Du couscous dans le biberon
272 pages
Français

Du couscous dans le biberon , livre ebook

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272 pages
Français

Description

Rachid, enfant de la banlieue francilienne, a un objectif : être un adolescent normal, avec ses moments de révolte, de déception, de joie. Plus encore il veut trouver l'amour. Pas si simple pour un garçon des cités qui évolue au milieu de la drogue, de la violence et de la perversion. Le jeune homme devra affronter les idées reçues, le racisme, les pensées simplificatrices : parviendra-t-il, armé d'audace et d'un coeur pur, à vaincre la fatalité ?

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Informations

Publié par
Date de parution 02 septembre 2015
Nombre de lectures 21
EAN13 9782336389370
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Farid MÉBARKI
Du couscous dans le biberon
Roman
Lettres du monde Arabe
Du couscous dans le biberon
Lettres du Monde arabe Fondée en 1981 par Marc Gontard, cette collection est consacrée à la littérature arabe contemporaine. Réservée à la prose, elle accueille des œuvres littéraires rédigées directement en langue française ou des traductions. Les œuvres poétiques relevant du domaine de la littérature arabe contemporaine sont publiées dans la collectionPoètes des cinq continentsle théâtre dans la et collectionThéâtre des cinq continents. Derniers titres parus : Khemmal (Abdelkrim),Les rebelles du mont noir, 2015. Khedher (Mahmoud-Turki),L’antique refrain de Sidi-el-Meddeb, 2015. Laqabi (Saïd),Gnaouas, 2015. Redouane (Najib),A l’ombre de l’eucalyptus, 2014. Jmahri (Mustapha),Les sentiers de l’attente, 2014. Alessandra (Jacques),Café Yacine, 2014. Heloui (Khodr),La rue des Églises. Il était une ville paisible : Tripoli au Liban-Nord, 2014. Abbou (Akli),Le terroriste et l’enfant, 2014. Naciri (Rachida),Appels de la médina(tome 2), 2014. Naciri (Rachida),Appels de la médina(tome 1), 2013. Ces dix derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent. La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le sitewww.harmattan.fr
Farid MÉBARKI
Du couscous dans le biberon
Roman
Ouvrages du même auteur : Être Maghrébin et policier,Éditions L’harmttan, 2009. L'apologie des droits de l'Homme,Édilivre, 2010.
© L’Harmattan, 2015 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-05774-3 EAN : 9782343057743
CHAPITRE 1
Rachid Haddad est un garçonnet de trois ans, et il a déjà une mémoire prodigieuse. Il est issu d'une fratrie de huit membres, tous maghrébins et typés comme lui. Ses parents sont de condition très modeste. Rachid vit en Île-de-France. Attentif au monde qui l'entoure, rien ne lui échappe, il observe, évalue et enregistre, sans que cela ne lui coûte aucune peine. Même s'il le voulait, il ne pourrait s'empêcher de mémoriser, y compris les détails qui n'ont aucun intérêt pour le profane. De ses parents, il ne reçoit rien de superflu, lorsqu'il a eu la chance de recevoir le minimum vital. En effet, Rachid a un papa qui utilise son maigre salaire d'ouvrier du bâtiment pour jouer aux courses privant ainsi sa famille, relativement nombreuse, d'une éventuelle pitance toujours très attendue.
Rachid pouvait compter sur les aliments de « première nécessité », même si l'expression ne recouvre pas le même sens que celle de son père. En effet, l'effet addictif des pratiques de jeux de hasard avait placé le père de Rachid dans un état de cécité et d'insensibilité face à la souffrance de sa famille. Ainsi, il n'était pas rare que sa mère eût recours à l'assistante sociale, pour obtenir des tickets
d'aide alimentaire. Ces tickets servaient de moyen de paiement dans certains magasins. Pour Rachid, c'était les tickets de la honte. Dès son plus jeune âge, Rachid avait appris à ses dépens ce sentiment très particulier, il le ressentait régulièrement avec plusieurs variantes. Ce sentiment se conjuguait avec d'autres, celui de l'injustice, celui de ne pas avoir une vie comme les autres, celui de ne pas pouvoir payer ses achats comme tout le monde, celui d'avoir une famille, un père et une couleur de peau différent de ceux des autres. Ce cocktail étrange mettait le petit cœur de Rachid à rude épreuve. Pourtant, il lui fallait surmonter ces obstacles quel qu'en fût le prix, car il n'était pas de ceux qui baissent les bras. C'était un battant, il était toujours calme, lucide, mais déterminé à conquérir un jour le chemin de la « normalité », tel était le but qu'il s'était fixé.
Du haut de ses trois ans révolus, il commença sa vie de petit garçon de façon presque banale. Il devait entrer à école maternelle pour la première fois et il s'était levé relativement tôt pour cela. Vêtu de vêtements d'occasion achetés sur le marché du dimanche, Rachid était prêt à partir. Il faisait froid et sa maman avait bien pris soin de lui mettre une cagoule et un vêtement chaud. Le voilà parti, tenant la main de sa mère qui le conduisait vers l'endroit où il allait passer une grande partie de son temps, dans un monde qui lui était inconnu. À cet instant, il ressentait un peu plus que de la simple appréhension. Il avait trop chaud emmitouflé dans ses vêtements d'hiver. Sa cagoule, qui contenait un faible pourcentage de laine, était urticante comme le liquide venimeux de certaines variétés d'orties. Ces micro-agressions ne faisaient qu'accroître l'impression de suffocation. Le cœur serré, Rachid s'apprêtait à être reçu dans l'antre du savoir. Rachid et sa maman étaient très nettement en avance sur l'horaire, les
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abords de l'école maternelle Honoré de Balzac étaient déserts. Arrivé au niveau du portail donnant accès à la cour de récréation, Rachid sut qu'il allait devoir lâcher la main de sa mère et se retrouver seul parmi de parfaits inconnus. Mais le jeune garçon était courageux et il ne pleurait pas : il savait que sa maman allait le confier à une structure soucieuse du bien-être des jeunes enfants. Il avait en elle une confiance aveugle. Ça y est, il était dans l'enceinte de l'école, et il s'apprê-tait à entrer dans le petit bâtiment de plain-pied qu'il voyait pour la première fois. La porte d'entrée principale était ouverte ; à travers les vitres, il distinguait une petite silhouette. Une fois le seuil franchi, les appréhensions générées par son nouvel environnement avaient laissé place à une immense stupéfaction ; la silhouette aperçue quelques secondes auparavant se distinguait parfaitement du décor. Sur le côté gauche par rapport à l'entrée, se trouvait une fillette, guère plus âgée que lui. Elle était seule, assise sur un banc composé de trois longues lattes de bois fixées sur quatre pieds en métal incurvés à l'assise du banc. Elle avait le dos droit, les cheveux raides, châtain clair et légèrement chatoyants. La barrette rose qui les tenait, accentuait cette impression de rectitude et de minutie apportée à la conception de la coiffure, où l'alignement des cheveux était rigoureusement respecté. Elle avait les mains posées sur ses genoux et les pieds joints, pareille à un soldat au garde-à-vous un jour de grande cérémonie avec passage en revue des troupes par le président de la République. Sa peau blanche immaculée illuminait son visage d'ange. Tout était droit chez elle, ses souliers brillaient de mille feux, mais cette lumière n'était rien comparée à celle de ses yeux, seuls éléments qui n'étaient pas alignés au reste de son corps ; elle les avait tournés vers lui. Rachid n'avait jamais rien vu d'aussi beau.
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