Romans, contes et nouvelles
355 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Romans, contes et nouvelles , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
355 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Extrait : "En donnant mes soins à cette nouvelle édition des romans, nouvelles et récits, que j'ai déjà offerts au public, d'anciennes questions se sont souvent représentées à mon esprit, et je me demandais s'il serait possible de mettre un frein à la fureur que l'on a de lire des romans ; si l'effet de ces livres est aussi puissant et aussi fâcheux qu'on le dit ; si, par sa nature, ce genre de composition a une action nécessairement immorale et pernicieuse."

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 30
EAN13 9782335040210
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335040210

 
©Ligaran 2015

De la lecture des romans
En donnant mes soins à cette nouvelle édition des romans, nouvelles et récits, que j’ai déjà offerts au public, d’anciennes questions se sont souvent représentées à mon esprit, et je me demandais s’il serait possible de mettre un frein à la fureur que l’on a de lire des romans ; si l’effet, de ces livres est aussi puissant et aussi fâcheux qu’on le dit ; si, par sa nature, ce genre de composition a une action nécessairement immorale et pernicieuse ; et enfin jusqu’à quel point il est raisonnable d’en tolérer la lecture.
Comme conseiller spirituel ou comme père de famille, nul doute que l’on ne proscrivît rigoureusement les romans ainsi que les pièces de théâtre. Mais ces arrêts sévères, ces résolutions absolues, rencontrent d’inévitables obstacles dans la pratique de la vie telle qu’elle est faite depuis huit cents ans en Europe ; c’est-à-dire au milieu de générations successives qui n’ont pu exister sans l’excitation simultanée des croisades et de la lecture des contes fort libres des trouvères, de romans de chevalerie assez scabreux, et d’une foule de chansons peu édifiantes ; au milieu d’un monde faisant de saints pèlerinages, bâtissant comme par enchantement des forêts d’églises, et qui, aux offices divins, se plaisait à entendre des musiques lascives sur des paroles qui ne l’étaient quelquefois pas moins, et dont personne cependant, pas même le clergé, n’eut l’idée de faire cesser le scandale pendant plus de deux siècles qu’il a duré.
Sans m’arrêter aux fêtes des fous et des innocents  ; sans rien dire du goût que l’on avait de danser dans les églises, dans les cloîtres ou les cimetières, et passant rapidement sur les mystères et les représentations de drames pieux qui se combinèrent jusqu’au seizième siècle, dans les lieux saints, avec des illuminations, des gloires d’anges mécaniques et des évolutions pieuses accompagnées de pantomimes et de musique ; je rappellerai que du centre orageux des guerres entre le sacerdoce et l’empire, que pendant les conflits sanglants des factions les plus haineuses, puis des guerres de religion qui leur succédèrent, on vit apparaître une foule de compositions romanesques, dont on ne peut s’expliquer le succès extraordinaire que par le besoin de diversion toujours indispensable aux esprits quand ils ont été longtemps fatigués par de grands malheurs.
N’est-ce pas en effet au milieu de circonstances analogues que parurent successivement les fabliaux des trouvères, le Décaméron de Boccace, les contes de Chaucer, les amours d’Euriale et Lucrèce de Piccolomini, depuis pape sous le nom de Pie II ; les Cent nouvelles, à la rédaction desquelles Louis XI et les seigneurs de sa cour, lorsqu’il était dauphin, ont pris part ; les aventures du moine Colonna de Trévise avec une jeune nonne, le Roland furieux du divin Arioste, le Pantagruel de Rabelais, Daphnis et Chloé de Longus, traduit par Amyot, grand aumônier de France ; les histoires amoureuses racontées par Bandello, évêque d’Agen ; l’Astrée de d’Urfé, et tant d’autres romans inférieurs en mérite à ceux que je viens de nommer, mais dont la vogue ne fut pas moins grande ?
Quand des hommes graves pour la plupart et qui ont laissé un nom fameux dans les lettres, se sont décidés à composer ou à traduire des romans, est-il vraisemblable de croire que ce genre de composition est aussi mauvais, aussi pernicieux, aussi infâme même que le prétendent les rigoristes ?
Avant de chercher à anéantir par le blâme un fait qui se reproduit exactement de génération en génération, peut-être serait-il prudent de s’assurer s’il ne prend pas sa source dans un besoin qu’on ne saurait détruire et qu’il devient parfois très dangereux de contrarier obstinément. Dès l’origine du christianisme, les plaisirs du théâtre et de la danse ont été constamment proscrits ; qu’en est-il arrivé ? que ces deux arts, qui existeront toujours tant que l’homme sera pourvu d’imagination et de deux jambes, ont été et seront encore cultivés avec une ardeur et une persévérance égales à celles que l’on a mises à les prohiber.

Ces rigueurs ont donc fait ranger le théâtre et la danse au nombre des choses décidément profanes, il est vrai ; mais la foule des personnes couramment pieuses, de celles qui fréquentent alternativement les églises, les théâtres et les bals, se trouvent par cela même dans l’obligation de racheter l’irrégularité de cette conduite équivoque par de sévères pénitences. Je dois l’avouer, ces éternelles capitulations de conscience, ces tiraillements journaliers de l’âme, ces compensations entre le plaisir et les austérités religieuses, ces lessives hebdomadaires de toutes fautes, ne me semblent pas être une combinaison heureuse.
Le parti franc que l’on prit en l’an 787 dans un cas analogue, me paraît infiniment plus sage. C’était à l’occasion des iconoclastes, qui prétendaient aussi s’opposer à ce que l’on admît les statues et les tableaux dans la décoration des églises. Le concile de Nicée, à qui cette question fut soumise, décida nettement que ces deux arts concourraient à l’embellissement des temples ; en sorte que depuis cette époque on a pu exercer la peinture et la sculpture sans vivre sous le poids d’un anathème perpétuel. Or ces questions ne se rattachant qu’à la discipline, on peut donc dire qu’il est fâcheux que l’on n’ait pas trouvé moyen de sanctifier le théâtre et la danse, comme la poésie, la sculpture, la peinture et la musique.
Je n’irai pas jusqu’à réclamer cette faveur pour les romans, chose essentiellement mondaine ; mais enfin, malgré les louables intentions que l’on a d’épurer, d’élever la nature humaine, n’a-t-elle pas des besoins qui lui sont inhérents ? Et en mettant de côté la vie matérielle, notre esprit saurait-il se passer de distractions sans courir le risque de s’affaiblir et de se troubler ? Peut-on nier qu’à la suite de la terrible peste de 1348, les contes de Boccace et de Chaucer n’aient apporté une diversion salutaire à l’esprit de ceux qui avaient échappé à ce fléau ? que durant la terreur, en 1793, les chansons amoureuses de Fabre d’Églantine et les pastorales doucereuses de Florian aient versé un baume salutaire sur les âmes meurtries par d’horribles malheurs ? Si du tout nous passons à l’individu, ne retrouverons-nous pas le même phénomène ? et dans l’Arioste, ce poète, cet écrivain si franchement gai, n’y avait-il pas un homme bourrelé d’ennuis et d’inquiétudes ? Comment s’expliquer Piccolomini composant un roman d’amour, Amyot traduisant la pastorale de Longus, et Bandello écrivant une suite de nouvelles, si l’on ne reconnaît pas qu’un homme habituellement occupé de choses graves est forcé de céder au besoin de renouveler ses idées, de récréer son esprit en l’appliquant de temps en temps à des sujets légers et agréables qui le ramènent momentanément dans la vie ordinaire ? Or si des esprits d’élite, si des âmes honnêtes et habituellement sérieuses, sentent cependant le besoin impérieux de céder à ces petites faiblesses passagères, et de se débarrasser de quelques rayons d’un feu intérieur trop vif, dans des compositions imaginaires ; comment s’étonnerait-on de ce que ceux à qui le ciel n’a pas donné ce moyen de soulagement essayent de lasser et d’user les facultés trop ardentes de leur âme, en les employant à comprendre et à sentir ce que d’autres ont imaginé ?
C’est donc chose impossible que d’interdire ce genre de distraction aux peuples civilisés ; et il n’y a rien de plus déraisonnable et de plus impolitique que de séquestrer comme un troupeau malade, un Boccace, un Chaucer, un Piccolomini, un Amyot, un Bandello, un Arioste, un Rabelais, un d’Urfé, et par mesure de sûreté générale, mesdames de la Fayette et de Tencin, Segrais, la Fontaine, Racine, Molière, Hamilton, l’abbé Prévost, le Sage, Richardson, Fielding, J.J. Rousseau, Voltaire, Walter Scott et lord Byron. Plus les censeurs se montrent durs et austères à l’égard d’hommes de cette trempe, plus le public s’attache à ces illustres proscrits ; et quand il s’aperçoit qu’on leur a ferm

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents