Bleu de Hongrie
559 pages
Français

Bleu de Hongrie , livre ebook

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559 pages
Français

Description

Srebrenica, 1995. L'armée Serbe de Bosnie massacre plus de huit mille Bosniaques sous le regard impuissant des militaires de l'ONU. Plus de dix ans après, la guerre n'est pas terminée pour tout le monde. Une petite fille qui est parvenue à échapper à l'acharnement des militaires se réfugie dans les bras d'un homme et d'une femme qui viennent de se rencontrer dans un train. Commence une course à perdre haleine sur les routes de l'Europe.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 décembre 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782140138621
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

30
JeanLouis Lopez
Bleu de Hongrie Roman
NOIR
Bleu de Hongrie
Collection « Noir » dirigée par Carole Martinez
La collection « Noir » accueille tous types d’ouvrages policiers, romans noirs, à suspense, d’espionnage et thrillers ainsi que des nouvelles sur la même thématique dont l’intrigue peut se dérouler aussi bien en France que dans le reste du monde.
Dernières parutions
Thomas CHANCERELLE,La maison qui respire, 2019. Onur AKTAS,Revenir, 2019. Pierre MAZET,Oublie le sourire d’Angkor, 2019. Valeria DELBON,Les ombres de Saint-Marc, 2019. Gérard NETTER,L’étrange affaire Tiburce Petitpas, 2019. Jean EROUKHMANOFF,Un plongeon dans l’eau noire, 2019. Joëlle CABRERA,Les écailles du papillon, 2018. Jean-François EUTIQUE,Le Trio Magyar, 2018. Cécile CHARRIER,Crucifiés, 2018. Daniel VASSEUR,La maison Montricourt, 2018. Marcel BOURDETTE-DONON,L’anxiété des écrevisses, 2018. Gilles TCHERNIAK,Vigilance de classe, 2018.
Jean-Louis Lopez Bleu de Hongrie
Roman
Du même auteur
Aimer d’une rive à l’autre, L’Harmattan, coll. « Rue des Écoles », 2019.
© L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
ISBN : 978-2-343-16946-0 EAN : 9782343169460
Première partie
LE SILENCE APRÈS LA GUERRE
La nuit est tombée. Naser est à genoux depuis le milieu de l’après-midi sur le terrain de football de Bratunac où plus jeune il a tant couru avec d’autres gamins, serbes ou bosniaques, à une époque où les enfants n’étaient que des enfants. Il est à genoux et il prie, les bras immobilisés dans le dos et les chevilles entravées par un fil de fer barbelé. Un bandeau couvre ses yeux, comme les yeux des dizaines et dizaines d’autres hommes de Srebrenica alignés avec lui sur le stade. Il prie, les yeux pleins de larmes de rage derrière son bandeau et les mâchoires crispées à s’en faire péter les dents. Ses poignets ruissellent du sang que fait couler le fil de fer déchirant ses chairs. Naser prie comme saigne un homme, pour épancher sa douleur quand il n’a plus le droit de crier, quand il ne peut plus crier. « A la nuit tombée, se répète-t-il, avec l’aide de Dieu, je me lèverai, j’irai chercher Katrina et nous foncerons vers les bois de l’autre côté des tribunes ouest. Je connais le chemin des étoiles. Je connais les sentiers invisibles. Nous courrons de toutes nos forces et Dieu guidera nos pas… Dieu guidera nos pas… J’en suis sûr, il nous guidera… Dieu ne peut pas nous laisser tomber… Il ne peut pas… »
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En avril 1993, Srebrenica est décrétée « zone de sécurité » par l’ONU afin de mettre la ville et sa population à l’abri d’une attaque des Serbes de Bosnie. L’accord de démilitarisation prévoit que les Bosniaques remettent leurs armes à la FORPRONU. Quelques armes légères en bon état au-dessus de centaines de fusils hors d’usage. Une compagnie de casques bleus est déployée. Les malades et les blessés ont été évacués. Les Serbes doivent se retirer au-delà de points définis par l’ONU. Eux aussi font semblant. Tout le monde ment à tout le monde tandis que dix ou vingt réfugiés meurent chaque jour. La mort, elle, ne ment pas, ne ment jamais. Toujours au rendez-vous. Aucune parole inutile. Elle arrive, elle prend et repart, dans le meilleur des cas… Joris et Olaf appartiennent au bataillon Dutchbat 3, parce que c’est le troisième bataillon hollandais qui prend position à Srebrenica. Ils arrivent le 18 janvier 1995, remplaçant un bataillon canadien… 500 au départ, 350 au bout de quelques semaines parce que les Serbes empêchent les retours de permission. Ils laissent circuler les casques bleus, mais dans un seul sens. Joris et Olaf n’ont pas la chance de partir en permission. Ils ont froid et ils broient du noir. Personne n’a le moral, sauf les Serbes qui sont les patrons, qui autorisent ou qui interdisent l’accès à l’enclave des convois de ravitaillement en fonction de l’humeur de leurs chefs et de l’évolution des négociations à Sarajevo. Ils n’ont rien à foutre de l’ONU. Le commandant du bataillon Dutchbat 3, le colonel Karremans, a expliqué à ses hommes qu’ils doivent surveiller les Serbes qui rêvent d’exterminer les 45 000 réfugiés bosniaques de Srebrenica, sans mettre en danger la vie d’un seul hollandais. Ils doivent rentrer au complet en Hollande. Humiliés, à poil, un bâton dans le cul, mais rentrer. Pour leurs familles et leur pays... Olaf est sergent dans la même unité que Joris. Ils sont de deux quartiers voisins de La Haye mais ils ont grandi tout près l’un de l’autre, sans se rencontrer avant la Yougoslavie. Olaf répète souvent :!… » Quel merdier Joris ! merdier mon vieux Olaf, un« Non « Quel putain de merdier ! Un putain de merdier ! »répond Joris. 45 000 lui Bosniaques entassés comme on n’entasse plus les animaux en Hollande.
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Pas d’eau potable, pas de pain, pas d’électricité, presque pas de médicaments. L’odeur de la mort partout. Joris et son ami Olaf, ahuris de Hollandais, qui les regardent crever en consignant sur leurs rapports qu’aucun Serbe ne lève la main sur eux. Le quartier général du bataillon est à Potocari, à cinq kilomètres de Srebrenica. Un immeuble qu’on appelle la maison blanche. La compagnie B à laquelle appartiennent les deux amis est cantonnée dans l’ancien bâtiment des postes. Avec 5 autres soldats, ils font équipe pour tenir à tour de rôle le poste d’observation Foxtrot… La première fois où ils voient Katrina, Olaf et Joris reviennent de deux nuits passées à Foxtrot. Elle est immobile, droite dans la neige, vêtue d’un jean et d’un anorak blanc. Ses cheveux noirs couverts de flocons descendent jusqu’au bas de ses reins. La neige, ses cheveux et ses yeux… Un bleu d’un autre monde, plus clair et plus transparent que toutes les mers de la Terre. Olaf et Joris sont immobiles. Ils ont repoussé leurs casques sur leurs nuques et ils se regardent. Le sommeil, le froid, la faim… Elle a ramassé dans ses mains nues des paquets de neige qu’elle lance sur eux sans rire. « C’est un ange », dit Olaf. Un vrai, avec des ailes blanches et un regard plein d’étoiles comme il n’en existe plus en Bosnie… L’ange jette une boule de neige que Joris reçoit en pleine figure. Comme un idiot, il lève son fusil pour se protéger. Les yeux de la jeune fille s’accrochent aux siens, elle s’approche très près de lui en serrant les poings et lui demande dans un anglais bien meilleur que le sien si c’est ce qu’on leur apprend dans leurs camps d’entraînements. Si on leur apprend à flinguer les femmes affamées qui grelottent dans la neige. Ils disent qu’ils ne veulent tuer personne, qu’ils sont à Srebrenica pour la protéger, pour protéger tous les Bosniaques. Elle leur répond que si les casques bleus devaient les protéger, cela se saurait.« Ce sont les Serbes que vous protégez ! Ils nous laissent mourir de faim à cause de vous ! Vous êtes leurs complices !... »La jeune fille leur fait un bras d’honneur et leur tourne le dos. Les deux soldats se regardent, elle a disparu… Ils rejoignent en silence le bâtiment des postes. Ils avalent leurs rations qui ont l’avantage d’être chaudes et ils vont s’allonger. Olaf n’arrive pas à fermer l’œil. Joris non plus. Ils ne doivent pas se poser de questions, ils doivent faire ce qu’on leur dicte sans réfléchir. Le doute est la pire des choses pour un militaire. «Qu’est-ce que nous foutons dans ce merdier ? Dans ce putain de merdier Olaf ?… »Joris s’est redressé sur son matelas, il croise les mains devant son visage. En relevant le front, il voit Olaf en face à lui, dans la même position. Ils ont les mêmes traits tirés. Il pousse sur ses deux mains et se redresse. Il sort le petit sac à dos qui est sous son matelas et il y fourre toutes les friandises que sa femme lui a envoyées avant que les Serbes
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