Parcourir la terre
275 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Parcourir la terre , livre ebook

-

275 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Intimement lié à la condition des hommes, le voyage prit pendant très longtemps la forme de l'exploration, avant d'être peu à peu investi par les scientifiques et les écrivains au XIXe siècle. Aujourd'hui, les touristes en sont les principaux acteurs, et la transmission de l'expérience vécue, par des récits ou d'autres documents, donne souvent à voir un monde idéal.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2008
Nombre de lectures 36
EAN13 9782336253879
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Collection Là-bas dirigée par Jérôme MARTIN
Déjà parus :
Eric DESCHAMPs, La cuisine des révoltés du Bounty, 2007.
J. A. MEIJN VAN SPANBROEK, Le voyage d’un gentilhomme d’ambassade d’Utrech à Constantinople. Texte présenté et annoté par C. VIGNE, 2007.
Louis GIGOT, Syracuse, 2007.
Aline DUREL, L’imaginaire des épices, 2006.
Henri BOURDEREAU, Des hommes, des ports, des femmes, 2006.
Gérard PERRIER, Le pays des mille eaux, 2006.
Fabien LACOUDRE, Une saison en Bolivie, 2006.
Arnaud Nouï, Beijing Baby, 2005.
Parcourir la terre
Le voyage, de l'exploration au tourisme

Bruno Lecoquierre
© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan cawanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296049222
EAN : 9782296049222
Sommaire
Collection Là-bas dirigée par Jérôme MARTIN Page de titre Page de Copyright Dedicace Avant-propos Première partie - Découvrir la Terre
Chapitre I - Les enjeux de l’exploration Chapitre II - Moyens, méthodes, techniques Chapitre III - L’élargissement de l’œcoumène aux dimensions de la Terre
Deuxième partie - Voyager et rendre compte
Chapitre IV - Le récit de voyage Chapitre V - Le voyage au cœur de la littérature Chapitre VI - Donner à voir un monde idéal
Troisième partie - Comment peut-on être voyageur ?
Chapitre VII - Les formes contemporaines de l’exploration Chapitre VIII - Les touristes, voyageurs modernes Chapitre IX - Voyager pour vérifier la diversité du monde
Epilogue Cartes Bibliographie Index des noms de personnes
En hommage à Théodore Monod
Avant-propos
J’aime les voyages et les explorateurs 1 . J’imagine parfois qu’il nous est donné de choisir un personnage disparu que nous aurions le loisir de côtoyer, au prix d’un voyage dans le temps, dans une circonstance particulière de sa vie. Un personnage et un seul. Un tel choix ouvrirait bien sûr des abîmes de réflexion sur les critères à privilégier, les raisons profondes de ces critères, ce que l’on recherche, ce qu’on souhaiterait ressentir plus que toute autre chose. Sans doute choisirais-je alors de croiser Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland dans leur exploration de l’Orénoque, au tout début du XIXe siècle – peut-être, par exemple, pour assister avec eux à la capture des poissons électriques – ou bien, plus sûrement, je rencontrerais René Caillié arrivant à Djenné, le 11 mars 1828, après avoir surmonté les terribles difficultés de l’Afrique occidentale et sur le point d’atteindre enfin Tombouctou.
Comme Claude Lévi-Strauss s’interrogeant dans Tristes tropiques sur le « temps des vrais voyages, quand s’offrait dans toute sa splendeur un spectacle non encore gâché, contaminé, maudit... », j’imagine l’Antarctique encore inconnu, le Hoggar hors de portée et Tombouctou non encore visitée. C’est pourquoi je choisirais de rencontrer René Caillié à Djenné, juste avant qu’il n’ait atteint Tombouctou, alors que le mythe tient encore et que la déception n’a pas fait son œuvre devant le spectacle d’une ville finalement banale. A l’ombre d’une maison en banco, je recueillerais ses impressions de voyage brutes, ses découvertes, ses souffrances, ses joies, avant qu’elles ne décantent et soient modifiées par le passage du temps et la transformation inévitable du travail de mémoire. Avant qu’elles ne prennent la forme d’un récit destiné au grand public. Avant que l’expérience irremplaçable du terrain ne soit définitivement édulcorée. Il arrive parfois, cependant, que cette expérience reste sensible et apparente dans les lignes d’un récit ; il s’agit alors de récits bruts non remaniés pour la publication et publiés tels quels. Ces récits sont rares et ils sont généralement dus à la disparition prématurée de l’explorateur. Le voyage halluciné de Michel Vieuchange à Smara, en 1930, en est sans doute le meilleur exemple : « Si je ne prenais pas ces notes au fur et à mesure, tout s’effacerait ou presque ; ou si j’écrivais quelque chose avec le recul, ce serait fort différent. Les jours succèdent aux jours et je m’en aperçois à peine » 2 .
Je demanderais surtout à René Caillié, comme on pourrait tout aussi bien le faire avec Michel Vieuchange : pourquoi ce voyage harassant ? Pourquoi affronter de tels dangers, au risque d’en mourir ? Pourquoi accepter de telles souffrances, les rechercher même puisqu’elles sont inhérentes au voyage ? Là se trouve la véritable question, dans la quête qui a mis en route tant d’hommes et de femmes au cours des siècles. Car ce qui compte n’est finalement pas d’atteindre le but recherché mais bien de chercher à l’ atteindre : Tombouctou, une fois visitée, s’est montrée bien décevante et la découverte de la ville ne valait pas les efforts consentis pour l’atteindre. Cependant, Tombouctou et Smara non atteintes et c’est le voyage dans son entier qui perd sa raison d’être. L’objectif de l’exploration, nécessaire clef de voûte qui stabilise l’expédition et lui donne sa finitude, perd souvent son intérêt dès qu’il est atteint : « Ah ! C’était donc ça ! ». Pourtant, il justifie la quête et lui donne son éclat. Que serait le voyage de René Caillié si Tombouctou n’avait pas été atteinte ? On ne s’en souviendrait probablement pas et les terribles souffrances endurées par le voyageur n’auraient pas trouvé leur justification. Le concurrent de Caillié, Alexander Gordon Laing, qui, parti de Tripoli, atteignit Tombouctou en 1826 mais n’en revint pas, est pourtant resté dans les mémoires car son expédition s’est trouvée justifiée par son séjour à Tombouctou. René Caillié, de plus, en est revenu et a pu raconter les terribles conditions de son voyage solitaire : il a donc ajouté la reconnaissance et la gloire à la réussite. La quête se trouve donc justifiée et magnifiée par l’accomplissement mais c’est elle qui est le véritable moteur de l’exploration.
Peut-être alors pourrait-on convenir que c’est, à l’époque actuelle, beaucoup plus la facilitation des moyens de transport que la connaissance de la surface de la terre qui a affadi et, dans bien des cas, dénaturé l’exploration. Le transport aérien, par sa rapidité et sa facilité d’utilisation, permet certes des voyages lointains dans des temps très courts mais il a eu pour effet de supprimer les temps d’approche, spatiaux autant que temporels et culturels, qui étaient comme la substance de l’exploration. Que vaut de se faire déposer en hélicoptère au camp de base de l’Annapurna ou de l’Everest plutôt que d’y accéder à pied, au terme d’une longue marche d’approche ? L’exploration est incompatible avec la rapidité – laquelle ne peut être cependant réduite à la seule durée des transports – dont la superficialité devient vite le corollaire. Les ethnologues, n’en déplaise à Claude Lévi-Strauss, sont bien des explorateurs lors de leurs longues missions sur le terrain, comme celle accomplie par Philippe Descola chez les tribus Achuar (Jivaros) de la Haute-Amazonie équatorienne au milieu des années 1970. 3
Ce qui vient d’être dit permet aussi d’affirmer que la connaissance de la quasi-totalité de la surface terrestre n’a pas mis un terme final à l’exploration. Selon Yves Lacoste (2003), l’étymologie du mot viendrait du latin ex prolator  : « se porter en avant vers l’extérieur » et il est assurément permis à chacun, même à l’époque actuelle, de se porter en avant vers l’extérieur. L’exploration, en somme, dépendrait plus de l’explorateur que de la terre explorée. On ne saurait par exemple dénier à Patrice Franceschi le titre d’explorateur lors du tour du monde océanique qu’il a réalisé sur la Boudeuse entre 2004 et 2007 ; les mers et les rivages qu’il a visités avaient pourtant été parcourus par d’autres voyageurs bien avant lui...
Certains enjeux anciens de l’exploration n’ont plus court, comme la vérification des mythes ou l’expansion coloniale ; d’autres ont perduré comme la recherche scientifique ou sont apparus plus récemment comme l’exploit sportif. Les formes contemporaines de l’exploration s’alimentent souvent à de nombreux mythes anciens réactivés qui

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents