100 mots ou presque
247 pages
Français

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100 mots ou presque , livre ebook

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Description

Voici la vie quotidienne, l'amour et la souffrance, le rire aussi et la nostalgie. Ces nouvelles fugitives parlent de rêves et d'animaux, de l'enfance et de l'amitié. Certaines sont de vrais polars, d'autres des romans de science-fiction. Quatre-vingt-cinq histoires courtes, chacune tirée d'un seul mot et présentées par ordre alphabétique, de A comme "Amour" à Z comme "ZZZ". On peut les lire comme on veut, en séquence, en choisissant son mot dans la table des mots ou en piochant au hasard des pages.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2009
Nombre de lectures 215
EAN13 9782336279299
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2009 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296090477
EAN : 9782296090477
Sommaire
Page de Copyright Du même auteur Page de titre Amour Architecte Baiser Bébé Bédouin Binaire Bouton Cancer Chef Chien Cinéma Colère Consultant Copains Couleurs Couple Cyber-war Désir Écho Ego El Limpiador E-mail Enfant Étoile Femmes Fesses Fête Fraîcheur Fuir Gestes Gros Hum Japonaise Jeunophile Kangourou Lac Laide Lesbien Liste Lit Lunettes Maillot de bain Mains Manif Mort Mouche Musique Nettoyeur Nez Nostalgies Noyé Nuit Ongles Panneau Pension Plongée Pluie Porte Psy Raie Rencontre Répétition Rire Robots Sérénité Seule Sérotonine Sexe Soleil Souffrance Sourire Téléphone Temps Tête Toucher Transit Vacances Vengeance Verbe Vierge Vieux Violoniste Visions Vivre ZZZ et autres Verbatim Écritures - Collection fondée par Maguy Albet Directeur : Daniel Cohen
Du même auteur
Essais
100 objets quotidiens Made in France (coll.),
Editions Syros Alternatives, Paris, 1987
Dictionnaire impertinent des branchés, First Editions, Paris, 2002
Homo Informaticus (coll.), Editions 01, Paris, 2007
100 mots ou presque

Luc Fayard
Amour
J ulien dormait la fenêtre ouverte, dans l’espoir que les mauvais rêves et les ombres de la mort s’enfuient par là comme des zombies. Ce matin-là, à son réveil pâteux, levant les yeux avec paresse, il eut la surprise d’apercevoir un petit être gris assis sur le rebord de la lucarne. Comment diable l’énergumène était-il entré ? Le lorgnant de ses yeux perçants tel un oiseau de mauvais augure, l’intrus ouvrit tout à coup la bouche :
— Pourquoi ne crois-tu plus en rien ? piailla-t-il d’une voix criarde.
Tout en parlant, il n’arrêtait pas de gigoter. Les bras tendus le long du corps, ses mains posées à plat sur le rebord de la fenêtre, il s’appuyait dessus en sautillant du postérieur comme si les fesses lui brûlaient.
— D’où viens-tu et qui es-tu, d’abord, pour m’agacer dès le matin ? grommela Julien.
— Il est midi.
— Chacun son heure.
— Tu n’as pas répondu à ma question.
— Je crois à la mort, dit Julien d’un ton définitif.
Tout cela l’ennuyait déjà. Une conversation philosophique, dès le matin, impensable ! Et avec un inconnu, qui plus est ! Il n’avait qu’une envie, s’enfouir sous les draps moites de la nuit et oublier le temps, repartir dans ses rêves, longtemps, là où tout est flou, tout est possible.
Mais l’être bizarre s’agitait toujours, son long nez pointant vers le lit. Les coudes écartés, il les abaissait et les relevait dans une gestuelle ridicule.
— On n’a pas besoin de croire à la mort, imbécile, elle viendra quoi qu’il arrive ! couina-t-il d’un ton suraigu.
Et il m’engueule en plus, cet abruti ! Julien se dressa à moitié, bien décidé à lui clouer le bec.
— La supériorité de la mort à la vie, dit-il, c’est son côté définitif.
— Crois-tu à l’amour ?
Je vois ! L’individu est un adepte de la dialectique, un folliculaire sans doute, capable de changer de sujet sans prévenir, histoire de déstabiliser son interlocuteur.
— L’amour, c’est comme le bonheur ou la souffrance, dit Julien : tout est dans l’idée que chacun s’en fait et, cette idée, personne d’autre ne peut pas la connaître.
Gagné ! Le nabot gris avait enfin stoppé son frétillement. Les épaules affaissées, le menton pendant sur la poitrine, quasiment K.O., il respirait par à-coups, cherchant son souffle.
Au bout d’un moment, il leva la tête et fixa de ses yeux jaunes l’homme allongé qui baillait :
— Et si je m’envolais, là, maintenant, croirais-tu à l’amour ?
— Vas-y donc, animal, disparais, marmonna Julien sarcastique. Quand tu seras parti, je pourrai me rendormir.
Aveuglé par la lumière crue de midi qui embrasait la lucarne, il ne distinguait plus du petit être qu’une tache noire, une ombre chinoise. Dans une série de mouvements nerveux, le pantin se tourna vers l’extérieur, redressa les épaules, agita les bras, se souleva bizarrement. Et il s’envola dans le bleu du ciel.
Quand Julien se réveilla, la cloche sonnait midi à l’église voisine, la pluie entrait drue par la croisée ouverte et, sur le rebord de la fenêtre, un corbeau noir luisant le regardait fixement d’un air las.
Architecte
A ttablé à un dîner en ville, je fais face à un balourd, l’œil à la fois vif et absent, la bouche muette. Avec le ton qu’on prendrait pour signaler un conjoint diabétique, sa femme me le confirme bientôt : « Jean ne parle pas beaucoup. » L’autre acquiesce gentiment d’un léger signe de tête, genre débile profond, comme s’il avouait un handicap irrémédiable. La lassitude m’envahit : une fois de plus, me voici tombé sur une bande de bizarroïdes, sans doute des intellos profonds et mystérieux. Des gens aussi silencieux, à notre époque ? Tout le monde parle tout le temps et pourtant ceux-là se tairaient ? Pas croyable ! Comment font-ils, qu’est-ce qui leur ferme la bouche ? Volonté ou faiblesse, pudeur ou timidité, yin ou yang ?
La soirée se passe ainsi, de sourire en hochement de tête de la part de l’autiste, et moi, grisé par sa gestuelle aimable, je me mets à sourire et à branler du chef. Finalement, on se plait beaucoup, Jean et moi, à s’échanger nos mimiques silencieuses de poupées mécaniques désenchantées. Nous formons d’ailleurs un certain contraste avec l’hôtesse, Marina M., la fameuse écrivaine russe qui fume comme une usine, boit comme une citerne et jacasse comme un perroquet de contrebande.
Finalement, le muet commence à me dire quelques mots, tout bas, en douce, l’air de rien. Avec un intérêt croissant, je perçois les bribes d’une histoire ahurissante : Jean est un architecte apparemment réputé, en train de construire ex nihilo une ville nouvelle de 10 000 habitants dans les faubourgs de K., en Asie, au bord d’un lac ! Une région qu’il connaît comme sa poche, il s’y rend régulièrement depuis trente ans. Il parle la langue locale et il a failli se marier avec la fille d’un chef de tribu. Le gars me dévide ses petits secrets comme des évidences, tranquillement, à la fin de la soirée, sans se presser... Et moi, je le regarde bouche bée.
Hélas, au fil de la discussion qui s’anime, le miracle s’effritera: le projet en question consiste d’abord à ériger des villas pour riches autochtones, en espérant, dit-il, que cette première étape libère suffisamment d’argent pour construire ensuite les utilités du genre écoles, piscines et bibliothèques. Faut pas rêver quand même ! Le doux architecte taciturne est un homme d’affaires avisé. Finalement, se taire, ça rapporte. J’aurai dû essayer depuis longtemps.
Baiser
S ouffle court, il ne pense qu’à sa petite copine, la brunette, une plante vivace, des dents adorables, un minois de souris. Il y a quelques jours, ils se sont plaqué un premier baiser, rapidement, maladroitement, furtivement, le rouge aux joues. Un bisou à moitié volé, presque sans faire exprès. Depuis, il ne rêve que d’une chose : recommencer, explorer, aller plus loin, comprendre enfin le scénario fascinant de ce bouche à bouche en apnée auquel tant de couples s’adonnent sans retenue. Les vacances en Bretagne lui semblaient le cadre idéal de cette enquête.
Aujourd’hui, c’est le grand jour, il en est sûr. La famille et les amis pique-niquent dans les dunes du bord de mer ; les enfants finissent par s’égayer bruyamment. Virginie le regarde d’un drôle d’air et part en courant sans prévenir. Elle rit et s’ébroue comme une folle, petit cabri des sables. Alors Julien, plus lentement parce qu’un peu lourdaud, lui court après, tout excité : voici enfin l’occasion d’approfondir le mystère des sens, l’émoi trouble que provoquent en lui la vision de cette fille et, surtout, son odeur !
Mais elle court, la petite, elle court, ses pieds volent sur le sable ; il la perd rapidement dans le labyrinthe des dunes. Il l’appelle, se dépêche, râle, s’essouffle, se tord les jambes. Enfin, au moment où il a perdu tout espoir et s’apprête à rebrousser chemin, il entend à nouveau son rire clair, tout près. Ça y est

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