiés
Ouvert sur les espérances avortées
D’une foi bâtarde

Vampires et fantômes m’attendent
Ils pressent mes seins gonflés d’une maternité mystique
Je crois que l’amour n’est pas fiction
J’enfante l’éternité dans chaque enfant qui meurt

Vampires et fantômes m’enfoncent dans
Le grand trou noir de la déchéance partielle
Je lâche les amarres sans admettre mon supplice
Non je ne meurs pas
C’est l’époux

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