Bitume ou l'enfer de la route

Dominique Lebel

Description

Parce qu'on a voulu réparer cette portion d'autoroute, on a creusé le bitume et réveillé de vieilles histoires. Celle-là d'abord, l'histoire de l'accident du motard et de l'embouteillage qui a suivi. Un enfer. Un véritable enfer, comme dans La Divine Comédie de Dante, avec ses neuf cercles et ses âmes damnées, toutes coupables et rassemblées dans un espace brûlant. Enfermés dans l'attente et tous très différents, les personnages de cette histoire n'auraient sans doute jamais dû se rencontrer.

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Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 02 septembre 2017
• Nombre de lectures: 8
• EAN13: 9782140044182
• Langue: Français

Extrait

Parce qu’on a voulu réparer ceTe porIon d’autoroute, on a creusé le bitume et réveillé de vieilles histoires. Celle-là d’abord, l’histoire de l’accident du motard et de l’embouteillage qui a suivi. Un enfer. Un véritable enfer, comme dans de Dante, avec ses neuf cercles et ses âmes damnées, toutes coupables et rassemblées dans un espace brûlant. Enfermés dans l’aTente et tous très diFérents, les personnages de ceTe histoire n’auraient sans doute jamais dû se rencontrer.

18,50

est agrégée de leTres modernes et diplômée

Dominique Lebel

Bitume ou L’enfer de la route Roman

Bitume ou L’enfer de la route

Écritures Collection fondée par Maguy Albet Gontard (Marc),Granville Falls, 2017. Estragon (Gérard),À l’étape et autres nouvelles, 2017. Henri (Christian),Marrakech photo, 2017. Jullien (Claudine),Comme un verre brisé, des éclats de mémoire, 2017. Hillion (Joël),Une île sur le fleuve, 2017. Winling (François),L’âge d’or de l’avenir, 2017. Labbé (Michelle),Le brise-lames, 2017. Rigot-Muller (Hervé),Des gens sans histoire, 2017. Nouvelot (Eudes),La maison sur la plage, 2017. Layani (Jacques),Des journées insolites, 2017. Renoux (Jean-Paul),Une chanson pour Miss S., 2017. Banhakeia (Hassan),Le coupable, 2017. Akgönül (Samim),La proie, 2017. Francis (Raoul R.),À corps défendant, 2017. Mallinson (Adrian),Paris entre deux eaux, 2017. * ** Ces quinze derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent. La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.harmattan.fr

Dominique Lebel Bitume ou L’enfer de la route Roman

Du même auteur Aux Éditions Hélène Jacob Elle s’appelait Sonia Verjik, roman Monstres, nouvelles Un lundi au soleil, roman © L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr

ISBN : 978-2-343-10994-7 EAN : 9782343109947

Avant-propos

Traverser l’enfer n’est pas donné à tout le monde et j’ai voulu le faire. Maintenant, vous dire ce qui m’a pris... j’étais au courant comme vous pour la chaleur, les flammes dans lesquelles on précipite toutes ces âmes coupables. J’avais une vague idée de l’apparence qu’on peut donner à Lucifer, j’avais entendu parler de Perséphone et je connaissais de nom quelques grands damnés. Pour le reste, j’ignorais tout. Et je les ai vus devant moi. Deux silhouettes lointaines qui cheminaient lentement, l’une très nette, l’autre plus sombre et beaucoup plus floue. J’ai tout de suite su qui ils étaient. J’ai su aussi, bien sûr, qu’ils pourraient m’aider. J’ai couru vers eux au risque de me tordre une cheville et quand je me suis retrouvée à leur hauteur, alors j’ai tenté de leur parler. Entendez-moi bien, je n’avais pas l’intention d’interrompre leur conversation, qui paraissait animée ni de les déranger dans leur voyage. Loin de moi l’idée de m’incruster à leurs côtés, non, je voulais simplement leur expliquer pourquoi il me fallait moi aussi trouver l’entrée de ce monde. Car autant que je sache, personne aujourd’hui ne connaît le chemin qui y mène. Oh, j’entends d’ici ce que certains diront, que d’aucuns ont tenté une solution et que l’on a finalement l’embarras du choix. On a parlé d’une grotte cachée par des buissons de ronces dans les environs de Côme, d’un puits sans fond qu’il suffirait d’enjamber à condition de ne pas avoir trop peur du vide, on a dit mais pas du tout, c’est beaucoup plus simple que ça, l’enfer ce sont les autres ou encore plus simple, tenez,

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l’enfer c’est vous-même et faites attention car si vous y tombez, vous vous y perdrez. J’étais perdue. J’ai tenté quelques mots dans le dos de ces deux créatures - l’un était beaucoup plus grand que l’autre et son accoutrement me rappelait vaguement quelques fresques florentines - mais ils ne m’ont pas répondu. Ne se sont pas même tournés vers moi. Alors je les ai suivis un moment en silence, il me fallait trouver le bon chemin. Ensuite je m’arrangerais bien toute seule, si jamais je les perdais. J’avancerais dans mon propre enfer, avec mes propres mots. J’écrirais mon roman comme un petit soldat, avec courage et obstination. Je m’aventurerais ainsi entre les voitures arrêtées, les autocars surchauffés et les bruits de klaxons sur cette autoroute où j’avais déjà réuni les conditions nécessaires, en provoquant un accident pour la mauvaise ambiance, puis un embouteillage monstrueux sous un soleil de plomb, pour le malaise et la chaleur insoutenable. Et je savais ce qui m’attendait là, dans ce monde violent. Je savais qu’il me faudrait avancer parmi des damnés, sous les pas desquels erraient d’autres damnés, vous savez bien ce qu’on raconte, que sous le bitume des autoroutes circulent des âmes perdues. Je savais qu’il me faudrait traverser les neuf cercles de mon enfer, tout comme les deux hommes que je suivais de loin à présent et que je craignais de voir disparaître... j’ai hâté le pas. J’allais faire apparaître mes personnages les uns après les autres, tous condamnés à cause d’une faute. Je devrais les quitter ensuite, je ne m’attarderais pas : j’avais mes pages à noircir et je ferais comme Dante et Virgile qui à présent s’éloignaient de moi. Tout comme eux. Je les voyais déjà s’enfoncer dans l’ombre.

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J’allais marcher avec précaution et épouvante, j’allais écouter mes âmes perdues, les regarder souffrir et peut- être ne pas trop les comprendre. Et peut-être ne pas m’apitoyer, pas toujours. Aime-t-on toujours ses personnages ? Et à la fin, je me débrouillerais bien pour trouver une Béatrice, il en traîne pas mal encore aujourd’hui. Interrogez n’importe qui à ce sujet, la personne vous répondra que oui, elle connaît une Béatrice, ou deux tiens, vous dira-t-elle, finalement j’en connais deux. Mais je les ai perdues de vue, pourquoi est-ce que tu me demandes ça ?

Tout cela pour vous dire que vous allez vous approcher avec moi d’une quantité de voitures immobilisées, dont les pare-brise se couvriront d’insectes et que vous marcherez vous aussi sur ces voies absolument interdites aux piétons. Et que vous sentirez, comme moi, le pouvoir diabolique des flammes. Vous apercevrez un motard blessé, vous reconnaîtrez de loin un géant, une station-service et quelqu’un, sur ses écrans de contrôle, vous surveillera. Tout cela pour vous dire aussi qu’ils devraient réfléchir avant de lancer de grands travaux sur des routes de ce genre. Car à bousculer l’asphalte, à faire venir des pelleteuses et autres machines bruyantes et sauvages, on prend le risque de réveiller les vieilles histoires. S’ils n’avaient pas décidé de refaire cette portion d’autoroute vingt ans après, je ne me serais pas aventurée là. C’est leur faute, aussi.

Mais il n’était plus temps que je me plaigne, j’avais déjà pris du retard et il me fallait rattraper mes deux ombres, arrêtées à l’entrée du royaume des morts.

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