Avec le livre
116 pages
Français

Avec le livre , livre ebook

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116 pages
Français

Description

L'auteur a recueilli de courts essais, des impressions, des mémoires, de brefs travaux et quelques réflexions sur l'écriture et la lecture. Ce volume d'observations et de souvenirs d'outre-livre s'avère finalement une récréation critique.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2004
Nombre de lectures 321
EAN13 9782296345010
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait








Jacques Layani
AVEC LE LIVRE
L'Harmattan L'Harmattan Hongrie L'Harmattan Italia
5-7, rue de l'École-Polytechnique Hargita u. 3 Via Bava, 37
75005 Paris 1026 Budapest 10214 Torino
FRANCE HONGRIE ITALIE © L'Harmattan, 2003
ISBN : 2-7475-5644-1
EAN 9782747556446 À Janine et Jean Castelli AVANT-PROPOS
J'ai exercé un temps le beau métier de libraire puis,
après mon entrée dans l'administration de l'Éducation
nationale, occupé des postes qui, curieusement, ont le plus
souvent tourné autour de la documentation, des
bibliothèques universitaires, des archives. J'ai également
passé quelques années au ministère de la Culture Enfin,
écrivain et chercheur, membre de plusieurs associations
culturelles, ayant fait partie des comités de lecture ou de
rédaction de différentes revues, correcteur typographique à
fréquence régulière, j'ai toujours été, de manière générale,
passionné par la chose écrite et imprimée.
J'ai longtemps caressé l'idée — et l'espoir — d'un
livre sur le livre, sans réellement savoir ce qu'il serait. Il
fallait que ce fût un ouvrage d'humeur et de choses vues en
même temps qu'un tome de remarques techniques. J'ai
finalement voulu recueillir de courts essais ; des
impressions, des mémoires, des récits chemineaux et
mutins, légers comme des nuages ; des sources voisinant
avec de brefs travaux et quelques réflexions sur l'écriture et
la lecture, qui pourront n'être pas inintéressantes. Voici
donc des mélanges qui sont, simultanément, d'un écrivain,
d'un libraire, d'un documentaliste, d'un bibliothécaire,
d'un archiviste, d'un revuiste, d'un lecteur. Ce volume
d'observations et de souvenirs d'outre-livre s'avère
finalement une récréation critique. LIBRAIRIES DE MON CŒUR Pour tout le monde, une librairie est un endroit où
l'on fait commerce de papeterie, de presse, de cartes
routières, d'enveloppes et de timbres. Aucune personne
s'entendant répondre qu'on ne vend ici que des livres, ne
comprend vraiment. Ni tickets d'autobus ni cartes postales
ni bonbons, mais des livres, des livres, des livres :
ouvrages, volumes, tomes, ce qu'on comprend
couramment sous le terme de « bouquins » sans que
quiconque en connaisse l'étymologie, d'ailleurs.
Il me souvient d'une jeune femme, certes
intelligente mais ne lisant jamais (« ça m'endort »,
traditionnel argument), entrant place Saint-Sulpice au
marché de la poésie et s'exclamant : « Mon Dieu, y a que
des livres ici ». Oui, et heureusement. Il n'y en aura jamais
assez. Il n'y a pas de vie hors le livre parce que le livre est
la vie, non qu'il la remplace mais il l'éclaire de tous ses
soleils. Et ça change tout.
Je me suis fréquemment demandé si, particulières
ambassades, les librairies ne bénéficiaient pas d'une espèce
d'exterritorialité. Lieu perdu dans la cité, la boutique de
livres, état de plus en plus étranger, accorde l'asile
littéraire. Elle représente, au milieu de la dictature du
vulgaire, le pays de liberté du Style.
D'où vient que l'on respire en ces lieux un air
différent, qu'ils sentent la poussière d'ouvrages anciens ou
la colle fraîche de volumes neufs ? Que le sol soit de lattes abîmées ou couvert d'une moquette synthétique étouffant le
bruit des pas mais nullement les battements du coeur ?
Avec quoi le livre peut-il aller s'acoquiner ! Les
librairies-papeteries sont souvent des papeteries tout court,
les maisons de la presse, des marchands de journaux...
Tout cela est connu. Les grandes surfaces sont tout ce que
l'on voudra, sauf des librairies. Les tout-petits magasins où
l'on vend des livres, où l'on n'en vend pas assez pour
vivre et qui doivent se doubler d'activités annexes, en fait
principales, que sont-ils ?
J'ai vu, en zone rurale il est vrai, une
librairieconfiserie et, en pleine ville de Paris, une librairie-taxis, qui
existait encore vers la fin des années 80. À quand la
librairie-pressing qui bouclerait ses fins de mois en vendant
aussi des légumes ou la librairie-brocante qui subsisterait
par la création de messageries roses ? Je n'exagère
nullement. On ne s'étonne plus qu'existent des
librairiessalons de thé, voire restaurants, et les librairies-galeries
sont devenues d'un commun... Aussi, pourquoi pas ? Cette
société où tout vaut tout nous en a fait connaître d'autres, il
n'y aurait rien, là, de surprenant. Vienne la
librairieperception où l'on pourra payer ses impôts par dation
d'ouvrages.
Je déteste profondément ces espèces de barrières
magnétiques qui circonscrivent depuis les années 80 la
sortie des librairies, ces alarmes qui se manifestent
lorsqu'un client a oublié de payer... Bip ! C'est horrible et
vexant. Combien de fois a-t-on fait résonner ce système
ordurier avec des ouvrages ou des disques achetés ailleurs
14 et non démagnétisés, ou avec un quelconque objet dont on
pouvait être porteur. Le coût d'une telle installation, sa
maintenance, le temps passé à « équiper » les ouvrages et la
nécessaire présence, à proximité, d'une personne chargée
de la surveillance seraient-ils inférieurs aux pertes
occasionnées par le vol, pour que de plus en plus de
boutiques en viennent à déparer leur esthétique avec ces
affreux cerbères électroniques ? L'a-t-on jamais démontré ?
Sans compter que cela nécessitait, au début, des passages
obligés, entrée ici, sortie là. « C'est une mode, ce n'est que
ça », pensais-je au moment de l'apparition de ces appareils.
Je me trompais. Depuis, les « portiques de détection » se
sont généralisés et tout le monde trouve ça parfaitement
naturel. On peut l'avoir accepté, bon gré mal gré, et n'en
penser pas moins.
Posons une fois pour toutes ce principe essentiel.
Une librairie est aussi un lieu de promenade. Les libraires
que cela gêne sont inconséquents. C'est tuer le métier et,
par là, le livre et la fréquentation de la chose imprimée, que
de rechigner à laisser le chaland entrer librement, se
débrouiller seul et passer le temps qu'il souhaite passer
dans la boutique. Le libraire n'a aucune mauvaise humeur à
manifester si le client ressort les mains vides après une
heure passée à musarder dans ses locaux. Cela fait partie
intégrante d'un commerce qui n'en est pas un. Le livre
n'est pas un produit, une marchandise. La librairie est un
lieu — on va sourire, tant pis — où le passage d'argent
d'une main à une autre est un acte accessoire. Il faut bien
vivre, mais ce n'est pas le propos.
Le libraire se souviendra, sous peine de disparition
inéluctable, de la nature profonde et artisanale de son
métier. Une librairie est un lieu d'échanges, de
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