A l ombre du boulevard Arago
118 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

A l'ombre du boulevard Arago , livre ebook

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118 pages
Français

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Description

Comment continuer à vivre libre quand son fils est enfermé? Apprivoiser le manque, la souffrance, lutter contre l'impuissance, la culpabilité et partir à la reconquête d'instants de bonheur, malgré tout. C'est ce chemin de révolte face à un destin hostile et celui de l'espoir que Mathilde va parcourir. Un éclairage rare sur un aspect peu traité de la double peine: le vécu des familles de prisonniers.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 89
EAN13 9782296484030
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À l’ombre du boulevard Arago
Amarante

DES POÈTES DERRIÈRE LES BARREAUX (décembre 2011), Études littéraires, Franck Balandier

MAUVAISES NOUVELLES (novembre 2011) Roman
Pierre Schuster

L’INVISIBLE AU PETIT CHIEN (septembre 2011) Roman
Jacqueline Zinetti

LA DERNIERE LARME DU LAC (septembre 2011) Roman
Patrick François

LE SILENCE DES HOMMES (septembre 2011) Roman
Henri Chapelet

L’ENDROIT OU IL Y A DES RAPIDES (septembre 2011) Roman
Isabelle Rigolo

FRAGMENTS D’UN JOURNAL INFIDÈLE (AVRIL 2011)
Hana Sanerova

LA DRH ET AUTRES NOUVELLES AU SEIN DU MONDE DU TRAVAIL (janvier 2011) Sylvain Josserand

JOSÉPHINE OU LES CALLIGRAPHIES D’ERDEVEN (novembre 2010)
Claude Choquet-Guillevic

LE POTENTIEL EROTIQUE DES ANNEES SARKOZY (octobre 2010)
Juan Cabanis

RUE DAGUERRE (septembre 2010)
Paul Fabre

UN CRI (septembre 2010)
Didier Tassy
Nelly Gay


À l’ombre du boulevard Arago

Roman
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96136-4
EAN : 9782296961364

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
MATHILDE
Mathilde se réveilla avec une sorte de barre à l’estomac. Assise sur son lit, elle cherchait la position qui atténuerait la douleur. Sur celle-là, au moins, elle pouvait agir. Elle redressa les épaules, respira à fond, doucement. Qu’est-ce qu’elle ne digérait pas ? Son sommeil, difficile à trouver la veille, avait été agité. Elle s’était réveillée à plusieurs reprises, venant à chaque fois, au plein milieu d’une salle de restaurant, de lancer son verre au visage de Julien. Une autre fois sur le voisin de palier et son visage obséquieux. Sur le juge enfin. Ce matin, en y repensant, elle se dit qu’elle aurait pu lancer le verre avec.

Elle se leva enfin et constata, en passant devant la glace de l’armoire, que le manque de sommeil ne lui valait vraiment rien. Le chagrin non plus. Le ras-le-bol encore moins. L’impuissance, quant à elle, lui donnait sûrement cet air de chien battu, résigné, qu’elle ne se connaissait pas. Tout comme ces deux traits qui s’affaissaient le long de ses joues et lui donnaient l’air pitoyable.

La pendule de la cuisine indiquait sept heures. Première cigarette de la journée. Café noir. Broyer du noir. Trou noir.
L’EPREUVE
Depuis quarante-cinq minutes, elle attendait son tour. Il y avait foule ce matin. C’était samedi, sûrement pour ça. Elle regardait, étonnée, ces gens qui, comme elle, venaient voir un prisonnier. Prisonnier, encore ce mot qu’elle se forçait à répéter pour l’apprivoiser. Dans prisonnier, il y avait prison. A chacun la sienne, pensa-t-elle. Pour s’en vouloir aussitôt et se rappeler que ce matin, en sortant de chez elle, elle avait admiré les couleurs rousses de l’automne qui envahissaient les arbres de l’avenue. Les mains dans les poches, elle avait respiré avec délice le petit air frais qui lui avait piqué les joues, justifiant les larmes qui lui montaient aux yeux. Des grappes d’enfants, cartable au dos, l’avaient dépassée en courant, suivis par des parents, des taties, des grand-pères qui, moins alertes, leur criaient de les attendre. Hugues aussi courait le matin. Hugues qui ne pouvait plus sentir le vent du matin.

Ses yeux se reportèrent sur la file qui avançait lentement. Des discussions s’engageaient. Des informations s’échangeaient. Certains semblaient se connaître, s’embrassaient. Complicité dans l’adversité ? Des enfants se poursuivaient en criant, traversant la file sans ralentir leur course et chacun s’écartait comme si ce jeu, incongru ici, les reliait à la vie, la vie d’avant l’heure des visites, la vie d’avant ce mur gris et cette petite porte qui ne s’ouvrait que lorsqu’on avait montré patte blanche.

Elle tendit son permis de visite et sa pièce d’identité. Ce qui semblait être un rituel pour certains ne l’était pas encore pour elle. Elle attendait qu’on lui rende ses papiers mais une voix, agacée, lui intima d’avancer. Vers où ? Soudain, la boule à l’estomac lui monta dans la gorge et explosa en un sanglot sourd, en larmes retenues. Non, ne pas craquer maintenant, ne pas arriver devant Hugues les yeux rougis. Une gardienne l’attrapa par les épaules et la poussa sans ménagement devant une porte à double battants.

Avancez ! Troisième porte à droite.

Mécaniquement, sans qu’aucun son ne puisse sortir de sa bouche, elle poussa un des battants et se rendit à la troisième porte, qui était ouverte. Oui, elle se souvenait, le portail électronique. Vérification de son sac, de ses vêtements. Elle tenta de se reprendre mais ces foutues larmes se plaisaient là, entre paupières et bord des yeux. Elle pria pour qu’il ne sonne pas, ce qui arrivait parfois, pour rien. Une jeune femme, devant elle, esquissa un sourire compatissant. Avait-elle l’air aussi perdu que ça ?

Parloir numéro 7. Vous avez trente minutes. Attendez dans la salle qu’on vous appelle.

La salle était comble, elle attendit debout, oppressée, impatiente de voir Hugues. Enfin, on l’appela.

Dans le long couloir qu’elle devait emprunter, elle voulut marquer un temps, se recomposer un visage sinon serein au moins paisible et rassembler ses forces. Elle s’était préparée pourtant ! Et voilà que des images d’Hugues enfant, d’Hugues jeune homme, d’Hugues étudiant, l’assaillaient. Et cette boule qui faisait le yoyo de son estomac à sa gorge. Yoyo. Elle revit la petite main d’Hugues sur un yoyo de bois rouge, s’acharnant à le diriger et s’énervant quand la ficelle lui faisait toucher le sol. Elle l’aidait à l’enrouler et à l’élancer à nouveau. Relancer la machine, toujours. Déjà !

Trente minutes. Seulement. Allez, pas le temps de s’écouter. Avaler sa salive. Respirer ? Respirer… Avancer. Sourire. Pas seulement avec les lèvres. Avec les yeux aussi. Sans tricher. Sourire vraiment.

Il était déjà là. Assis. Le regard grave. Mais il lui souriait aussi. C’est dans les gènes, pensa-t-elle, souffrir mais sourire. Il se leva et il l’étreignit fort, trop fort, mais elle aurait voulu que cela ne finisse jamais. Lentement, ils se rassirent et elle prit place face à lui. Tout de suite, elle vit ses mains qu’il gardait croisées, posées sur ses genoux, tellement serrées que les jointures en étaient blanches. Et surtout, elle nota qu’il s’était rongé les ongles. Mon Dieu ! Ses belles mains, larges, carrées, en étaient dénaturées. Alors tout allait vraiment changer ? S’abîmer, s’étioler, se transformer ? Devenir l’ombre de soi-même… Jusqu’à présent, elle avait toujours pensé que cette formule était réservée aux malades gravement atteints. L’ombre de soi-même… Normal quand on était à l’ombre.

Elle lui sourit. Enfin, vraiment, elle essaya. Y parvint-elle ? En tous les cas, un sourire mouillé car elle sentit les larmes monter et se fustigea de réussir en quelques secondes ce qu’elle s’était interdit de faire ici. Et voilà ! Elle était belle, la mère courage ! C’est lui qui était prisonnier et c’est elle qui pleurait. Pour un peu elle y serait allée d’une petite phrase bateau « c’est parce que je suis tellement contente de te voir ! » Et bien, NON ! Non, elle n’était pas contente de le voir ici, amaigri, confiné dans cet espace qui suait la peur, les regrets, le vide, la désillusion permanente, la perpétuelle attente, l’entêtante obsession de s’échapper, l’obsédante absurdité de la situation, la lancinante absence d’intimité, la certitude de l’inutilité des choses. Non, elle n’était pas contente de cela, ni de plus rien d’ailleurs. Plus rien ne la rendait heureuse. L’air qu’elle respirait était à jamais vicié, elle tournait dans la cellule étroite qu’était devenue sa vie et se cognait aux barreaux qui comprimaient son cœur de mère.

C’est lui qui la sauva :

Maman….

Et il posa ses mains aux ongles suppliciés sur les siennes.
LE VOISIN
Le voisin fit mine d’avoir oublié sa clef sur la boîte aux lettres et revint dans le hall, laissant béant l’ascenseur dont les portes se refermèrent sur le vide en grinçant. Loupé ! Elle avait pourtant ralenti le pas et espéré que les mâchoires de la machine auraient avalé monsieur Duhamel avant qu’elle n’arrive. Mais non, son sourire mielleux lui dégoulinait déjà sur les doigts de la main qu’il lui tendit, stupidement, alors qu’elle portait des sacs de provisions à chaque bras. Ses petits yeux de fouine se plissaient, sa lèvre humide se retroussait obséquieusement et elle sut qu’elle n’y échapperait pas.

Bonsoir Madame, vous êtes bien chargée ! Puis-je vous aider ?

Il pratiquait toujours ainsi. Son cô

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