Alias Maurice
150 pages
Français

Alias Maurice , livre ebook

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150 pages
Français

Description

Ce second roman de l'auteur est le récit instructif de la révolte d'un agent du secteur public. Cet ouvrage décrit le comportement caméléon du monde de l'administration publique : les yeux doux, les courbettes et les bassesses entres les chefs en poste, et leur abandon brutal dès la perte de leurs fauteuils. Il livre l'histoire vivante et poignante de la vie et du comportement des agents de l'État à travers l'histoire de Monsieur Maurice, de ses enfants et du village de Fomy.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 avril 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782140007835
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Diaty CONDÉ
Alias Maurice ou la méchante machine administrative de l’État
ou la méchante machine administrative de l’État
Alias Maurice
Diaty CONDÉ
Alias Maurice
ou la méchante machine administrative de l’État
© L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-09090-0 EAN : 9782343090900
CHAPITREI
Maurice, cet ancien combattant qui se glorifiait d’avoir eu le privilège et l’honneur de combattre auprès des Blancs en Europe et en Asie, avait, après sa retraite de l’armée coloniale, élu domicile dans la capitale de son pays natal. Il rentra chez lui à l’instar de certains de ses compatriotes avec une Indochinoise du nom de Marie comme épouse.
Marie était aux yeux de Maurice, le témoignage irréfutable de son long séjour triomphal à l’extérieur. Cette femme claire faisait l’orgueil et la fierté de son mari.
Tous les anciens compagnons d’armes de Maurice avec lesquels, il avait regagné la patrie, s’empressèrent de retourner dans leurs villages natals, pour s’y installer et pratiquer l’agriculture et l’élevage. Pour Maurice, il était hors de question d’amener sa femme claire, d’une clarté rare, en campagne même s’il se trouvait qu’elle était issue d’un village plus petit et plus arriérée que le sien.
Maurice s’installa alors à Sangoyah, un quartier populaire de la haute banlieue de la capitale Conakry. L’ancien combattant de Fomy, relativement jeune parce que plein de vitalité, ne travaillait pas. Il se contentait seulement de sa petite pension qui supportait difficilement ses charges. Maurice se plaignait constamment de la pension offerte par la métropole à ses anciens combattants. L’époux de l’Indochinoise qui n’avait d’autre souci que d’assurer une condition de vie décente à sa femme se voyait dans l’impossibilité quasi totale d’entretenir une femme pourtant simple, modeste, et aux ambitions très limitées. « La pauvreté trop poussée oblige souvent l’homme à l’audace et au risque. » Maurice rongé par la précarité et le souci de sa
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femme, se décida un jour à aller voir monsieur le gouverneur général de la colonie, pour revendiquer, au nom de tous les anciens combattants, une augmentation de leurs pensions. Il se mit dans sa meilleure tenue militaire avec tous les galons et autres papiers attestant ses différentes présences sur divers fronts de guerre. Maurice, plus décidé que jamais, se rendit dans le bureau du gouverneur colonial après maintes tracasseries à la rentrée. Il déclara à monsieur le gouverneur :
Nous anciens combattants qui avions abandonné pères et mères, frères et sœurs, pour combattre au prix de notre sang pour la défense du drapeau tricolore, constatons avec regret, notre abandon. Tel un malade qui retrouve la santé après une transfusion sanguine dont le sang a été tiré de ses vaisseaux, nous sommes aujourd’hui matériellement et socialement en retard sur notre génération, parce que coupés de notre milieu naturel pendant des années. Je demande en conséquence, poursuivit Maurice, la gorge serrée par sa cravate militaire, que la métropole prenne note de la situation dégradante de ses anciens combattants dont le pouvoir d’achat chute de jour en jour pour la simple raison que ses pensions restent stagnantes et n’obéissent guère aux fluctuations du marché. Et pourtant ceux-là mêmes avec lesquels nous avons échappé aux tirs meurtriers de l’aviation, de l’artillerie et de l’infanterie ennemie ; ceux-là mêmes avec lesquels nous avons, par suite de faim et de soif, mangé de la viande crue d’animaux sauvages, bu des eaux souillées sur les champs de combat, sont aujourd’hui devenus, par la volonté de Dieu, les commandants de bord de cet appareil puissant qui décide du sort réservé aux anciens combattants, le seul appareil capable de faire de nous des hommes respectables parce que capables d’assurer pleinement toutes leurs responsabilités vis-à-vis de leurs familles, ou des oubliés dans la poubelle de l’histoire, qui se trouvent
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trimestriellement dérangés de leur agonie par quelques maigres francs qui ne valent même pas le prix de leur linceul. Que les autorités et les instances du continent et de nos pays respectifs accordent quelques minutes de réflexion aux dossiers épineux des anciens combattants, conclut en substance l’ancien tirailleur au cœur rempli de venin contre le gouverneur comme si c’était ce dernier qui l’avait envoyé sur le front de guerre.
Monsieur le gouverneur fut très sensible aux propos tenus par Maurice ; il décida de recruter l’ancien combattant comme garde républicain ; il embaucha en même temps la femme indochinoise de ce dernier comme secrétaire à la mairie de Conakry.
Tout aillait pour le mieux dans la famille de Maurice ; les traitements mensuels dont le couple bénéficiait couvraient convenablement les charges de la famille. Maurice Magnoumako se disait être le plus béni de tous les anciens combattants de son pays. Après quelques années de travail, son épouse Marie parlait couramment la langue locale et s’était créé plus de connaissances dans la ville que son mari.
Le maire tomba amoureux de Marie et lia amitié avec elle. L’Indochinoise avait désormais peu de temps à consacrer à son époux ; elle revenait tardivement de son service. En revanche, Maurice savourait tous les jours des mets copieux préparés par sa femme, mais dans l’ignorance totale de la source de financement de ces dépenses. Au fil du temps, la voiture du maire était devenue la propriété de Marie ; car elle mettait plus de temps chez la secrétaire indochinoise que chez le patron lui-même. Maurice en eut assez de cette situation ; mais il hésita à agir sur sa femme de peur de se voir privé des immenses services que cette dernière lui rendait et surtout de créer un conflit entre le maire et lui au risque de se faire licencier. Cependant, le bouillant garde ne pouvait aussi longtemps accepter de
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