De si beaux yeux
298 pages
Français

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De si beaux yeux , livre ebook

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Description

Un village du Pays Toy dans les Hautes-Pyrénées, au pied du cirque de Gavarnie et du pic du Midi de Bigorre, dans la seconde moitié du XIX° siècle. En montagne, on s'échine sans trêve ; les personnalités sont fortes et les caractères trempés : les enfants, qui courent la montagne, Thomasin, l'idiot, les frères, qui se déchirent jusqu'au sang, le curé, qui dit trop de messes, Louise, la rebouteuse... Dominique, le patriarche de la famille la plus en vue du pays. Une vie entre soi, où regarder vivre son voisin peut devenir l'occupation de toute une existence. Alors, quand la Petite est attaquée par l'ours, là-haut, et lorsque l'on apprend qu'elle est grosse, les bruits n'en finissent plus de courir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2009
Nombre de lectures 57
EAN13 9782336281124
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De si beaux yeux

Christine Cambra-Djoudi
Couverture : Gavarnie , aquarelle d’Omer Bouchery, 1956. Etude pour l’illustration du livre de G. Flaubert, Voyage aux Pyrénées. en Provence et en Corse (Paris, Colas 1957) © Archives famille Bouchery.
OMER BOUCHERY (1882-1962) est un artiste d’origine lilloise qui figure en tant que “petit maître” dans tous les dictionnaires des artistes du XX e siècle. Connu surtout comme graveur et illustrateur, il fut l’auteur de près de trois cents gravures originales, d’innombrables dessins, aquarelles, pastels et peintures à l’huile, et il illustra une trentaine de livres. La Bibliothèque nationale de France et les musées de Lille (le Palais des Beaux-Arts et l’Hospice Comtesse) possèdent un large part de son œuvre. Son art sobre et sincère, son souci de la vérité historique et son attention aux problèmes sociaux ainsi que son travail sur l’architecture, lilloise en particulier, où il laisse s’exprimer ses origines flamandes, en font un témoin précieux et scrupuleux de son temps. Une importante étude sur cet artiste (104 pp., nb. ill. noir et coul.) est parue en 2005 sous le titre Omer Bouchery. Une vie d’artiste , par T. Guiot-Houdart, éditée par Les Amis d’O. Bouchery, 11190 - Luc-sur-Aude. ISBN : 2-9524173-0-X.
© L’Harmattan, 2009 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296101685
EAN : 9782296101685
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace Première partie
Chapitre premier Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6 Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 10 Chapitre 11 Chapitre 12 Chapitre 13 Chapitre 14 Chapitre 15 Chapitre 16 Chapitre 17 Chapitre 18 Chapitre 19 Chapitre 20 Chapitre 21 Chapitre 22 Chapitre 23 Chapitre 24 Chapitre 25 Chapitre 26 Chapitre 27 Chapitre 28 Chapitre 29 Chapitre 30 Chapitre 31
Deuxième partie
Chapitre premier Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6 Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 10 Chapitre 11 Chapitre 12 Chapitre 13 Chapitre 14 Chapitre 15 Chapitre 16 Chapitre 17 Chapitre 18 Chapitre 19 Chapitre 20 Chapitre 21 Chapitre 22 Chapitre 23 Chapitre 24 Chapitre 25 Chapitre 26 Chapitre 27 Chapitre 28 Chapitre 29
Épilogue
À ma mère, la plus fidèle et fervente des lectrices. En souvenir de mon père.
Suave, mari magno turbantibus aequora ventis, E terra magnum alterius spectare laborem ; Non quia vexari quemquam est jucunda voluptas, Sed quibus ipse malis careas quia cernere suave est.
Lucrèce, De Natura Rerum , Livre Il
Qu’il est doux, quand la vaste mer est soulevée par les vents, d’assister depuis le rivage à la terrible détresse d’autrui ; non que l’on éprouve un si délectable plaisir au spectacle de la souffrance ; mais il est doux de voir les maux qui nous épargnent.
Première partie
Chapitre premier
La bourgade est en émoi, la nouvelle s’est répandue comme colportée par le vent. Ou étaient-ce les femmes du village ? Qu’importe. Nul ne l’ignore plus désormais, la Petite a vu le Moussu. La bête provoque de telles alarmes que l’on n’ose pas même prononcer son nom, de peur que ça la fasse revenir. Elle reste à proximité, et on vit dans son ombre. On trouve parfois une trace de son pied presque humain au détour d’un sentier, son pied de Pedescaous , son pied de va-nu-pieds, alors on sait que cette nuit, l’animal a passé vers la rivière. Il hante la montagne, mais on ne le voit guère. D’ailleurs on prie pour ne pas le rencontrer. On craint pour son troupeau, et on craint pour ses filles. On ne dit pas son nom, on l’appelle le Moussu, le Monsieur, pour ne pas dire l’ours.
La Petite l’a vu. C’était là-haut, vers le torrent, à l’endroit où les arbres deviennent plus drus et dessinent au flanc de la montagne une tache sombre pareille à une toison de femme. La fillette avait passé le pré où Pierre mène paître ses brebis, et pénétré sous les arches de la forêt familière aux faîtes si hauts qu’ils semblent joindre la terre au ciel. Elle y venait souvent ramasser du bois mort, sa famille avait besoin de tous les bras valides, même de ceux des enfants. Au village, on n’avait jamais dit, mais on avait pensé, qu’elle allait bien loin chercher le bois de ses fagots. Les autres enfants y partaient la peur au ventre, mais elle semblait prendre plaisir à quitter la vallée pour gagner les hauteurs, où le vent est plus sonore et le silence toujours léger. Parfois, elle ne revenait qu’à la nuit tombante, les lèvres barbouillées du sang noir des mûres, les mains égratignées, les ongles endeuillés, les yeux encore embués d’avoir vu resplendir les cimes, semblant danser sous le fardeau de bois. Quand on cherchait à savoir ce qu’elle avait fait si longtemps là-haut, elle déclarait : « J’ai regardé la montagne. ». Alors certains riaient un peu d’elle et disaient qu’elle n’avait pas besoin de tant regarder la montagne aujourd’hui, parce qu’elle serait encore là demain. Les imbéciles.
Elle avait presque atteint ses quatorze ans, à quatorze ans, on n’est plus une petite fille, mais on lui disait « la Petite » depuis si longtemps qu’on avait fini par oublier qu’elle portait un prénom chrétien. Quand elle était née, son grand-père Julien l’avait considérée avec les yeux émerveillés de l’enfance revenue, comme s’il n’avait jamais rien vu de si beau. Et puis le taciturne avait parlé. Il avait dit : « Qu’elle est petite ! ». Il avait exhalé toute la tendresse qui le débordait soudain, dans un murmure, pour ne pas la déranger. « Qu’elle est petite ! », cela signifiait : « Qu’elle est belle ! Qu’elle est précieuse ! Comme je vais l’aimer ! ». Toutes ces paroles qu’il n’avait pas prononcées, seule la Petite les avait entendues. Les matrones présentes autour du pépé n’avaient pas compris, elles n’avaient entendu que la petitesse quand l’aïeul proclamait l’immensité de sa fierté. Il l’avait vue petite, elle était devenue la Petite. Jusqu’à ce jour, à ses presque quatorze ans, où elle avait rencontré le Moussu.
C’est Pierre Cahuzat, le berger, qui donna l’alerte. Il arriva à la fois hors d’haleine et hurlant à la ferme de Dominique, son père, la dernière du village, la plus belle avec son grand portail. Prévenus qu’un malheur était arrivé, les hommes rangèrent leur pierre à aiguiser dans le coffin de bois accroché à leur ceinture et arrivèrent des champs en pressant le pas. Les femmes sortirent des maisons et des granges en essuyant leurs mains à leurs sarraus de toile fatiguée. Alphonsine et Germaine, affriolées par les éclats de voix, accoururent du lavoir, les mains rougies par l’eau glacée qui rend le linge si blanc, même quand il a été souillé du sang des femmes. Les enfants tournoyèrent dans les jambes des parents, s’égosillant avec la volaille, pleurnichant d’être soudain secoués. On les fit taire. Entre deux hoquets, entre deux sanglots, Pierre commença un récit sans queue ni tête. On rassembla les bribes, on remit de l’ordre dans le désordre, et l’on comprit qu’il se trouvait là-haut, avec ses bêtes, lorsqu’il avait aperçu la Petite ramassant du bois. Soudain, le Moussu avait surgi de nulle part et lui avait fait face. Elle n’avait pas crié, pas même quand il s’était jeté sur elle. Pierre s’était avancé en faisant du tapage pour le faire fuir, un vacarme de tous les diables, augmenté des aboiements des chiens en fureur. L’ours avait fini par s’en retourner d’où il était venu, mais la Petite gisait dans son sang. Elle était morte.
Les femmes poussèrent des glapissements. Elles se lamentaient encore bruyamment en tordant les mains dans les plis de leurs tabliers, quand les hommes gravissaient déjà la montagne. Il ne leur avait fallu qu’un instant pour enfiler leurs lourdes chaussures de marche et se saisir, en plus de leurs bâtons ferrés, de fourches, de cognées, d’un fusil, d’une faux même, de tout ce que leur prévoyance paysanne avait placé dans les remises et à portée de leurs mains. Dominique Cahuzat menait la marche. Sec et noueux, de taille moyenne, le béret inamovible et la moustache drue, rien ne le différenciait notablement des autres hommes du pays, sinon un regard direct capable de vous faire baisser les yeux, et un port de tête inimitable. Il avait pris la tête de la colonne sans prononcer une parole, et personne ne s’était avisé de lui disputer la place car aucun, mieux que lui, n’aurait su quoi y f

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