A la découverte des sensations dans "La Prisonnière" de Marc

Philippe Willemart

Description

La Prisonnière de Marcel Proust questionne le lecteur sur ses passions en lui montrant la complexité souvent inextricable de l'amour, du pouvoir et de la jalousie à travers Albertine et le héros, le baron de Charlus, Jupien et Morel. Quelle serait la solution ? Le mensonge, le rêve ou la fiction ? Que faire de la perversion ? L'analyse de La Prisonnière par Philippe Willemart donne une perspective de réponse.

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Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 02 avril 2007
• Nombre de lectures: 95
• EAN13: 9782296165533
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 6 Mo

Extrait

À la découverte des sensations dans
La Prisionnière de Marcel Proust@ L'Harmattan, 2007
5-7, rue de l'Ecole polytechnique; 75005 Paris
http://www.Iibrairieharmattan.com
diffusion.harmattan @wanadoo.fr
harmattan!
ISBN: 978-2-296-02568-4
EAN : 9782296025684Philippe Willemart
,
A la découverte des sensations dans
La Prisonnière de Marcel Proust
L'HarmattanDU MEME AUTEUR
Escritura e linhasfantasmdticas. Sào Paulo, Arica, 1983 (col. Ensaios,
92)
o manuscrito em Gustave Flaubert (Transcriçào, classificaçào e
interpretaçào do proto-texto do l°capitulo de Hérodias). Sào Paulo,
FFLCH/USP,1984
Universoda Criaçêio Literdria. Sào Paulo, Edusp, 1993
Além da Psicandlise: a Literatura e sa Arles. Sào Paulo, ed. Nova
Alexandria,1995
Dans la chambrenoirede l'écriture(Hérodiasde Flaubert). Toronto, éd.
Paratexte, 1996 eversion originale de Universoda Criaçêio Literdria)
A pequena letra em teoria literdria : iP abc cp iP (A literatura
subvertendo sa teorias de Freud, Lacan e Saussure). Sào Paulo, ed.
Annablume, 1997
Au-delà de la psychanalYse:les arts et la littérature.Paris, L'Harmattan,
1998. (version avec ajouts de Além da Psicandlise: a Literatura e as
Arles. )
Bastidores da criaçêio literdria (Aspectos inéditos da teoria
literaria).Sào Paulo, ed. Iluminuras, 1999
Proust,poète etpsychanalYste. Paris, L'Harmattan, 1999
L'éducation sentimentalechezProust. Paris, L'Harmattan, 2003
Criticagenéticaepsicandlise.Sào Paulo, ed. Perspectiva, 2005
Critiquegénétique:pratiques et théorie.Paris, L'Harmattan, 2006L'incarnation est ce en vertu de quoi la
subjectivité et les données objectives
apparaissent côte à côte. La propriété spécifique
de notre corps est d'être à la fois sensible et
sentant. Naturaliser la phénoménologie. Petitot.p.75
Aux membres du Laboratoire du Manuscrit Littéraire et à mes
étudiants-doctorants de 2004, Alexandre Bebiano de Almeida, Carla
Cavalcanti e Silva, Claudia Longhi Farina, Jediel Gonçalves,
JoséCarlos de Souza, Natacha Muriel Lopez Galluci, Rodrigo Ferraz de
Camargo et Samira Murad, collaborateurs de ces pages de par leur
écoute précieuse, leurs suggestions et leur enthousiasme,
je dédie ce livreIntroduction
Si la prison figure pour tout un chacun des barreaux et
l'enfermement d'un individu, le titre du cinquième volume de La
Recherche, La Prisonnière, évoque plutôt une jeune fille prise à
l'imaginaire du héros et à sa jalousie et pas du tout confinée entre
quatre murs.
Dans cet essai, nous côtoierons pas à pas le texte et à l'occasion
ses manuscrits dans deux buts bien précis. Relever en premier lieu les
nombreux processus de création qui apparaissent dans le texte sans
nécessairement faire appel aux 75 Cahiers de brouillon.
Détecter ensuite dans La Prisonnièrecomment opère la logique de
l'inexistant développée par Gottlo b Frege et articulée à la théorie
psychanalytique par Jacques Lacan, ce qui constituera la seconde
partie du volume. En deux lignes, je dirai que grâce à la réinjection
continue de l'inexistant dans son discours, Proust est encouragé à
écrire, rattachant ainsi l'énoncé déjà écrit à son énonciation à faire. Le
rapprochement de la logique de Frege avec la littérature se dégagera
mieux au cours de la lecture de La Prisonnière.
Il faut savoir au départ que le titre La Prisonnièrea été adopté assez
tard 1 et a exigé de nombreux brouillons outre que sa révision n'a pu
être terminée par Proust de son vivant. Les manuscrits se divisent en
1 « ce n'est qu'en juin 1922 qu 'apparaît dans sa correspondance la distinction entre
Sodome et Gomorrhe III et Sodome et Gomorrhe IV qu'il projette d'intituler
respectivement La Prisonnièreet La Fugitive». Jean Milly. L'ouverture de La Prisonnière
d'après le manuscrit « défmitif» et les dactylographies. Cahiers Marcel Proust. et les
dactylographies. Etudes Proustiennes VI. (Cahiers Marcel Proust, nouvelle série 14).
Paris, Gallimard, 1987. p.298Le corps sentant dans La Prisonnière de Marcel Proust12
trois étapes selon l'introduction de la Pléiade, les cahiers de brouillon,
ceux de la mise au net et les dactylographiés.2 Les cahiers de brouillon
qui nous intéressent plus particulièrement sont aussi divisés en trois:
«des premiers cahiers de 1908 à 1909, puis ceux de 1910 à 1911 et de
1913 à 1914 à la version de 1915 de La Prisonnière.[...] On a constaté
que la structure ternaire de ce roman est fiXée à partir des trois cahiers
de brouillon de cette année 1915. Les cahiers 53, 73 et 55
correspondent, tout en dépassant ses limites, au développement en
trois parties: l'arrivée d'Albertine chez le narrateur et leur vie en
commun, la soirée Verdurin, la fuite d'Albertine. Il s'agit là d'une
structure logique. Elle se dégage dans la rédaction de ces trois cahiers,
considérés par Proust, à son habitude, comme des unités de travail et
semi-indépendantes ».3
Remontant dans la chronologie de récriture, Pierre Edmond
Robert explique que «La matinée du Cahier 50, synthétique et
intemporelle, a donné naissance dans les cahiers de brouillon de La
Prisonnière à une série de journées qui découpent le récit. Celui-ci
occupe environ six mois de la vie du narrateur, de son retour de
Balbec avec Albertine au début de l'automne jusqu'aux premiers
beaux jours de l'année suivante. Ce temps de la fiction n'est pas celui
du calendrier. Mais, en raison du point de vue adopté, celui d'un
narrateur immobile à sa fenêtre, le passage des saisons avec leurs
signes avant-coureurs, devient la référence au temps vécu par
celuici.4 Cette durée a été divisée en cinq journées principales ou séries de
journées, cinq acteurs de cette tragédie classique. Les deux premières
sont composées sur le même modèle. Le matin: le réveil du
2 «quatre cahiers de mise au net: le cahier VIII, N.a.fr.16715, intitulé Sodome et
Gomorrhe III, le cahier IX, N.a.fr.16716, le cahier X, N.a.fr.16717 et le cahier XI,
N.a.fr.16718 et les trois cahiers dactylographiés: N.a.fr.16742-43. N.a.fr.16744,
N.a.fr.16744, N.a.fr.1671845-47, encore corrigées par Proust entre 1921 et sa mort le
18 novembre 1922 sauf la dernière partagée avec son frère aîné ». Florence Callu. Le
Fonds Proust de la Bibliothèque Nationale. Proust La Prisonnière.p. CLXVII
3 Notice de Pierre Edmond Robert. Proust La Prisonnière.p.1678
4 Remarquons que cette position est semblable à celle de tante Leonie qui de sa
fenêtre observe tout ce qui se passe à Combray13
narrateur, bruits du dehors, rêverie; l'après-midi: sortie; la soirée:
compagnie d'Albertine. [...] Une troisième journée, «le lendemain»
est entièrement événementiel: réveil aux cris des marchands de la rue,
puis lecture du Figaro ». 5
Nous nous limiterons aux trois premières journées dans notre
ouvrage, ce qui sera suffisant pour non seulement apprécier la
richesse de récriture proustienne et le pourquoi de sa place dans la
littérature mondiale, mais aussi pour répondre aux deux questions
initiales que nous nous sommes posées.6
Pour en savoir plus sur le but de La Prisonnière,nous renvoyons le
lecteur à la thèse de Bernard Brun 7 et à l'ouvrage de Jean Milly cité
cidessous.8
5 Notice de Robert. Proust La Prisonnière. ibid.
6 Ce texte a été l'objet d'un cours donné à l'Université de Sào Paulo, d'où ce jeu
entre le « nous» et le « je » dans l'énonciation.
7 Bernard Brun. Du Contre Sainte-Beuve au Temps Retrouvé. Genèse du roman proustien.
Thèse de doctorat sous la direction de Michel Raimond. Université Paris-Sorbonne,
1986. p.393
8Jean Milly. Proust dans le texte et l'avant-texte. Paris, Flammarion. 1985. p..53Première Partie: Lecture de La PrisonnièreCHAPITRE I
La poésie est le déni de l'autorité du concept
et l'appréhension la plus poussée de la réalité
extérieure. Le son dégage la présence pleine
que le concept fait oublier. Yves Bonnefoy
« L'unité qui s'ignorait» dans les manuscrits de l' ouverturel
« Dès le matin, la tête encore tournée contre le mur, et avant
d'avoir vu, au-dessus des