Une ficelle charriée par l Oued
135 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Une ficelle charriée par l'Oued , livre ebook

-

135 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Les textes en vers et en prose de ce recueil sont des jalons, des pierres jetées le long d'un parcours de traverse. Parcours d'un métis culturel coincé entre un passé qui provoque sa fuite en avant et un avenir qui se refuse et le renvoie constamment à ses origines.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2010
Nombre de lectures 216
EAN13 9782296706941
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une ficelle charriée par l’oued
Maurice Guarnay


Une ficelle charriée par l’oued
Poésie


Préface de Marc Raffinot
Du même auteur

Gérer et planifier votre trésorerie, « Masters », Éditions First, 1997

La ville en négociation. Une approche stratégique du développement urbain, « Villes et entreprises », L’Harmattan, 2008


© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12814-9
EAN : 9782296128149

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
À Halima et Hassan


« Mais pour ce que chaque homme à chaque homme naturellement est ami, et que chaque ami s’afflige de voir pâtir celui qu’il aime, ceux qui à si haute table sont nourris ne restent pas sans miséricorde envers ceux qu’ils voient en bestiale pâture aller mangeant herbes et glands. Et pour ce que miséricorde est mère de bienfaits, toujours libéralement ceux qui savent offrent de leur bonne richesse aux vrais pauvres, et sont comme fontaine vive dont l’eau rafraîchit la naturelle soif qui ci-dessus est nommée. Et moi donc, qui n’ai point siège à la bienheureuse table, mais qui, fuyant les pâtures du vulgaire, recueille au pied de ceux qui sont assis une part de ce qu’ils laissent choir, et connais la misérable vie de ceux que derrière moi j’ai laissés, – pour la douceur que je goûte en ces bribes que petit à petit je recueille, mû de miséricorde et ne voulant qui je suis oublier – j’ai pour les malheureux réservé quelque pitance que je leur ai mise sous les yeux de bon temps déjà ; et en ce les ai faits davantage désireux. »

DANTE. Œuvres Complètes. Le Banquet p. 276. Gallimard (La Pléiade) 1965

« Si notre poésie a cependant une caractéristique originale qui puisse se définir, c’est, me semble-t-il, d’être l’une des expressions d’un peuple qui, plus que tout autre à l’époque moderne, a réfléchi avec constance et pénétration sur l’homme. Plus qu’une poésie de l’évasion, c’est une poésie de la méditation – de l’homme rentrant en lui-même. A cette longue suite de psychologues et de moralistes que l’on connaît, répond tout naturellement une suite analogue de poètes qui ont traduit en vers la mélancolie, la résignation, la joie et le désespoir de l’âme humaine aux prises avec la connaissance d’elle-même, avec les problèmes de la vie et de la mort. »

Georges POMPIDOU. Anthologie de la poésie française. p. 13. Hachette 1961 .
PRÉFACE
J’ai rencontré Maurice Guarnay, l’auteur de ce recueil, il y a plus de quarante ans. C’est mon ami. Je ne l’ai pas connu petit enfant, dans sa Tunisie natale, dans sa famille, dans la ville où il est né. Et je ne connaissais pas ses poèmes, que vous allez lire.

Pour moi, ces poèmes sont des jalons, des pierres qu’il a jetées le long de son parcours. L’histoire vraie de ce parcours, c’est ce que j’invente ici pour vous, dans cette préface. Parce que ces poèmes sont aussi des traces, ils sont marqués par le contexte dans lequel ils ont été écrits.

Le parcours, c’est celui de quelqu’un qui s’est acharné à ne pas être ce qu’on lui avait dit d’être, ce qu’il était destiné à être. Qui a décidé qu’il serait ce qu’il aura décidé d’être, et pas ce que les hasards de l’existence, de la naissance avaient décidé qu’il serait. Qui a décidé qu’on ne lui mettrait pas d’étiquette, qu’il ne respecterait pas l’étiquette.

Cela commence dans le soleil et la mer. De brillantes études dans la Tunisie de Bourguiba, qui conduisent à être un cadre supérieur d’un Etat du tiers-monde en guerre pour le développement. Avec l’enthousiasme qui suit l’indépendance, vite suivi du dégoût pour la nomenklatura conformiste, pour la veulerie, l’hypocrisie de cette « élite » obséquieuse qui parle de socialisme, qui passe son temps à se partager le pouvoir et les richesses en combinant de beaux mariages pour se rapprocher du pouvoir. Langage sous contrôle, langage codé, langage de la connivence implicite, langue de bois qui étouffe. Machine à décerveler.

À l’auteur, cette société offre les privilèges, l’argent, le pouvoir, sous condition de lécher la main à qui il devra tout ça. On lui offre tout, il part. Il veut choisir lui-même son identité, la construire. Ne pas se coucher dans le lit qu’on a préparé pour lui.

Il arrache les fils, il transgresse. Il coupe le cordon ombilical, méthodiquement. Ça fait mal. L’auteur éjacule des poèmes ; toujours avec un peu de sang, comme dans un tableau de Delacroix. Il brûle ses vaisseaux, quel incendie ! Ça flambe, ça crépite, un vrai feu d’artifice ! Hannibal part à la conquête de Rome.

Alors vient la bagarre avec cette société vers laquelle il va, qui scintille de ses lumières et de ses Lumières, qu’il a décidé de faire sienne, et qui ne lui offre rien. Ou plutôt si, et de bon cœur : du dédain, du paternalisme, des hochets pour celui qui sait rester à sa place. Délit de faciès ! Et en attendant, la solitude : « Soleil incandescent qui tape sur l’ombre de notre ennui ! »

L’auteur ne veut pas rester à sa place ; il tombe bien, c’est justement mai 68, Paris est une fête ! Le vieux monde court dernière nous, mais nous avons confiance, il ne nous rattrapera pas. Hasta la victoria, siempre ! Levez vous, orages désirés ! Et les femmes ! Finis le harem et les cousines, c’est la libération sexuelle, l’irruption de mille machines désirantes. Qu’il était beau, ce monde d’avant le SIDA et l’horreur ! « Le grand torrent qui gronde charriera tout l’immonde ».

C’est la tempête, on s’y croit pour un peu. Faire partie du « troupeau ignoré d’ouvriers, exilés, apatrides ». Mais le naufrage tant souhaité tarde tant, la bête immonde refuse de mourir. Le prolétariat rentre dans ses prisons casernes, nous n’y pouvons rien. Faire semblant, encore un peu. Une dernière fois, le pays natal attire et rejette : règlement de comptes.

L’auteur, lui, a décidé de faire de l’exil un royaume. Le sien. De retourner leurs armes contre ceux qui lui barrent la route : « Dans notre sang, l’ardeur de grimper, le serment de vaincre ». D’être reconnu : comme le meilleur. Quel orgueil : ni Dieu ni maître, je me suis fait tout seul ! Pas de demi-mesures, être le meilleur dans les deux mondes !

Il veut tout, comme on disait en 68. Encercler les villes par les campagnes. Feu sur le quartier général ! Il continue à gicler des poèmes, il veut être plus. Plus compétent, meilleur gestionnaire d’un monde au bord de l’abîme, meilleur amant, plus savant, tout. Il veut parler toutes les langues de la terre, c’est la Pentecôte en continu dans sa tête. Ah, mon Dieu, c’est encore lui, le phallus impudicus !

Il se fracasse le crâne contre les portes qu’on lui ferme, sur les plafonds de verre qui mettent une limite à la place qu’il peut occuper. Ça fait mal, il court encore, à l’assaut toujours. Il délire, il délire des poèmes.

Et pourtant les autres l’appellent de là-bas : reviens, que fais-tu chez ces foutus mangeurs de cochon ? Tu es des nôtres, reviens ! Ta mère t’attend, qui a tant espéré ton retour, elle t’a choisi une épouse, dans la touffeur des hammams ! Dans les nuits tièdes, l’odeur du jasmin te pénétrera, des houris t’attendent, elles te masseront les pieds pour effacer tes fatigues ! Nous n’avons jamais cru à ta métamorphose, tes acrobaties sont pitoyables ! Reviens, au nom du Père ! Fais attention, nous avons le bras long, tu connais le châtiment réservé aux traîtres ! Les ancêtres redoublent de férocité ! Il leur répond : « O mes amis du passé ! Le passé, un cadavre… »

L’auteur a résisté aux appels et aux menaces. Il a résisté aux honneurs, vaines breloques. Aux houris parfumées des jardins du Paradis, pas si difficile non plus. A sa mère, à la langue de sa mère. A sa mère qui lui avait dit que les gens sans racines sont « comme des ficelles charriées par l’oued ». Il a tenu, il a traversé l’oued. Quelle tension ! Ce n’est plus une ficelle, c’est un câble tendu à se rompre.

Et maintenant ? C’est le moment du retour sur cet étrange trajet, sur ce je qui est devenu un autre, sur cet autre qui est devenu je . La tentation de la sagesse : la forteresse était vide, et certainement nous l’avions toujours su : « Où vas-tu ?… vers la reconquête d’un rien. ». Nous l’avions toujours su sans doute, mais de là à l’accepter !

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents