Croyances à l horizon
204 pages
Français

Croyances à l'horizon , livre ebook

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204 pages
Français

Description

Deux voix qui nous laissent entendre leur expérience de la vie. Celle d'une femme pour laquelle la sorcellerie, proche parente de la jalousie, selon la formule consacrée en Angwada, est présente dans le quotidien de chaque être humain. Celle d'un homme, son voisin d'enfance, qu'elle a rencontré des années plus tard et que la sorcellerie, comme une malédiction, hante aussi. Deux individus qui sur le sol de l'île Angwada tentent de se reconstruire tant bien que mal, entre santé et maladie, déni et acceptation, illusions et réalités, mensonges et vérités.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 janvier 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782140110986
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Patrick Selbonne
Croyances à l’horizon
Lettres des Caraïbes
Roman
Croyances à l’horizon
Lettres des Caraïbes Fondée par Maguy Albet, cette collection regroupe des œuvres littéraires issues des îles des Caraïbes (Grandes Antilles et Petites Antilles essentiellement). La collection accueille des œuvres directement rédigées en langue française ou des traductions. Marie-Flore PELAGE,Un ruban bleu pour Emérancia, 2018. Laurent PIPET,Wayana Blues,2018. Patrick SELBONNE,Moi, Émeraude Papillon, 2018. Jean-Michel MÉRIL,Le sang de l’orchidée, 2018. Josette SPARTACUS,Question d’arrière-boutique, 2018. Roger EDMOND,Les jeux de Dieu, Récits, 2017. Yollen LOSSEN,Le jour où ma mémoire s’est réveillée, 2017. Clarisse BAGOÉ-DUBOSQ,Laissez-la chanter, 2016. Keed J. KENDALL,La vie de Sarah,2016. José ROBELOT,Une si longue lettre d’amour et d’autres paroles...,2016. Ces dix derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent. La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le sitewww.harmattan.fr
Patrick Selbonne Croyances à l’horizon
Roman
Du même auteur chez le même éditeur Cœur d’Acomat-Boucan, 2005. Des nouvelles de la solitude, (sous pseudo. Prosper Plumme), 2016. Moi, Emeraude Papillon, 2018.
© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-15706-1 EAN : 9782343157061
Les pires souffrances de l’homme sont celles qu’il redoute, car le grand obstacle c’est toujours la représentation et non la réalité.
Etty Hillesum.
Olympe Olympe se reposait sur sa terrasse dans une dodine couleur acajou. Mains derrière la tête, elle appréciait, au point de s’assoupir, la caresse du vent sur son corps. Son corps de femme qui revenait d’entre les morts. Non, elle ne délirait pas en pensant ainsi. Son corps de femme qui ramenait dans son esprit une expression biblique qu’elle avait toujours négligée. «Tu es poussière, et tu retourneras poussière.». Ainsi va la vie sur terre, vois-tu! «Tu es poussière et retourneras poussière.» C’est bon de se sentir revivre! À cinquante-cinq ans et trois mois, mes courbes se sont épaissies. Je peux te dire aujourd’hui que cela n’arrive pas qu’aux autres. J’ai été touchée dans ma chair et dans mon esprit. Je n’avais jamais eu l’idée de méditer sur ces mots, «Cela n’arrive pas qu’aux autres.» La maladie n’est pas que pour les autres. Eh oui, cela n’arrive pas qu’aux autres. Chose que l’on néglige totalement, jusqu’à ce que le malheur vienne vous frapper. Je me mets désormais à la place de l’autre, l’autre que je peux être à tout moment, parce que j’en ai fait l’amère expérience. L’autre qui était moi dans le cas présent, figure-toi? Incorrigible que ce narrateur de l’ombre qui ne peut s’empêcher d’apporter son grain de sel en se servant d’Olympe pour parler de lui aussi. Olympe qui fait un retour sur elle-même!
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Tu sais, Omer, après la pluie vient le beau temps. Le cancer n’est pas que pour les autres.L’autre. «Les autres.» Le souvenir du film homonyme avec Nicole Kidman, émouvante et tragique à souhait avec ses enfants, me traverse l’esprit. Moi qui suis fan de films fantastiques.L’autre, qui, maintenant je l’ai bien compris, peut être moi aussi, tout dépend du point de vue duquel on est placé. Le hasard, à défaut de le qualifier par autre chose, a décidé que je suis moi, et non une autre personne. Inutile que je me complique la vie, disons pour simplifier que je suis un être humain comme un autre. Même si je m’aperçois qu’en disant cela, je ne suis pas pour autant près de la vérité. D’ailleurs, y a-t-il une vérité en matière d’identité? L’apparence qui est souvent trompeuse n’a pas fini de nous jouer des tours. Ça, je peux te le dire. Dans un espace où l’austérité était reine, reposait, sur le lit aux draps immaculés, une femme endormie à laquelle la douleur semblait avoir accordé un petit répit. C’était moi. Moi qui résistais! Moi qui prenais en esprit de la distance par rapport à ce corps allongé là. Le mien. Mon corps de femme que je ne pensais pas voir ainsi un jour. On pense toujours que cela n’arrive qu’aux autres comme je te le disais il y a une minute. Je plongeais dans une mer lactescente et oppressante. Au secours, je me noie, je me noie! Mes appels au secours se perdaient dans l’infini. L’infini qui n’était pas d’un noir spatial, mais qui, en la circonstance, était de la couleur des draps. Un blanc éclatant où dérivait un astronaute. Moi! Le même blanc qui s’était infiltré dans ma combinaison, et qui attaquait maintenant, entre
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autres, les cellules de mes poumons qui ne tarderaient pas à éclater. L’anaconda immaculé qui allait m’étouffer. Je m’étais réveillée en sursaut d’un cauchemar. Ouf, de justesse! Heureusement, j’étais saine et sauve. Satanée angoisse. Saloperie de coup du sort. J’étais tombée de caca en pissat comme il se dit chez nous. Impossible d’échapper à la réalité. Depuis que la maladie s’était abattue sur la patiente de la chambre 69 comme la misère sur le monde, personne ne pourrait me faire croire le contraire. «Ma vie était devenue un enfer à cause de lui.» Je me le répétais à l’infini. Même si je savais que cela ne changerait rien, autant te prendre en main ma chère! J’étais l’énergie faite femme qui disait que le diable en personne était couché à côté d’elle. Oh non, rassure-toi! Je ne suis pas folle. En parlant de diable, je ne parle pas de la créature, anthropomorphe, bestiale aux pieds fourchus, à la langue de vipère, à la queue préhensile terminée par une pointe de flèche empoisonnée. Je ne parle pas de la créature velue, mélanoderme, d’une laideur repoussante avec ses ailes de chauve-souris que véhicule ici l’imaginaire collectif et que terrasse le bel ange Saint Michel dans une représentation du tableau de Raphaël, mais bel et bien d’un homme, mon mari. Mon pire ennemi. Un diable d’homme. «Les nuits avec mon ennemi», le film revenait en force dans mon esprit. Sauf que, dans le cas présent, je fais allusion à une terrible réalité. Je n’étais pas dans la peau de Julia Roberts face à Patrick Bergin, jouant Laura et Martin Burney, mais le drame que vivait Laura avait une certaine analogie avec le mien. Je peux te dire que ce n’était pas de la fiction. Depuis la fenêtre de ma chambre, mon regard rasait les toits, courait sur les tôles rouges, bleues, vertes, grises, rouillées,
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