Flaubert, une jeunesse d ours
206 pages
Français

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Flaubert, une jeunesse d'ours , livre ebook

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Description

Avec ce récit de la jeunesse de Flaubert, Thierry Poyet propose de redécouvrir les conditions de la naissance d'un grand écrivain. En s'affranchissant des approches universitaires, l'auteur éclaire la seule vraie condition de l'être-artiste : un sentiment d'humanité à fleur de peau. Sans autre prétention que le souci de rendre accessible une page d'histoire littéraire, il nous offre une image "grand public" de Gustave Flaubert.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2011
Nombre de lectures 27
EAN13 9782296465916
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Flaubert, une jeunesse d’ours
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55262-3
EAN : 9782296552623

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Thierry Poyet


Flaubert, une jeunesse d’ours


Récit biographique


L’Harmattan
Du même auteur

Flaubert - Hugo, une amitié littéraire , Paris, L’Harmattan, 2008.
Mon amie George Sand, Tours, Editions La Nouvelle République, 1998.


L’illustrateur

Philippe Chassang est l’auteur de l’illustration qui a servi de couverture à cette édition. Pratiquant depuis toujours les arts plastiques, il a rencontré la gravure il y a bien longtemps : les odeurs de vernis, le temps des croquis, l’inattendu des transferts, le noir de l’encre et le blanc des papiers, le poli-miroir d’une plaque de cuivre et les caractères gravés par l’acide, la révélation des ombres et des lumières sous le passage de la presse… Membre de l’association « Le chant de l’encre », l’estampe est devenue son medium privilégié. Ses références artistiques tournent tout à la fois autour de Hopper, Degas Picasso, Whistler… Quant à sa démarche esthétique, elle se construit sur l’évidence des rencontres et de la passion artistique. Se soustraire au temps, figer un espace de développement graphique prolongeant l’imaginaire : une petite poésie tournée vers les lumières du monde.
Le lecteur peut retrouver son univers sur le site : http://gravurechassang.jimdo.com
Pour Laure-Anaïs
I
Je me souviens mal de ma petite enfance, mes toutes premières années m’ont toujours paru loin de moi comme s’il s’agissait de la vie d’un autre garçon. Je ne sais pas si tout le monde ressent les choses de la sorte… Ma mère m’a souvent dit que j’avais bien de la chance : ne rien se rappeler, c’est la preuve que l’on a vécu heureux puisqu’il n’y a jamais que les tristes souvenirs pour rester. Je ne sais pas si je dois la croire. J’en doute un peu.

J’appartiens à une famille un peu bizarre et pourtant si commune pour notre époque ; en fait, nous ne sommes pas très unis et je dis parfois qu’il y a moins de lien et de proximité entre nous tous qu’entre une botte d’asperges et moi ! C’est une mauvaise blague qui ne fait rire personne ! Au contraire, elle fâche maman qui ne comprend pas que je m’en amuse, un peu cynique au fond ! Déjà cynique…

Je vais vous présenter tout le monde.

D’abord, il y a mon frère. Il se prénomme Achille, comme papa, c’est normal puisqu’il est l’aîné. Il est bien plus âgé que moi, huit ans de plus pour être précis et je me demande bien des fois si je le connais vraiment. Je n’ai jamais joué avec lui, et quand je suis né il devait déjà être en pension ! Je ne me souviens plus. Je crois que nous avons toujours manqué de points communs… C’est tellement vrai qu’au fond on ne dirait pas que nous sommes deux frères ! D’ailleurs je ne sais pas trop ce que cela signifie au juste être frères…

Mon père, lui, travaille beaucoup, on m’a expliqué qu’il était le chirurgien en chef de l’hôpital, je ne me rends pas bien compte de ce que cela signifie mais je sais que maman, les domestiques, ma sœur ou moi, nous nous devons de le respecter. D’ailleurs, tout le monde le respecte. Qu’est-ce que ça veut dire ? Tout simplement, on se tait quand il parle et puis personne n’ose jamais le contredire. Tout ce qu’il décide semble toujours être juste et bien. Puisqu’il est quelqu’un d’important, à l’hôpital et partout ailleurs où il passe.

Quand nous partons en promenade, tout le monde le salue dans les rues et souvent on l’appelle Docteur. On croirait qu’il n’y a personne pour ignorer qui il est. J’aimerais bien qu’on m’appelle Docteur moi aussi quand je serai grand mais j’ignore au fond si cela sera possible. Il y a déjà Achille pour remplacer papa, un jour… C’est ce qu’on m’a dit. Et puis on me répète que je suis trop petit pour penser à tout ça… Alors je me tais. Et cela convient à tout le monde. C’est ce que Maman attend de moi, non ?

Maman… Elle est très gentille et je l’aime bien. Pourtant, elle me semble bien souvent sombre et triste, enfermée dans une vie intérieure à laquelle je ne peux pas accéder. Personne n’y semble autorisé en réalité. J’ignore ce qui ronge maman, du moins ce qui semble la préoccuper en permanence. Je vois bien qu’elle n’est pas toute disponible pour nous. Je voudrais tant qu’elle se consacrât tout entière à moi. Rien qu’à moi. Peut-être accepterait-elle de s’occuper plus de moi encore mais il y a ma sœur, Caro, et son jeune âge fait que maman doit la veiller avec la plus grande des attentions… Caro, c’est Caroline, ma petite sœur. Elle est née deux ans et demi après moi. C’est la personne que j’aime le plus au monde. Nous jouons souvent ensemble même si elle est une fille : nous nous entendons bien. Sans elle, je suis perdu.

Et puis il y a les domestiques. Pierre, un homme qui fait le gros du travail, qui s’occupe de conduire papa parfois, et qui m’embête aussi. Lui, il me raconte des blagues et il me joue quelquefois de vilains tours. Un jour, alors que je devais le déranger, il a voulu se débarrasser de moi et pour parvenir à ses fins, il m’a dit brutalement : « Va-t’en de là ! Allez, va donc voir au fond du jardin ou dans la cuisine si j’y suis ! » Moi, je n’avais rien compris à son piège et je suis parti comme il venait de me le demander en prenant mes jambes à mon cou. Bien sûr, quand je suis arrivé dans la cuisine, je n’ai trouvé personne : il n’était pas là ! Alors j’ai couru jusque dans le jardin mais Pierre ne s’y trouvait pas davantage. Et, tout doucement, je me suis mis à pleurer jusqu’à ce que maman, bientôt inquiétée par le bruit de mes sanglots inconsolables, vienne me réconforter et m’expliquer le pouvoir des mots. On a beaucoup ri de moi, ce jour-là, et pour la première fois j’ai éprouvé ce sentiment terrible que les adultes appellent la honte. Je crois bien que je suis resté tout rouge de longues minutes, tremblant même, à la limite de la crise de nerfs... Au fond, je n’ai pas supporté que tout le monde se moque de moi. Et ça a recommencé le soir quand maman a tout raconté à papa, devant moi encore. Papa m’a regardé alors d’un air étrange, ses yeux semblaient vouloir percer un mystère, le mien a-t-il dit. Je ne savais plus comment me comporter, ni que faire. Je n’ai pas parlé, j’ai baissé les yeux. Simplement. Humblement. Et puis papa a déclaré à maman d’un ton sentencieux qui m’a beaucoup troublé : cet enfant est pareil à un ours. Il passe par des périodes où il semble hiberner, inaccessible à quiconque. Et il a enchaîné : certains jours, on croirait que rien ne le rattache à son environnement, qu’il vit ailleurs, comme au ralenti…

C’est alors que Caro qui avait tout écouté s’est mise à crier : Gustave est un ours, Gustave est un ours… Cela a suffi pour que papa se fâche à nous faire peur : je crois que c’était la première fois qu’il s’emportait contre ma sœur. Caro s’est mise à pleurer et, moi, je suis resté silencieux. Il valait mieux !

Ce n’est pas Julie, notre bonne, qui me causerait de pareils tourments : elle ne sait que faire pour nous être agréables, elle a le cœur sur la main, comme dit maman, et c’est bien souvent qu’elle nous confectionne des gâteaux. Alors elle nous prend avec elle dans la cuisine et nous dévoile ses merveilleuses recettes à la réalisation desquelles nous participons tout joyeux et très sages. J’ai toujours vu Julie dans la maison : elle fait partie des meubles ! En réalité, elle est arrivée chez nous pour aider maman quand j’avais trois ans et c’est donc comme si je l’avais toujours connue. Je dois le concéder, j’ai placé toute ma confiance en elle et j’ai bien fait, je crois. Julie manifeste une telle gentillesse pour nous ! Elle est si bonne, si dévouée, si patiente. Oui, je l’aime beaucoup. Elle sait être présente pour nous.

Mais il faut que je vous raconte mes journées ! En général, elles se déroulent toutes un peu de la même manière puisque c’est mama

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