Drôle de jeunesse
68 pages
Français

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Drôle de jeunesse , livre ebook

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Description

Au début des années 50, souvenirs d'une enfance solitaire, rêveuse, peureuse, angoissée même. L'auteure nous dit son rôle de soeur aînée, l'ordre moral, l'amour porté au père, la malentendance, le corps qui change. Elle nous dit aussi une jeunesse des années 70-80, tourmentée, qui hésite à vivre, à aimer la vie, les hommes. Et par le sortilège de l'écriture, l'adulte retrouve sa jeunesse, comme on se réapproprie des lieux oubliés qui furent siens.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2011
Nombre de lectures 46
EAN13 9782296474970
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0424€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DRÔLE DE JEUNESSE
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http://www. librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.f

ISBN : 978-2-296-56434-3
EAN : 9782296564343

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Pascale TOURÉ-LEROUX


DRÔLE DE JEUNESSE
Graveurs de mémoire


Emile HERLIC, « Vent printanier », nom de code pour la rafle du Vél’ d’hiv’. Récit , 2011.
Dominique POULACHON, René, maquisard. Sur les sentiers de la Résistance en Saône-et-Loire , 2011.
Shanda TONME, Les chemins de l’immigration : la France ou rien ! (vol. 3 d’une autobiographie en 6 volumes), 2011.
Claude-Alain CHRISTOPHE, Jazz à Limoges , 2011.
Claude MILON, Pierre Deloger (1890-1985). De la boulange à l’opéra , 2011.
Jean-Philippe GOUDET, Les sentes de l’espoir. Une famille auvergnate durant la Seconde Guerre mondiale , 2011.
Armand BENACERRAF, Trois passeports pour un seul homme , Itinéraire d’un cardiologue , 2011.
Vincent JEANTET, Je suis mort un mardi , 2011.
Pierre PELOU, L’arbre et le paysage. L’itinéraire d’un postier rouergat (1907-1981), 2011.
François DENIS et Michèle DENIS-DELCEY, Les Araignées Rouges, Un agronome en Ethiopie (1965-1975), 2011.
Djalil et Marie HAKEM, Le Livre de Djalil , 2011.
Chantai MEYER, La Chrétienne en terre d’Islam , 2011.
Danielle BARCELO-GUEZ, Racines tunisiennes , 2011.
Paul SECHTER, En 1936 j’avais quinze ans , 2011.
Roland BAUCHOT, Mémoires d’un biologiste. De la rue des Ecoles à la rue d’Ulm , 2011.
Eric de ROSNY, L’Afrique, sur le vif. Récits et péripéties , 2011.
Eliane LIRAUD, L’aventure guinéenne, 2011.
Louis GIVELET, L’Écolo, le pollueur et le paysan , 2011.
Yves JEGOUZO, Madeleine dite Betty, déportée résistante à Auschwitz-Birkenau , 2011.
« Comme Ulysse, il te faut repartir , puisque dans le temps retrouvé, terme et seuil sont une même chose . Et je me demande, une fois les chemins parcourus , le voyage achevé, si le livre ne peut devenir à son tour une sorte de voyage . »

Chemin faisant, par Jacques La carrière


« Même si le bonheur te quitte parfois, ne l’oublie jamais tout à fait . »

Jacques Prévert
A mes deux grand-mères, mes deux orphelines dont j’ai voulu
porter les noms en pseudonyme d’écriture.


A mes parents
Je suis là, assise à ma table, tremblante devant la feuille de papier. J’ai peur, peur de me faire plaisir, d’écrire, émerveillée par ce qui peut se produire. Ma tête est vide, prise de vertige parce que trop pleine de ce qui voudrait sortir en gerbes.
Dehors, la terre se réchauffe au soleil qui lui est rendu après l’hiver, elle chante d’une branche à l’autre, murmure dans l’air tiède. Devant moi, la lumière pénètre, forte et tranquille, par la fenêtre grande ouverte, à travers les rideaux ajourés. Vie éclose, renaissante, fécondité éternelle, qui me saisit à mon tour. Quiétude, soudain, dont je voudrais me sentir envahir pour transmettre le chant des mots…


J’ai écrit cela il y a fort longtemps, ces phrases sont restées imprimées en moi durant de longues années, traces, stigmates de ma jeunesse sauvegardée, sauvée. Comme une litanie qu’on récite dans une sorte d’extase. Extase narcissique devant mes mots, devant moi-même. Il y en a eu d’autres, de mots, beaucoup d’autres, bons et mauvais, fades ou pertinents, qui n’ont guère franchi la barre de quelques dizaines d’exemplaires vendus. Silence, silence de mort, sans gloire ni lauriers. Et de brèves réponses d’éditeurs, froides comme des couperets d’acier. J’étais si fière d’eux, de mes mots, de mes phrases, je croyais les avoir suffisamment chouchoutés, je serais reconnue, enfin reconnue, bien plus que dans ma vie, on m’aimerait, on m’encenserait, j’en rêvais, j’en étais sûre. Des compliments, par-ci par-là, parmi les exemplaires vendus, ça fait chaud au cœur, ça vous donne de la fierté, fierté d’être pourvue de cette puissance créatrice, ça vous grandit, on vous aime, vous vous aimez vous-même. Et puis des critiques moins élogieuses dans des bouches qui se veulent amicales, coopératrices, oui ça, je le sais, mais incisives, pernicieuses, qui s’infiltrent dans mon léger tourbillon de gloriole, d’orgueilleuse gloriole. On me dit aussi : il faut continuer à écrire, retravailler, en toute modestie… C’est dur à avaler, ça va jusqu’à la déprime, je doute de moi, non, je ne pourrai pas m’y remettre, ce serait trop pénible, trop douloureux, ça prendrait trop de place dans ma tête déjà fragile, ça l’effriterait… Alors j’arrête, je n’y pense plus, on verra. Je n’ai qu’à redescendre en douceur des sommets de mes fantasmes et me fondre à nouveau dans l’inconnu, l’anonyme. Etre modeste, m’a-t-on dit.
Et puis là, maintenant, je reprends, timidement, avec angoisse, dans un tumulte intérieur. Vais-je les trouver, ces mots ? Les retrouver ? En retrouver d’autres, aussi scintillants, aussi périlleux les uns que les autres ? Après tout, au moment où j’écris ces lignes, j’ai tourné une page de ma vie. Ma jeunesse, je l’ai digérée, apprivoisée, je la regarde de loin, sereinement, même s’il reste des nostalgies, des empreintes. Elle est en moi, mais elle est passée. Je peux maintenant la raconter, revenir sur ses traces, sur ses chemins sinueux, où j’ai pleuré, trimé, où j’ai ri, où j’ai souffert dans l’attente de la vie. Je l’ai traînée trop longtemps dans mon bagage, trop pesante, trop présente devant mes yeux las qui ne parvenaient pas à s’en détacher, à s’en détourner, à la quitter. Si lourde d’incertitudes, de non-dits, de peurs, de refus. Refus de marcher toute seule, comme quand je suis tombée à mes premiers pas et que j’ai hésité longtemps à remettre un pied devant l’autre, toute seule, bien campée sur mes deux jambes, lâchée des bras maternels.
La mémoire est sélective, on se souvient de ce que l’on veut, de ce que l’on peut. Je me souviens de mon enfance à Ville d’Avray comme si c’était hier. Début des années 50, logement inconfortable, pas de salle de bains, les toilettes en bas dans la cour. Puis le déménagement dans une autre banlieue, un pavillon mitoyen tout neuf, avec de vrais sanitaires, c’était le début de l’essor économique. Finis pour mon père ces longs trajets physiquement harassants, surtout en plein hiver, pour aller travailler au Bourget. Maman n’a pas retravaillé tout de suite, mais cette enfance, durant ces quelques courtes années, ma sœur cadette et moi, on ne s’en souvient pas, c’est le trou noir, flou. On ne sait plus ce qu’elle nous faisait à manger, si, ça me revient, les frites le samedi. La nourriture, les plats préférés, ça compte dans une enfance, ça vient de la mère, c’est de la joie, c’est de l’amour. Elle voulait sa cuisine en formica, retravailler juste pour avoir un million pour le formica, et puis elle a continué à prendre son train tous les matins, une fois la cuisine installée. Le samedi aussi. Moi, j’avais besoin d’elle face à ce corps changeant qui me faisait souffrir, avec son cortège de mal être et d’angoisses nocturnes. Mais j’arrête, je ne veux plus en parler, ce qui est fait est fait, accompli, derrière nous. A quoi servirait-il d’en dire plus ? Les mots ont souvent fait trop mal, ce n’est la faute ni des enfants, ni des grandes personnes.
La farine biscuitée qui sent le lait, qui sent la mère, les bonbons acidulés de toutes les couleurs habillés de cellophane, les petits caramels blonds au parfum de lait et de vanille prisonniers d’un petit papier jaune et blanc délicatement plié, les petits beurres LU serrés dans leur auguste boîte rouge en fer, ma petite sœur, elle croque d’abord les petits bouts ronds brûlés, les uns après les autres. La crème au citron, on n’en a pas voulu, ça nous écoeurait, maman, elle s’est fâchée, vexée de s’être donné tant de mal à essayer sa recette. Nourriture, odeurs, saveurs de toujours. Souvent, bien plus tard, je me suis fait grossir, à vouloir les retrouver dans des aliments trop caloriques.
L’enfance d’hiver dans la cuisine isolée de la nuit froide qui tombe déjà, et chauffée comme un nid par les vapeurs emb

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