Sinnamary
222 pages
Français

Sinnamary , livre ebook

-

222 pages
Français

Description

Combien de temps deux rescapés d'un accident d'avion, traqués par des tueurs sans merci, peuvent-ils subsister dans la jungle en descendant l'un des fleuves les plus méconnus de Guyane ? Ce roman d'aventures, riche en rebondissements, a l'ambition d'intéresser aussi bien les cinéphiles que les navigateurs, et de passionner les naturalistes férus de grands espaces vierges comme les aventuriers en herbe…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 avril 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782140118746
Langue Français
Poids de l'ouvrage 14 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Y
Dgé Quî
SINNAMARY Roman f leu ve
SINNAMARY
SINNAMARY Roman fleuve
Dgé Quil SINNAMARY Roman fleuve
Du même auteur : Aux éditions de l’aube, collection « monde en cours » : BOUSQUET Gérard, J’échange ma maison 3 fois par an depuis 20 ans ! Précis de doméchange à l’usage des hésitants, 2013. ISBN : 9 782815 907903 © L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-16785-5 EAN : 9782343167855
Chapitre 1 ème 12 jour Les gouttes de pluie tambourinent sur la toile sans discontinuer depuis des heures, depuis des jours. Un jour et deux nuits précisément, calcule Jacques. Surtout ne pas perdre la notion du temps ! Continuer à consigner et à dater sur le carnet de route le moindre évènement, sans relâche ! Dans l’exiguïté du bateau, la moiteur est insupportable ; la condensation ruisselle sur les parois imperméables. Jacques entrebâille la toile pour ne pas suffoquer. Au-dehors, la nuit est noire, complètement noire. Tant que l’on n’a pas passé une nuit sans lune, sous les nuages, dans les profondeurs de la forêt guyanaise, on ne sait pas ce qu’est réellement une nuit noire: pas une étoile, pas un photon ! Le corps noir idéal des cours de thermodynamique. Aucun reflet sur l’eau, impossible de distinguer la rive pourtant toute proche: le vrai noir d’encre.Le martèlement de la pluie estompe tous les bruits habituels de la forêt: les insectes s’abritent sous les feuilles ou s’enfoncent dans la litière, les prédateurs nocturnes se cachent ou se faufilent en silence. Jacques n’allume pas sa torche; pour voir quoi ? Une fraction de seconde, il est saisi d’effroi à la pensée de l’immensité végétale qui l’entoure; il ressent une douleur fugace dans le plexus solaire quand l’état de sa situation émerge brutalement, comme une bulle, à la surface de son esprit : voilà douze jours qu’il s’enfonce dans une forêt équatoriale inconnue pour fuir des tueurs qui traquent Claire, la seule rescapée parmi les passagères du vol Cayenne-Saül, ce vol qu’il a eu la malchance de prendre en même temps qu’elle.Ne pas succomber à la panique ! Reprendre ses esprits en ravivant des souvenirs plus apaisants est une méthode qui lui réussit plutôt bien : se remémorer un lieu, un événement ou une séquence de film qui présente des analogies avec les circonstances actuelles est une façon de relativiser, de prendre de la distance, de se mithridatiser. Claire se moque de lui chaque fois qu’il débute une phrase par «ça me rappelle quand», mais elle écoute et finit par sourire si les similitudes sont probantes.
ϱ
Claire s’est enfin assoupie; recroquevillée sur sa couchette trempée de sueur, elle ne cesse de s’agiter. De grosses gouttes perlent de son front. Jacques a toujours été réfractaire à tout ce qui touche à la médecine mais un front brûlant, quand tous les membres tremblent, c’est symptomatique d’une fièvre carabinée, tout le monde sait ça. Il a entassé sur elle tous les vêtements encore secs qu’il a pu rassembler, puis il l’a enveloppée dans la seconde couverture de survie, comme une araignée enveloppe sa proie avant la morsure fatale. Dans un suaire doré pour bien suer. Fixer son attention sur l’étymologie du mot « suaire» le détourne un instant de la dure réalité. L’autre couverture de survie recouvre le plafond de la cabine pour limiter les radiations infrarouges ; il a vu cette astuce dans un film d’action où le héros échappe ainsi aux caméras de détection de drones ennemis. Du moins, la surface métallisée réfléchit-elle la lumière, mieux que la toile, dans le petit habitacle. Sa montre indique à peine minuit. Encore six heures de veille dans l’obscurité totale avant les premières lueurs matinales. L’angoisse l’empêche d’envisager le repos. Jusqu’alors, c’était l’énergie insouciante de Claire qui lui avait permis de tenir au plus fort de l’adversité, de réussir des prouesses dont il neserait pas cru se capable, et maintenant elle est là, inconsciente, à se retourner sur son hamac comme un ver picoré par un merle. C’est la faute à «pas de chance » : un gringalet de scorpion albinos tapi sous des branches sèches qu’elle voulait ramasser pour réalimenter le feu au petit matin ; une piqûre dans la paume de la main gauche suivie d’une douleur fulgurante, semblable à une décharge électrique. Jacques s’est précipité quand elle a crié. Elle était blême, les yeux révulsés, immobile comme attendant la mort. Un scorpion, un scorpion tout blanc. L’arthropode était encore à ses pieds. Jacques l’a écrasé rageusement comme si bousiller l’animal pouvait soulager la victime.Rassure-toi! Il n’est pas mortel! J’ai été piqué dans les mêmes circonstances pendant mon premier séjour à Saül. Un jour de pluie aussi. Je m’étais levé le premier pour préparer le petit déjeuner. Il était planqué dans le tas de bois près du feu. Le guide m’a affirmé que j’en avais pour une demi-journée à sentir des décharges électriques chaque fois que je bougerais un doigt. Á midi, la douleur avait disparu et je pouvais à nouveau me servir de ma main gauche. Jacques avait cherché à être le plus convaincant possible, sans être vraiment persuadé que ce scorpion était de la même espèce que celui ϲ
dont il gardait un souvenir cuisant. Le plus important était de donner confiance. Claire avait vite expérimenté à ses dépens que le moindre mouvement des doigts équivalait à les enfoncer dans une prise électrique. Cette situation la maintenait dans un état de commotion alarmant. Son corps se mit à trembler comme une feuille de peuplier agitée par le vent d’autan. Jacques dut la soutenir pour la ramener au bateau et pour l’allonger sur son hamac. La peur de subir une nouvelle décharge crispait le visage de Claire que Jacques humectait régulièrement en lui parlant doucement. Ádéfaut d’administrer un contrepoison, il fallait exorciser le mal en niant la dangerosité de ce maigrelet de scorpion même pas coloré. Jacques lui avait fait avaler un cachet de paracétamol prélevé dans la seule boîte conservée dans la trousse à pharmacie. Le venin du scorpion devait être thermolabile comme celui des vives, ces poissons appréciés dans la bouillabaisse qui s’ensablent en bord de plage et que nous redoutions, enfants, les jours de vent marin, quand les vagues troublent l’eau. Jacques avait déjà plusieurs fois secouru des baigneurs en approchant l’allume-cigare de sa voiture de la plaie pour dégrader le venin à la chaleur. Mais il fallait intervenir dans les toutes premières minutes et, ici,il ne disposait pas d’allume-cigare. Après une accalmie, l’orage s’approche à nouveau, un sourd roulement de tambour sur les feuilles précédant de peu le tintamarre des premières gouttes. Jacques avait suffisamment bourlingué dans le vaste monde pour savoir apprécier les plus fines différences entre les pluies. Il n’avait pas beaucoup d’effort à faire pour s’imaginer escaladant une falaise dans le crachin breton, admirant un arc-en-ciel dans le jardin de son enfance pendant les giboulées de mars, courant sur une plage méditerranéenne noyée sous les trombes d’eau d’une averse d’été soudaine ou regardant nostalgiquement, accoudé au balcon d’un immeuble, la grisaille d’une pluie parisienne interminable. Il n’avait pas assez navigué pour avoir le souvenir de grains mémorables et un orage épouvantable dans les Pyrénées l’avait dégoûté très jeune des excursions en montagne. Jusqu’à son premier voyage sous les tropiques, sa perception de la pluie se limitait donc à ces catégories de douches froides plus ou moinsfines et rarement agréables. Ce n’était excitant que lorsqu’il comptait avec ses frères les secondes séparant les éclairs des coups de
ϳ
tonnerre ou lorsqu’ils allaient ramasser des escargots, de nuit, autour du cimetière, équipés de lampes à carbure. Sous les tropiques, les gouttes de pluie sont plus espacées mais plus volumineuses, comme si elles s’agglutinaient avant de toucher le sol. Bien entendu, cette pluie mouille, mais l’eau est chaude, bienfaisante, et s’évapore rapidement. Pour un Européen, la relation à la pluie en est profondément perturbée. Le craquement d’un tronc qui se fend reconnecte un instant Jacques à la réalité. Il doit faire un effort mental intense pour renouer le fil de ses divagations oniriques; il se revoit, trempé jusqu’à l’os sous sa cape en plastique bariolée, lors d’une promenade en barque sous une pluie étincelante dans la baie d’Halong terrestre, au sud de Hanoi. Á cette image vient se substituer celle des flancs du volcan Irazu au Costa-Rica, où il s’était abrité d’une pluie d’une rare violence sous l’immense feuille d’une «ombrelle du pauvre ». Il focalise son attention sur cette plante monstrueuse aperçue la première fois dans un jardin botanique au sudde l’Irlande etque l’on trouve aujourd’hui dans les jardineries. Il a son nom sur le bout de la langue ; trois syllabes, une terminaison en « a ». Il enrage de ces trous de mémoire de plus en plus fréquents qui l’obligent à triturer ses synapses en toute occasion. Gunnera, le genre Gunnera. Ouf ! Il peut reprendre son inventaire émotionnel sur les précipitations terrestres. Jacques n’a pas eu l’occasion de se familiariser avec la mousson lors de ses voyages au Cambodge et au Sri Lanka. Il a également échappé aux tornades à Madagascar et aux ouragans à Cuba. Á bien y réfléchir, son expérience des cyclones se limite à un passage dans un simulateur, bien au sec dans un parc d’attraction d’Orlando, en Floride. Et Jacques conclut qu’il est loin d’avoir fait le tour du monde de la pluieUne plainte le fait sursauter. La main de Claire a cogné le plat-bord. Jacques allume sa lampe frontale et l’examine: la piqûre est invisible, la main n’est pas tuméfiée mais reste sensible au moindre contact. Il lui semble que le visage de Claire a repris quelques couleurs et que sa respiration est moins haletante. Est-ce la fin de ce cauchemar ? Jacques a déjà éteint sa frontale. Ne pas gaspiller l’énergie! Le capteur solaire ne suffira pas à recharger tous les appareils du bord, surtout si la pluie persiste encore plusieurs jours. S’évader mentalement pour supporter la situation. Son esprit se raccroche au thème de la pluie. Il s’interroge: où a-t-il vu la plus grosse goutte d’eau?
ϴ
C’était peu d’années avant le tournant du siècle, pendant la petite saison sèche de mars qui dure à peine deux semaines entre les deux saisons de pluie. Jacques avait décidé son pote Yves à l’accompagner dans la forêt guyanaise pour un voyage-aventure organisé par Nouvelles Frontières. La brochure proposait une semaine d’initiation à la vie en forêt, autour de Saül,suivie d’une semaine en immersion complète dans la forêt. Saül avait connu la ruée vers l’or un demi-siècle auparavant. Les filons s’étaient vite épuisés, les mouches avaient tué les animaux de trait jusqu’au dernier, les chercheurs d’or étaient repartis, laissant la place à quelques clandestins brésiliens, la cathédrale de Saül n’accueillait plus alors qu’une centaine de paroissiens dont un bon nombre de fonctionnaires chargés de maintenir la présence française dans cette contrée lointaine. Pour le folklore, l’initiation comprenait une séance de prospection dans la rivière. Le groupe était bravement parti sous une pluie battante à la recherche de la pépite oubliée. L’orpaillage n’est pas une activité de tout repos et le maniement de la batée exige une dextérité sans faille sous peine de renvoyer à l’eau le précieux métal après l’avoir patiemment séparé du sable et de la gangue de débris divers. Jacques avait passé la matinée les pieds dans l’eau,étouffant sous sa cape, les cheveux ruisselant sous la pluie.Petit à petit, le geste s’était fait plus habile, graviers et sables grossiers s’échappaient de la batée plus facilement. Au moment où le guide sifflait la fin de la partie, Jacques apercevait enfin au fond de la batée sa pépite, un grain de poussière d’or pesant son dixième de gramme. Avec une infinie précaution, il avait poussé le grain jusqu’au bord de la batée et il s’apprêtait à exhiber sa trouvaille quand… quand une énorme goutte de pluie s’étaitprécipitée sur sa micro-pépite, l’expulsant irrémédiablement de la batée et la ramenant dans les profondeurs de la rivière. Amère désillusion ! Jacques avait entrevu ce jour-là la tragique destinée des aventuriers atteints par la fièvre de l’or.L’évocation dece souvenir l’a ragaillardi. Que de bons souvenirsattachés à ce premier séjour en Guyane ! Que de découvertes, en compagnie d’Yves, l’éternel complice de ses voyages aventureux! Yves, son pote Yves, où peut-il être en ce moment ? Jacques le revoit, s’apprêtant à descendre de l’avion, quand la porte de la carlingue s’était brusquement fermée. L’avion avait péniblement décollé de ce terrain de fortune et puis tout s’était enchaîné très vite, l’arrivée des trois tueurs, le massacre, la fuite, la fuite éperdue…
ϵ
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents